Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 mars 2023 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour.
Par un jugement n° 2308362 du 26 janvier 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité et enjoint au préfet de police de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars 2024, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 à 3 du jugement n° 2308362 du 26 janvier 2024 en tant que le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 27 mars 2023, lui a enjoint de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement et l'a condamné à verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la présence en France de M. C... constitue une menace à l'ordre public qui justifie le refus de renouvellement de son titre de séjour.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 mai 2024 M. C..., représenté par Me Lebriquir, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté méconnaît le droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable en application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales le préfet ayant statué sur sa demande de renouvellement dans un délai de deux ans et quatre mois sans qu'il soit en mesure d'actualiser son dossier ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation et méconnaît le principe constitutionnel de fraternité, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2022 dès lors que la commission du titre de séjour a émis un avis favorable à sa demande de titre de séjour, que les faits qui lui sont reprochés sont anciens et d'une gravité relative, que la peine d'emprisonnement prononcée en 2018 a été entièrement couverte par sa détention provisoire de 2013, qu'il est père de trois enfants, qu'il justifie d'un contrat de travail à durée indéterminée et qu'il n'a pas été poursuivi et est présumé innocent des faits figurant au fichier traitement d'antécédents judiciaires (TAJ).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 4 janvier 1974 à Bangoulap au Cameroun, de nationalité camerounaise, a demandé, le 14 octobre 2020, le renouvellement de son titre de séjour délivré en qualité de parent d'enfant français et expirant le 15 juillet 2020. Par un arrêté du 27 mars 2023, le préfet de police a refusé de renouveler ce titre de séjour. Par un jugement n° 2308362 du 26 janvier 2024 dont le préfet de police interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité et enjoint au préfet de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet le 19 juin 2012 par le tribunal correctionnel de Versailles d'une condamnation à une peine de 500 euros d'amende pour des faits de vol (récidive) commis le 17 octobre 2011 mais également d'une condamnation à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, le 23 février 2018, par le tribunal correctionnel de Paris pour des faits de violence par une personne en état d'ivresse manifeste suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours (fait commis le 19 novembre 2017) et enfin, le 5 juin 2018, par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains à une peine de dix mois d'emprisonnement pour des faits de participation à association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement (escroquerie) pour des faits commis du 1er février 2013 au 8 juin 2013. Toutefois, ces condamnations qui répriment des faits anciens n'ont pas fait obstacle à ce que l'administration renouvelle le titre de séjour de M. C....
4. Ainsi, l'intéressé a été mis en possession d'un premier titre de séjour le 27 août 2007 valable du 22 juin 2007 au 21 juin 2008 en sa qualité de parent d'enfant français qui a été renouvelé jusqu'au 20 octobre 2009 puis, il a été mis en possession de récépissés de demande de carte de séjour pour la période comprise entre le 21 novembre 2009 et le 12 novembre 2012 puis de nouveau à partir du 5 février 2015. Le 12 février 2018, il a déposé une nouvelle demande de titre de séjour et a bénéficié d'une nouvelle carte de séjour temporaire valable du 12 février 2018 au 11 février 2019 qui a été renouvelée le 3 octobre 2019 pour la période comprise entre le 16 juillet 2019 et le 15 juillet 2020 en sa qualité de parent d'enfant français.
5. Par ailleurs, M. C... est père de trois enfants mineurs dont sa fille B... de nationalité française. Il travaille en contrat à durée indéterminée depuis le 5 mars 2022 en qualité d'agent d'exploitation au sein de la SAS Stan SSIAP Intervention. Séparé de la mère de ses deux derniers enfants, il est titulaire d'un droit de visite un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires et participe à leur entretien conformément à la décision du juge des affaires familiales à hauteur de 350 euros par mois.
6. De même, si le préfet de police fait état de ce que M. C... est défavorablement connu des services de police pour des faits de harcèlement d'une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à un pacte civil de solidarité sans incapacité, dégradation des conditions de vie entrainant une altération de santé du 1er juin 2006 au 30 mai 2020, violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité le 17 juillet 2020, dégradation ou détérioration volontaire d'un bien d'autrui causant un dommage léger le 21 février 2021, circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance le 3 mars 2022 et conduite d'un véhicule sans permis le 21 juin 2022, les faits inscrits dans les extraits du fichier TAJ (traitement d'antécédents judiciaires) sur lesquels le préfet s'est fondé qui, s'ils permettent de constater que le requérant a été entendu par des services d'enquête pour de tels faits, ne permettent pas, en revanche, d'établir que les infractions considérées auraient, à l'issue de l'enquête, été jugées suffisamment caractérisées pour donner lieu à des poursuites voire à des condamnations pénales.
7. Enfin, la commission du titre de séjour a émis le 30 janvier 2023 un avis favorable au renouvellement du titre de séjour de M. C... au regard de l'ancienneté des condamnations et des relations régulières qu'il a établies avec ses trois enfants, sa situation professionnelle lui permettant de les aider concrètement. Au regard de ces circonstances et compte tenu notamment de la durée de son séjour, de ses attaches familiales en France et de son insertion professionnelle, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le préfet de police, en refusant de délivrer à M. C... le titre de séjour qu'il sollicitait, au motif que son comportement constituait une menace à l'ordre public, avait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public et qu'il avait, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé, pour méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, son arrêté du 27 mars 2023.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. C... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présenté par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 24 janvier 2025.
La rapporteure,
S. BOIZOTLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA0137302