Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I- Par une requête enregistrée sous le n° 2012922, la société anonyme (SA) Assystem a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge consécutivement à la remise en cause d'une partie des créances de crédit d'impôt recherche déclarées par sa filiale intégrée, la société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France, au titre des dépenses de recherche exposées par elle lors des années 2010 à 2012.
II- Par une requête enregistrée sous le n° 2113043, la SA Assystem a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que la restitution d'un complément de crédit d'impôt recherche, résultant de la remise en cause de dépenses de recherche exposées par sa filiale intégrée, la société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France, au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 2012922, 2113043 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la SA Assystem à fin de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 2010, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SA Assystem résultant d'une part, de la remise en cause de l'inclusion dans l'assiette de crédit d'impôt recherche des dépenses exposées par sa société intégrée, la société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France, à hauteur de 2 100 296 euros au titre de l'année 2011 et de 2 717 526 euros au titre de l'année 2012, et, d'autre part, de la remise en cause de l'inclusion dans l'assiette de ce crédit d'impôt des dépenses exposées par la même société à hauteur de 1 340 893 euros au titre de l'année 2014 et de rejeter le surplus des demandes de la société.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires en réplique enregistrés les 9 juin 2023, 29 mars et 16 juillet 2024, la SA Assystem représentée par Me Quentin, avocat, demande à la Cour :
1°) de prononcer l'annulation partielle du jugement n° 2012922 en date du 6 avril 2023 en ce qu'il rejette partiellement la demande de la société Assystem SA portant sur la décharge des rappels d'impôt sur les sociétés mis à la charge de sa filiale, la société Assystem France (AFR), au titre des exercices 2011 et 2012 ;
2°) de prononcer la décharge complémentaire des rappels d'impôt sur les sociétés mis à sa charge consécutivement à la remise en cause d'une partie des créances de crédit d'impôt recherche déclarées par sa filiale intégrée, la société AFR, au titre des années 2011 et 2012 pour des montants respectivement égaux à 2 740 099 euros et 4 074 903 euros en droits, majorés des intérêts de retard correspondant ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L 761- 1 du code de justice administrative.
La SA Assystem soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit, les premiers juges ayant rajouté une condition non prévue par la loi pour qu'une société puisse bénéficier de la prise en compte de ses dépenses de recherche et développement (RetD) au titre du crédit d'impôt recherche, à savoir l'existence d'une expertise indépendante ;
- les prestations litigieuses doivent être incluses dans l'assiette du crédit d'impôt recherche dès lors qu'elles n'entrent pas dans le champ d'application du III de l'article 244 quater B du code général des impôts puisque, commandées par les clients de la société AFR, elles constituent des prestations d'ingénierie pour la réalisation desquelles la société AFR a été amenée à engager des dépenses de recherche individualisées de sa propre initiative et pour ses besoins propres afin de rendre les prestations commandées, qui n'étaient pas des commandes de recherche et développement ;
- la société réalise des prestations avec obligation de résultat qui s'inscrivent dans le cadre d'une prestation globale d'ingénierie ou de services aboutissant à la remise d'un livrable déterminé et non à la vente de prestations de RetD, et ce conformément aux demandes des clients, prestations qui ne correspondent pas à de la sous-traitance de recherche en tant que telle mais, au contraire, à une livraison d'un résultat tel que défini dans le contrat et dans le cahier des charges y afférent ;
- si le ministre fait valoir que plusieurs contrats auxquels la société se réfère dans ses écritures n'auraient prétendument fait l'objet d'aucun rehaussement au titre des années 2011 et 2012, ces contrats sont expressément visés par le service en annexe 3 de sa proposition de rectification en date du 9 décembre 2014 ;
- les différentes expertises communiquées dans le cadre des différentes instances ainsi que l'analyse complémentaire réalisée par la société selon les critères identifiés par l'expert permettent de démontrer que les prestations litigieuses, commandées par l'ensemble de ses clients, constituaient bien des prestations d'ingénierie au travers de la mise en exergue des critères dégagés par la jurisprudence, les expertises produites en première instance ayant permis de faire droit à la demande de la société s'agissant d'opérations de RetD réalisées au vu de l'examen de 54 % de la valeur des dépenses exposées en litige ; les différents rapports d'expertise communiqués au cours des procédures de première instance et d'appel établissent sans équivoque que 95 % des montants de crédit d'impôt recherche réclamés au titre de l'année 2011 et 91 % des montants de crédit d'impôt recherche réclamés au titre de l'année 2012 concernent bien des commandes de prestations de services relevant du domaine de l'ingénierie passées par ses clients.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2023 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2024 à 12 heures.
Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a été enregistré le 9 janvier 2025, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boizot,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- et les observations de Me Quentin, pour la société Assystem.
Une note en délibéré, enregistrée le 14 janvier 2025, a été présentée pour la société Assystem par Me Quentin.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France, société membre du groupe d'intégration fiscale dont la société anonyme Assystem est la société mère intégrante, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité, portant respectivement sur la période courant de 2010 à 2012 et sur l'année 2014, à l'issue desquelles le service a notamment remis en cause l'inclusion de certaines des dépenses que cette société a exposées dans l'assiette du crédit d'impôt recherche au titre des années 2010 à 2012 et 2014. Par une requête et une réclamation soumise d'office au présent tribunal en application de l'article R. 199-l du livre des procédures fiscales, la société Assystem a demandé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés consécutivement mises à sa charge pour l'ensemble des années en cause, ainsi que le prononcé d'un complément de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2014. Par un jugement n° 2012922, 2113043 en date du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la SA Assystem à fin de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 2010, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société Assystem résultant d'une part, de la remise en cause de l'inclusion dans l'assiette de crédit d'impôt recherche des dépenses exposées par sa société intégrée, la société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France (AFR), à hauteur de 2 100 296 euros au titre de l'année 2011 et de 2 717 526 euros au titre de l'année 2012 et d'autre part, de la remise en cause de l'inclusion dans l'assiette de ce crédit d'impôt des dépenses exposées par la même société à hauteur de 1 340 893 euros au titre de l'année 2014 et rejeté le surplus des demandes de la société. Cette dernière interjette régulièrement appel du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La société Assystem ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de droit qu'auraient commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 223 O du code général des impôts : " 1. La société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l'imputation sur le montant de l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice : / (...) b. Des crédits d'impôt pour dépenses de recherche dégagés par chaque société du groupe en application de l'article 244 quater B (...) ". Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) d bis) Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions. (...) / d ter) Les dépenses mentionnées aux d et d bis entrent dans la base de calcul du crédit d'impôt recherche dans la limite globale de deux millions d'euros par an. Cette limite est portée à 10 millions d'euros pour les dépenses de recherche correspondant à des opérations confiées aux organismes mentionnés aux d et d bis, à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens des deuxième à quatrième alinéas du 12 de l'article 39 entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et ces organismes ; (...) / III. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d'impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu'elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts désignés au d et au d bis du II, pour le calcul de leur propre crédit d'impôt ".
4. Il résulte de ces dispositions que les sommes reçues par les organismes de recherche privés agréés mentionnés au d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts pour la réalisation d'opérations de recherche qui leur sont confiées par des entreprises entrant elles-mêmes dans le champ des bénéficiaires du crédit d'impôt recherche constituent, pour ces entreprises donneuses d'ordre, des dépenses éligibles à ce crédit. S'agissant des organismes de recherche sous-traitants, ils ne peuvent inclure les dépenses exposées pour réaliser de telles opérations dans la base de calcul de leur crédit d'impôt recherche, même lorsque ces dépenses ne seraient pas effectivement prises en compte dans l'assiette du crédit d'impôt recherche de l'entreprise donneuse d'ordre, soit par l'effet des règles de plafonnement prévues à ce même d bis et au d ter du même II, soit du fait d'une renonciation volontaire au bénéfice du crédit d'impôt auquel cette dernière pourrait prétendre. En revanche, lorsqu'un tel organisme engage des dépenses de recherche pour son propre compte, y compris dans l'hypothèse où elles sont suscitées par l'exécution de prestations pour le compte d'un tiers dont l'objet ne porte pas sur la réalisation d'opérations de recherches, cet organisme peut inclure ces dépenses dans la base de calcul de son crédit d'impôt si elles satisfont aux exigences posées par l'article 244 quater B du code général des impôts, sans que ces dispositions ne lui imposent de déduire de cette assiette les sommes facturées au bénéficiaire des prestations, qui ne constituent pas, pour ce dernier, des dépenses éligibles à ce crédit d'impôt.
5. L'administration fiscale, pour remettre en cause le calcul du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche dont disposait la société AFR, filiale de la SA Assystem, au titre des exercices clos en 2011 et 2012, a estimé que cette dernière, qui est un organisme de recherche privé agréé au sens du d bis du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, avait inclus à tort dans l'assiette de ce crédit d'impôt des dépenses de recherche exposées pour la réalisation de diverses prestations d'ingénierie commandées par les sociétés Airbus, Snecma (Safran), Thales Alenia, Renault, PSA Peugeot Citroën et SAGEM, au motif que ces dépenses étaient exposées dans l'intérêt de ces donneurs d'ordre, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ces donneurs d'ordre n'auraient pas pris en compte le montant de ces dépenses pour le calcul de leur propre crédit d'impôt pour les dépenses de recherche.
6. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis fait l'objet, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par ces dispositions.
7. Il résulte de l'instruction en particulier des quatre rapports d'expertise établis les 22 mars et 10 juillet 2024 par M. A..., que les contrats de sous-traitance liant, au titre des périodes litigieuses, la société AFR à ses donneurs d'ordre (Airbus, Snecma (Safran), Thales Alenia, Renault, PSA Peugeot Citroën et SAGEM) incluent un cahier des charges qui décrit avec précision, contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, les prestations confiées par les sociétés donneuses d'ordre, à savoir des prestations de développement et de réalisation, prévoit un planning prévisionnel qui décrit très précisément la nature exacte des prestations rendues qui sont divisées en lots et inclut un prix fixe et ferme, les délais de livraison mentionnés dans la commande, impératifs et assortis de pénalités de retard, ainsi que la possibilité de résilier le contrat, et met une obligation de résultats à la charge de la société AFR. Il apparaît ainsi que les prestations portaient exclusivement sur la réalisation de prestations d'ingénierie ou de développement d'applications informatiques, sans que l'objet de ces conventions de sous-traitance n'inclue la réalisation en sous-traitance d'opérations de recherche pour le compte de sociétés mentionnées. Si l'expert admet, dans son rapport de synthèse du 22 mars 2024 portant sur l'examen des commandes des sociétés Airbus, Snecma (Safran), Thales Alenia et Sagem, que plusieurs des projets examinés ne comportent pas l'exhaustivité des pièces permettant de déterminer la nature des prestations réalisées, une telle appréciation ne saurait s'étendre à la qualification, en tant que travaux de RetD, des tâches induites par les commandes passées à la société requérante, l'expert ayant été missionné exclusivement pour analyser les éléments contractuels et techniques, donner son avis sur la nature des missions confiées par les donneurs d'ordre, et déterminer si ces missions correspondaient à des prestations d'ingénierie ou de RetD.
8. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'éligibilité technique des travaux de RetD réalisés par la société AFR pour son compte dans le cadre des prestations d'ingénierie confiées par ses clients n'a pas été remise en cause par l'administration fiscale, que ce soit durant les opérations de contrôle, à l'occasion de la proposition de rectification en date du 9 décembre 2014 ou de la décision de rejet de sa réclamation préalable en date du 21 septembre 2020. Au surplus, dans un rapport en date du 25 novembre 2015, les experts du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sollicités par l'administration fiscale ont reconnu l'éligibilité des projets de recherche réalisés au cours de l'année 2012 par Assystem pour répondre aux commandes de prestations techniques d'ingénierie de ses clients " aéronautique " (Airbus, Thales Alenia), " naval " (Sagem et Snecma (Safran), et " automobile " (Renault et PSA Peugeot Citroën), tout en excluant certains travaux présentés dans des sous-projets. Le ministre n'a d'ailleurs pas présenté de conclusions d'appel incident ou de conclusions reconventionnelles au titre de la présente instance.
9. En outre, alors que l'administration ne soutient pas que les opérations litigieuses réalisées pour son compte propre, dont il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'elles se rapportent aux prestations sous-traitées, auraient été refacturées aux clients de la société AFR, il ressort des stipulations des contrats-cadres relatifs aux contrats de sous-traitance conclus avec les donneurs d'ordre que le transfert à ces derniers de la propriété intellectuelle des prestations fournies par la société AFR ne porte que sur l'objet même, quelle que soit sa forme, de la commande passée par les donneurs d'ordre et non sur le résultat des travaux de recherche et développement qu'aurait été amené à engager le sous-traitant, à son initiative et pour son propre compte, en vue de réaliser cette commande.
10. Dans ces conditions, il apparaît que la société AFR réalise des prestations avec obligation de résultat qui s'inscrivent dans le cadre d'une prestation globale d'ingénierie ou de services aboutissant à la remise d'un livrable déterminé et non à la vente de prestations de RetD, et ce conformément aux demandes des clients, prestations qui ne correspondent pas à de la sous-traitance de recherche en tant que telle mais, au contraire, à une livraison d'un résultat tel que défini dans le contrat et dans le cahier des charges y afférent. C'est seulement à l'occasion de la réalisation des livrables inhérents à la prestation de service d'ingénierie pour ses clients que la société AFR a été amenée à réaliser des opérations de RetD, de ce fait éligibles au crédit d'impôt recherche.
11. Enfin, l'administration, en se bornant à faire valoir que la société n'est pas fondée à soutenir qu'elle était liée aux sociétés sous-traitantes par des contrats de prestations d'ingénierie et non de RetD, dès lors qu'au cours des opérations de vérification, elle assimilait lesdits contrats à des opérations de RetD, et à soutenir qu'elle n'apporte aucune pièce justificative à l'appui de ses affirmations selon lesquelles elle aurait réalisé des travaux de RetD à son initiative et pour son propre compte parallèlement à la réalisation de telles prestations d'ingénierie et qu'elle n'établit pas qu'elle aurait réutilisé le fruit de ces opérations, ne met pas le juge en mesure d'apprécier la fraction des dépenses de RetD qui n'aurait pas été effectuée pour son compte propre notamment en ayant été refacturée et déduite par les donneurs d'ordres.
12. Il résulte des points 7 à 11 précédents que la société requérante est uniquement fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge, s'agissant des années 2011 et 2012, résultant de la remise en cause de l'inclusion dans l'assiette du crédit d'impôt recherche des dépenses exposées par sa filiale intégrée, la société AFR, à concurrence des montants chiffrés dans le dernier état de ses écritures et non contestés en défense des contrats expertisés, à savoir 4 586 333 euros au titre de l'année 2011 et 6 172 103 euros au titre de l'année 2012, compte non tenu des montants de dépenses ouvrant droit à crédit d'impôt recherche retenus par les premiers juges, peu important que les sociétés donneuses d'ordre eussent pu réclamer l'inclusion de ces sommes dans les bases de calcul du crédit d'impôt recherche dans leur chef, alors qu'il est constant qu'elles ne l'ont pas fait, et que la société requérante se soit fondée sur une méthodologie dite de la marge brute alors qu'elle établit, par divers documents probants, la réalité de ces opérations de recherche et développement engagées pour son propre compte à l'occasion de l'exécution de prestations pour le compte de tiers dont l'objet ne porte pas sur la réalisation d'opérations de recherche.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Assystem est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des exercices 2011 et 2012 à hauteur des montants mentionnés au point 12.
Sur les frais de l'instance :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SA Assystem d'une somme globale de 3 000 euros en remboursement des frais que celle-ci a exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il est prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SA Assystem résultant de la remise en cause de l'inclusion, dans l'assiette de crédit d'impôt recherche des dépenses exposées par sa société intégrée, la société par actions simplifiée unipersonnelle Assystem France, à hauteur de 4 586 333 euros au titre de l'année 2011 et de 6 172 103 euros au titre de l'année 2012.
Article 2 : Le jugement n° 2012922, 2113043 du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SA Assystem la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA Assystem est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Assystem et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI).
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 24 janvier 2025.
La rapporteure,
S. BOIZOT Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02531