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23/01/2025 | FRANCE | N°23PA03934

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 23 janvier 2025, 23PA03934


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... H... et les autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, l'arrêté n° D22 SGVP-0866 du 8 novembre 2022 par lequel la maire de Paris a délégué le droit de préemption urbain dont la Ville de Paris est titulaire sur le territoire parisien à la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), à la suite de la déclaration d'aliéner n° 075 115 22 00429 reçue le 8 août 2022, concernant l'immeuble situé 85, rue de l'Abbé Groult à

Paris 15ème, cadastré BS n°55 et, d'autre part, la décision de la RIVP en date du 10 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... H... et les autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, l'arrêté n° D22 SGVP-0866 du 8 novembre 2022 par lequel la maire de Paris a délégué le droit de préemption urbain dont la Ville de Paris est titulaire sur le territoire parisien à la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), à la suite de la déclaration d'aliéner n° 075 115 22 00429 reçue le 8 août 2022, concernant l'immeuble situé 85, rue de l'Abbé Groult à Paris 15ème, cadastré BS n°55 et, d'autre part, la décision de la RIVP en date du 10 novembre 2022 portant exercice du droit de préemption sur cet immeuble.

Par un jugement n° 2300300/4-1 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 5 septembre 2023 et les 20 juin et 16 octobre 2024, Mme H... et les autres requérants, représentés par Me Jobelot, puis par Me Perrineau, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 2300300/4-1 du 6 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté de la maire du Paris du 8 novembre 2022 et la décision de la RIVP en date du 10 novembre 2022 ;

3°) de rejeter l'ensemble des demandes présentées par la Ville de Paris et la RIVP ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris et de la RIVP le versement aux requérants de la somme globale de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

- le jugement est entaché d'insuffisance de motivation, en violation de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- la déclaration d'intention d'aliéner est entachée de nullité, compte tenu de l'existence d'une clause d'inaliénabilité qui interdisait aux propriétaires de vendre le bien en cause et n'a pas été transmise au préfet ;

- la décision de préemption méconnaît les articles L. 213-2, L. 2131-1 et L. 2131-2 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il n'est pas justifié de sa transmission régulière au contrôle de légalité ;

- le signataire de cette décision ne justifie pas d'une délégation de compétence régulière, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme ;

- à supposer qu'une telle délégation existe, sa publicité et sa transmission au préfet n'ont pas été effectuées régulièrement ;

- cette décision est insuffisamment motivée et ne révèle pas un projet réel, en méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.

Par deux mémoires en défense, enregistrés 16 avril et 1er août 2024, la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.

La requête a été communiquée à la Ville de Paris qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,

- les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public,

- les observations de Me De Malatinszky, substituant Me Perrineau pour Mme H... et les autres requérants,

- et les observations de Mme I... pour la Régie immobilière de la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... H... et Mme B... H... épouse F... sont propriétaires de l'immeuble situé 85, rue de l'Abbé Groult à Paris (15ème arrondissement) à la suite d'une donation-partage en date du 10 juillet 2018 effectuée par leurs parents, M. C... H... et Mme E... Marquis épouse H.... M. A... H... et Mme B... H... épouse F... ont notifié à la Ville de Paris, le 2 août 2022, une déclaration d'intention d'aliéner l'immeuble concerné à la société par actions simplifiée unipersonnelle, dont l'unique associée est Mme B... H... épouse F.... Cette déclaration ayant été réceptionnée par la Ville le 8 août 2022, la maire de Paris a délégué, par arrêté du 8 novembre 2022, l'exercice du droit de préemption urbain sur cet immeuble à la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), laquelle a, par une décision du 10 novembre 2022, exercé le droit de préemption sur ledit immeuble. Mme B... H... et les autres requérants relèvent appel du jugement n° 2300300/4-1 du 6 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur requête.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes mêmes des motifs du jugement attaqué, exposés au point 10, que les premiers juges ont écarté, par une motivation suffisante, le moyen soulevé devant eux par Mme H... et les autres requérants, tiré de la fraude entachant la déclaration d'intention d'aliéner, en estimant que les requérants n'invoquaient, au soutien de ce moyen, aucune disposition législative ou réglementaire de nature à en apprécier le bien-fondé. En outre, si Mme H... et les autres requérants soutiennent que l'existence d'une fraude, qui n'est définie par aucun texte législatif et réglementaire, est de nature à caractériser l'illégalité de la décision de préemption, une telle critique, telle qu'elle est formulée, relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dudit jugement manque en fait et ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 15° D'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire, de déléguer l'exercice de ces droits à l'occasion de l'aliénation d'un bien selon les dispositions prévues à l'article L. 211-2 (...) de ce même code dans les conditions que fixe le conseil municipal ". Le premier alinéa de l'article L. 1524-1 du même code dispose : " A peine de nullité, les délibérations du conseil d'administration ou du conseil de surveillance et des assemblées générales des sociétés d'économie mixte locales sont communiquées dans le mois suivant leur adoption au représentant de l'Etat dans le département où se trouve le siège social de la société. Cette communication peut s'effectuer par voie électronique ou par tout autre moyen permettant d'attester une date certaine. (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption urbain peut déléguer son droit à une société d'économie mixte agréée mentionnée à l'article L. 481-1 du code de la construction et de l'habitation (...). Leur organe délibérant peut déléguer l'exercice de ce droit, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Selon l'article R. 211-5 de ce code : " L'exercice du droit de préemption urbain peut être délégué (...) au directeur général ou à l'un des directeurs par le conseil d'administration (...) des sociétés ou organismes mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 211-2. (...) Cette délégation fait l'objet d'une publication de nature à la rendre opposable aux tiers. / Lorsqu'il exerce ce droit par délégation, (...) le directeur général ou le directeur rend compte, au moins une fois par an, de son action au conseil d'administration (...) ". Ces dispositions autorisent notamment le conseil d'administration d'une société d'économie mixte agréée pour exercer une activité de construction et de gestion de logements sociaux à déléguer l'exercice du droit de préemption urbain au profit de son directeur général, permettant à ce dernier d'exercer ce droit à chaque fois qu'une commune, le cas échéant représentée par le maire préalablement habilité par le conseil municipal, décide de déléguer à cette société l'exercice de ce droit à l'occasion de l'aliénation d'un bien.

4. Il ressort des pièces du dossier que le conseil d'administration de la Régie immobilière de la Ville de Paris a, par délibération du 30 mars 2021, nommé Mme G... D... aux fonctions de directrice générale à compter du 1er avril 2021 en rappelant qu'en sa qualité de directrice générale, elle était, conformément aux dispositions de l'article 20 des statuts de cette société, " investie des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la Société, dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration ". Dès lors que les articles 18, 31 et 32 des statuts de la Régie immobilière de la Ville de Paris relatifs aux missions de son assemblée générale et de son conseil d'administration, qui se bornent à reproduire les dispositions législatives du code de commerce relatives aux missions des assemblées d'actionnaires et du conseil d'administration des sociétés anonymes, n'attribuent pas expressément l'exercice du droit de préemption à l'une de ces instances, le conseil d'administration de la Régie immobilière de la Ville de Paris, en confiant à sa directrice générale, par délibération du 30 mars 2021, " les pouvoirs les plus étendus ", a entendu l'habiliter à exercer le droit de préemption urbain à chaque fois que celui-ci serait délégué par le maire de Paris à la Régie immobilière de la Ville de Paris à l'occasion de l'aliénation d'un bien.

5. Toutefois, lorsque le droit de préemption a été ainsi délégué à une société d'économie mixte en application des dispositions, citées au point 3, du troisième alinéa de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, son organe délibérant peut en déléguer l'exercice à son organe de direction par une délibération. Eu égard à l'étendue du public susceptible d'être destinataire d'une décision de préemption, soit l'ensemble des propriétaires de biens entrant dans le champ de mise en œuvre du droit de préemption urbain et de leurs acquéreurs potentiels, et compte tenu des conséquences qu'emporte l'exercice du droit de préemption sur la liberté de disposer de ses biens, composante du droit constitutionnel de propriété, cette délibération doit faire l'objet d'une publication de nature à le rendre opposable aux tiers. Cette dernière condition ne doit être regardée comme satisfaite que si la décision de délégation de l'exercice du droit afférent à l'un des dirigeants de la société a été publiée, soit dans des conditions qui garantissent un accès en ligne, simple et gratuit, soit dans des conditions identiques à celles dans lesquelles l'a lui-même été l'acte par lequel l'organe délibérant du titulaire du droit de préemption, mentionné à l'article R. 211-1 du code de l'urbanisme, a délégué ce droit. Cette publication, qui peut prendre la forme d'un extrait de la délibération de l'organe délibérant de la société, doit mentionner précisément l'étendue de la délégation consentie et, s'il échet, reproduire les stipulations des statuts de la société ou de l'organisme auxquelles il est renvoyé. La circonstance que, conformément aux dispositions du code de commerce, ces statuts ont eux-mêmes été publiés au greffe du tribunal de commerce et seraient accessibles à toute personne qui en ferait la demande, au demeurant payante, par l'intermédiaire d'un site en ligne dédié n'est pas de nature à pallier l'absence de publication dans les conditions susmentionnées.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la délibération du 30 mars 2021 du conseil d'administration de la Régie immobilière de la Ville de Paris a été publiée au greffe du tribunal de commerce de Paris le 13 avril 2021, dans un journal d'annonces légales le 12 avril 2021 et sur le site Infogreffe le 30 mars 2021. Ces modalités de publication ne peuvent, du fait du caractère limité de leur accessibilité au public, le site Infogreffe étant, au demeurant, un site payant, être regardées comme étant de nature à rendre opposable aux tiers la délibération litigieuse. Dès lors, Mme H... et les autres requérants sont fondés à soutenir que la délibération par laquelle le conseil d'administration de la RIVP a délégué l'exercice du droit de préemption urbain à la directrice générale de cette société, n'a pas été publiée régulièrement et qu'elle méconnaît, en conséquence, les dispositions précitées de l'article R. 211-5 du code de l'urbanisme.

7. Enfin, il ne ressort d'aucune de ces pièces que la lettre du 14 juin 2021 par laquelle la RIVP a transmis la délibération du 30 mars 2021 au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a été effectivement envoyée et reçue par ce dernier. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de transmission de cette délibération au préfet doit donc également être accueilli.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales : " I.- Sont transmis au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement, dans les conditions prévues au II : (...) 8° Les décisions relevant de l'exercice de prérogatives de puissance publique, prises par les sociétés d'économie mixte locales pour le compte d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale. (...) II.- La transmission prévue au I peut s'effectuer par voie électronique, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. Pour les communes de plus de 50 000 habitants, cette transmission est réalisée selon ces modalités. (...)". Aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables.Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu'il en soit disposé autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de ses dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures. ".

9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la décision de préemption du 10 novembre 2022 n'a pas été transmise au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, par voie électronique, en méconnaissance des dispositions précitées du II de l'article L. 2331-2 du code général des collectivités territoriales. D'autre part, il ressort de ces pièces, notamment du tampon humide de la préfecture apposé sur cette décision, que la transmission de cette décision a été effectuée le 9 novembre 2022. L'arrêté du 8 novembre 2022 par lequel la maire de Paris a délégué le droit de préemption sur l'immeuble en cause ayant également été publié le 9 novembre 2022, et cette délégation n'entrant en vigueur, s'agissant d'un acte réglementaire, que le lendemain, la RIVP n'a, en conséquence, été titulaire du droit de préemption sur l'immeuble objet du litige qu'à compter du 10 novembre 2022. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que, la décision de préemption contestée n'ayant pas été régulièrement transmise au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, cette décision est dépourvue de caractère exécutoire.

10. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. (...) ".

11. Mme H... et les autres requérants soutiennent que la décision de préemption litigieuse est illégale, dès lors que l'acte de donation-partage en date du 10 juillet 2018 prévoit une clause d'inaliénabilité, la vente du bien en cause à une société par actions simplifiée unipersonnelle dont Mme B... H... est l'unique associée ayant eu pour seul objet de lui permettre de gérer seule ce bien, compte tenu des problèmes de santé de son frère. Il ressort toutefois des termes mêmes de l'acte de donation-partage que " le donataire est propriétaire à compter de ce jour des biens immobiliers donnés et compris dans son attribution ". En outre, la décision attaquée ne révèle pas l'existence d'une fraude. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la décision de préemption, en raison de l'existence d'une clause d'inaliénabilité figurant dans l'acte de donation-partage et de l'absence de signature des donateurs, sera écarté.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, (...), notamment en recherchant l'optimisation de l'utilisation des espaces urbanisés et à urbaniser. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 210-1 du même code : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en œuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. (...) ".

13. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

14. D'une part, la décision vise la délibération du Conseil de Paris 2011 DLH 89 des 28 et 29 mars 2011 adoptant le programme local de l'habitat entre 2011 et 2016 tel qu'arrêté par délibération des 15 et 16 novembre 2010 et modifié par délibération 2015 DLH 19 des 9 et 10 février 2015 et mentionne que cette décision vise à réaliser en partie un programme de logements sociaux, l'accroissement de la part de tels logements constituant l'un des objectifs de l'habitat afin de se rapprocher du seuil de 25 % fixé par l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. Elle est ainsi suffisamment motivée.

15. D'autre part, si une étude de faisabilité réalisée par le cabinet Fernier et Associés le 30 septembre 2022, soit antérieurement à la décision litigieuse, présente une description détaillée des parties communes de l'immeuble en vue d'estimer les travaux à réaliser sur la base d'une réhabilitation et d'étudier la surélévation possible, elle n'évoque pas, toutefois, les logements sociaux prévus par la décision, les logements existants n'ayant pas, du reste, été pris en compte dans le cadre de cette étude. Ces seuls éléments étant insuffisants pour établir la réalité du projet, le moyen tiré de l'absence de réalité du projet doit, dès lors, être accueilli.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... et les autres requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 10 novembre 2022 par laquelle la RIVP a exercé le droit de préemption sur l'immeuble situé 85, rue de l'Abbé Groult à Paris (15ème arrondissement) et à demander l'annulation de cette décision. En revanche, les requérants n'ayant soulevé aucun moyen à l'encontre de l'arrêté n° D22 SGVP-0866 du 8 novembre 2022 par lequel la maire de Paris a délégué à la RIVP l'exercice du droit de préemption urbain sur ledit immeuble, leurs conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté seront rejetées. Il y a donc lieu de réformer l'article 1er du jugement litigieux en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Sur les frais liés au litige':

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Régie immobilière de la Ville de Paris en puisse invoquer le bénéfice. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge et à la charge de la Ville de Paris le versement aux requérants d'une somme totale de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2300300/4-1 du 6 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 2': La décision du 10 novembre 2022 par laquelle la RIVP a exercé le droit de préemption sur l'immeuble situé 85 rue de l'Abbé Groult à Paris (15ème) est annulée.

Article 3': La Ville de Paris et la RIVP verseront à Mme H... et aux autres requérants une somme totale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5': Les conclusions de la RIVP fondées sur article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... H..., première dénommée, pour l'ensemble des requérants et à la Régie immobilière de la Ville de Paris.

Copie en sera adressée à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2025.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

I. LUBEN

La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23PA03934


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03934
Date de la décision : 23/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : SCP ZURFLUH LEBATTEUX SIZAIRE & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-23;23pa03934 ?
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