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22/01/2025 | FRANCE | N°24PA03151

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 22 janvier 2025, 24PA03151


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours.



Par un jugement n° 2301670/4 du 21 juin 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregist

rée le 15 juillet 2024, Mme A... C..., représentée par Me Dekimpe, demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2301670/4 du 21 juin 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2024, Mme A... C..., représentée par Me Dekimpe, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 21 juin 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2023 de la préfète du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de sept jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- ils ont entaché leur décision d'une erreur de fait.

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la menace à l'ordre public et des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle a été prise en méconnaissance des articles 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la préfète a méconnu les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 8 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport D... Bories,

- et les observations de Me Dekimpe, représentant Mme A... C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... C..., ressortissante brésilienne née le 1er août 1966, est entrée en France le 29 juillet 2013. Elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 28 novembre 2022. Par un arrêté du 20 janvier 2023, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande. Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler cet arrêté. Elle fait appel du jugement du 21 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes. ". Le caractère contradictoire de la procédure exige la communication à chacune des parties de toutes les pièces produites au cours de l'instance.

3. Mme A... C... ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance de ces dispositions au motif que les premiers juges auraient omis de faire usage de leurs pouvoirs d'instruction pour obtenir des éléments relatifs à la présence de ses enfants sur le territoire.

4. En second lieu, le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entaché le jugement attaqué au regard de la présence des deux enfants majeurs D... Mme A... C... sur le territoire critique non la régularité mais le bien-fondé du jugement. Il ne peut qu'être écarté comme inopérant eu égard à l'office du juge d'appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

6. Lorsque l'administration oppose à un ressortissant étranger un motif lié à la menace à l'ordre public pour refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision. La menace pour l'ordre public s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant le comportement personnel de l'étranger en cause. Il n'est donc ni nécessaire, ni suffisant que le demandeur ait fait l'objet de condamnations pénales. L'existence de celles-ci constitue cependant un élément d'appréciation au même titre que d'autres éléments tels que la nature, l'ancienneté ou la gravité des faits reprochés à la personne ou encore son comportement habituel.

7. Mme A... C... soutient que les faits relevés par la préfète du Val-de-Marne sont anciens et qu'elle ne présente pas une menace actuelle à l'ordre public. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que la préfète s'est fondée sur des faits commis en 2013 de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, et d'importation, transport et détention non autorisés de stupéfiants, pour lesquels l'intéressée a été condamnée par le tribunal correctionnel de Bobigny le 7 septembre 2020 à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement, dont six avec sursis. Compte tenu de la nature et de la gravité de ces faits, et alors même qu'ils ne peuvent être regardés comme récents et n'auraient pas été réitérés, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la préfète aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme A... C... fait valoir qu'elle réside en France depuis 2013, qu'elle a engagé de nombreuses démarches en vue de sa régularisation dès 2014, que ses trois enfants résident en France et qu'elle est insérée professionnellement. Il ressort toutefois des pièces du dossier que deux de ses enfants, nés en 1987 et 1997, sont majeurs, que l'intéressée est entrée en France à l'âge de quarante-six ans et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, et que rien ne s'oppose à ce qu'elle y reconstitue la cellule familiale qu'elle forme avec son plus jeune fils, né en 2007. En outre, l'insertion professionnelle de la requérante, qui se borne à produire un contrat de travail de garde d'enfants de février 2020 et des bulletins de salaire pour la période courant de mai 2022 à janvier 2023, ne peut être regardée comme intense et stable. Dans ces conditions, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. La requérante se prévaut de la présence en France de ses trois enfants. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 9, deux des enfants D... A... C... sont majeurs. La seule présence en France de son plus jeune fils depuis 2015, à la supposer établie, n'est pas de nature à faire regarder la décision attaquée, qui n'a ni pour objet ni pour effet de le séparer de sa mère, comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant et ainsi méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. En quatrième lieu, Mme A... C... soutient qu'elle aurait subi des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et une discrimination compte tenu de l'interdiction qui lui a été faite de quitter le territoire pendant son contrôle judiciaire, entre 2014 et 2020, et de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de subvenir à ses besoins faute de régularisation de sa situation administrative. Ces stipulations ne peuvent toutefois pas utilement être invoquées à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour, qui, au demeurant, intervient à la suite d'une demande de l'intéressée et dont la délivrance ne constitue pas un droit.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

13. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, les moyens tirés du défaut de motivation, de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que Mme A... C... se borne à reproduire en appel.

14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête D... A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Vidal, présidente de chambre,

Mme Bories, présidente-assesseure,

M. Segretain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 janvier 2025.

Le rapporteur,

C. BORIESLa présidente,

S. VIDAL

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA03151 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03151
Date de la décision : 22/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: Mme Colombe BORIES
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : DEKIMPE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-22;24pa03151 ?
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