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14/01/2025 | FRANCE | N°24PA01346

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 14 janvier 2025, 24PA01346


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les arrêtés du 23 mai 2022 par lesquels le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de vingt-quatre mois.



Par un jugement n° 2208487 du 13 décembre 2023, le tribunal administ

ratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les arrêtés du 23 mai 2022 par lesquels le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2208487 du 13 décembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2024, M. A..., représenté par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 décembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les arrêtés du 23 mai 2022 du préfet de police de Paris ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'une erreur de fait et d'un défaut d'examen sérieux de la situation du requérant ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'une absence d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît son droit d'être entendu préalablement à la prise de la décision en méconnaissance des articles 41, 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée de plusieurs erreurs de faits dès lors qu'il possède un passeport en cours de validité et un domicile stable et qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est entachée d'une erreur de droit et de plusieurs erreurs de faits ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 juillet 2024, le préfet de police de Paris, conclut au rejet de la requête de M. A....

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 1er mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet ;

- et les observations de Me Petit, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant vénézuélien né le 28 mai 1980 est entré en France en 2007, selon ses déclarations. A la suite d'une interpellation pour des faits de conduite en état d'ivresse manifeste et de conduite sans permis de conduire, le préfet de police de Paris a constaté qu'il ne disposait pas de titre en cours de validité l'autorisant à séjourner en France. Par deux arrêtés du 23 mai 2022, le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire en fixant le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. Par jugement n° 2208487 du 13 décembre 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Si le moyen tiré de la violation de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par un Etat membre de l'Union européenne est inopérant, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article ne s'adresse qu'aux organes et aux organismes de l'Union, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de la mesure d'éloignement que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

3. Le préfet de police n'a pas produit de mémoire en défense devant le tribunal. S'il indique, dans le cadre de l'instance d'appel, qu'à la suite de l'interpellation dont il a fait l'objet le 22 mai 2022, M. A... a été placé en garde à vue, a fait l'objet d'une audition sur sa situation administrative et a, lors de cette procédure, pu présenter ses observations, en précisant que cette audition dont le procès-verbal a été signé par M. A... évoque les conditions de son entrée sur le territoire et sa vie en France notamment sur les plans professionnel et familial, rien ne vient corroborer cette affirmation, le préfet s'étant abstenu de verser aux débats le procès-verbal aux mentions duquel il renvoie. Il ressort de la motivation peu circonstanciée de l'arrêté contesté dont la seule mention portant sur la vie privée et familiale de l'intéressé en France, selon laquelle il se déclare " vivre en concubinage étant père de 3 enfants tous à charge sans en apporter la preuve " que les éléments tenant à la durée du séjour en France de l'intéressé, à son insertion professionnelle et à celle de sa compagne ainsi que l'ancrage scolaire de ses enfants n'apparaissent pas avoir été pris en considération. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que M. B..., informé de l'intention du préfet de prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français, a effectivement pu présenter ces éléments à l'administration. Alors que les pièces qu'il produit, notamment les fiches de paie, attestent d'une activité professionnelle en 2013 et 2014, puis d'avril 2017 à 2018 et de mai 2019 à août 2020 et, depuis mars 2021, sous contrat de travail à durée indéterminée, qu'il a bénéficié d'un titre de séjour du 26 mai 2014 au 25 mai 2016 en qualité d'électricien et que sa concubine, mère de leurs trois enfants, ne possède pas la même nationalité, cette irrégularité, a, dans les circonstances de l'espèce, effectivement privé l'intéressé de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure aurait pu aboutir à un résultat différent. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'en prenant à son encontre la décision d'obligation de quitter le territoire français, le préfet de police de Paris a méconnu son droit à être entendu et entaché la décision lui faisant obligation de quitter le territoire d'un vice de procédure. L'illégalité de cette décision entraîne, par voie de conséquence celle des décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de vingt-quatre mois.

4. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 23 mai 2022 par lesquels le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu, le présent arrêt implique seulement que le préfet de police de Paris réexamine la situation administrative de M. A.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de Paris de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions au titre des frais liés à l'instance :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Petit, avocate de M. A..., de la somme de 1 200 euros sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2208487 du 13 décembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil et les arrêtés du 23 mai 2022 par lesquels le préfet de police de Paris a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de vingt-quatre mois sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de Paris ou à tout préfet territorialement compétent de procéder à un nouvel examen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant ce réexamen.

Article 3 : L'Etat versera à Me Petit, avocate de M. A..., la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le versement de cette somme emportera sa renonciation de l'intéressée au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police de Paris.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01346 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01346
Date de la décision : 14/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-14;24pa01346 ?
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