Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A..., épouse B..., a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 7 avril 2022 prise par la directrice du Centre hospitalier de la Polynésie française et de condamner le Centre hospitalier de la Polynésie française à lui verser la somme de 115 397 F CFP ;
Par un jugement no 2200283 du 13 décembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête du 14 février 2023, Mme A..., épouse B..., représentée par Me Usang, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 13 décembre 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 7 avril 2022 prise par la directrice du Centre hospitalier de la Polynésie française ;
3°) de condamner le Centre hospitalier de la Polynésie française à lui verser la somme de 115 397 F CFP
4°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 300 000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux dépens.
Elle doit être entendue comme soutenant que :
- sa requête d'appel est recevable, le délai d'appel étant de trois mois et non de deux ;
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;
- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation au regard de sa demande initiale ;
- elle est entachée d'une incompétence ratione materiae de l'auteur de l'acte ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en méconnaissance du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'administration ne pouvait retirer une décision créatrice de droits ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article 6 de la délibération n° 2000-69 APF du 22 juin 2000.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2023, le Centre hospitalier de la Polynésie française, représenté par Me Quniquis, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la délibération n° 96-171 APF du 19 décembre 1996 ;
- la délibération n° 2000-69 APF du 22 juin 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laforêt, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 novembre 2021, la directrice du Centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) a émis un titre de recettes d'un montant de 115 397 F CFP à l'encontre de Mme A... épouse B... correspondant au remboursement d'un paiement indu d'heures supplémentaires qui auraient été effectuées au cours des mois de janvier, février, mars, avril et juin 2021. Par un courrier du 26 janvier 2022, Mme A... épouse B... a demandé à la directrice du CHPF de conserver le bénéfice du paiement des heures supplémentaires réalisées. Par une décision du 7 avril 2022, la directrice du CHPF a accepté, à titre exceptionnel, la demande de récupération des heures supplémentaires ayant fait l'objet du titre de recettes susvisé à la condition, pour l'intéressée, de présenter à la direction des ressources humaines un justificatif de ces heures effectuées à la demande du supérieur hiérarchique ainsi que le détail du travail réalisé. Mme A... épouse B... relève régulièrement appel du jugement n° 2200283 du 13 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation du CHPF à lui verser la somme de 115 397 F CFP.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Mme A... épouse B... soutient que le tribunal a insuffisamment motivé son jugement au regard non de sa requête, mais des moyens contenus dans son recours gracieux joint à la requête. Toutefois, au regard de l'argumentation développée devant lui, le tribunal administratif de Polynésie française a suffisamment motivé son jugement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur la légalité de la décision attaquée et les conclusions aux fins de condamnation :
4. Aux termes du premier alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive ".
5. Aux termes de l'article 1er de la délibération du 19 décembre 1996 fixant le régime d'indemnisation des heures supplémentaires susceptibles d'être accordées aux agents de la fonction publique de la Polynésie française travaillant dans les structures de la Santé et dans les établissements publics hospitaliers : " Les heures de travail effectuées au-delà de la durée normale hebdomadaire de travail de 39 heures dans les structures de la Santé et les établissements publics hospitaliers peuvent soit faire l'objet de repos compensateurs, soit être rémunérées par des indemnités horaires dans la limite des crédits votés à l'occasion de chaque exercice budgétaire ".
6. En premier lieu, Mme A..., épouse B..., doit être regardée comme soutenant que la décision du 7 avril 2022 est entachée d'un défaut de motivation dès lors qu'elle ne répond pas exactement aux arguments présentés dans son recours gracieux. Il ressort des pièces du dossier que ce recours gracieux contestait principalement un courriel du 19 novembre 2021 qui, pour justifier, le retrait d'heures supplémentaires, mentionnait l'absence de demande d'autorisation préalable en application d'une note de service datée du 2 novembre 2011. Toutefois, l'argumentation de la requérante est inopérante à l'encontre de la décision attaquée du 7 avril 2022 qui motive la demande de remboursement d'heures supplémentaires effectuées en l'absence d'accord préalable de la direction des ressources humaines, tel que prévu par une note de cadrage en date du 4 mars 2021 qui mentionne notamment que " si cependant, il advient que le recours aux heures supplémentaires : / est nécessaire afin d'assurer la continuité des soins, celui-ci devra faire l'objet d'une demande préalable de travaux supplémentaires par le supérieur hiérarchique qui est responsable d'en vérifier la pertinence et l'exécution ; (...) ". Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté. Il en est de même de l'argumentation tirée tant de l'illégalité de la note de service du 2 novembre 2011, non appliquée en l'espèce, ou de son inopposabilité, que d'une incompétence ratione materiae de la directrice qui aurait ajouté des dispositions non prévues aux textes.
7. En deuxième lieu, Mme A... épouse B... soutient qu'elle a régulièrement déclaré ses heures supplémentaires dès lors qu'elle les a renseignées sur le logiciel " Equitime " en conformité avec le guide de gestion du temps de travail qui prévoit à sa partie B du chapitre I du Tome I intitulée " Les cycles de travail, plannings et aménagement d'horaires " que la " vérification du planning de la période écoulée, des évènements saisis dans le planning (astreinte, heures supplémentaires, ...) " se fait " au plus tard 2 jours ouvrés après la fin de la période " et une validation ensuite par le cadre supérieur. Toutefois, il ressort de la partie D du chapitre I du tome I de ce même guide intitulée " Les heures supplémentaires, les heures complémentaires et le repos compensateur (ou récupérateur) ": " b) travaux supplémentaires : / Définitions : / (...) - Heures supplémentaires dues à une suractivité du service ou autre, dites heures supplémentaires conjoncturelles ; les heures supplémentaires conjoncturelles sont un mode de gestion dérogatoire et exceptionnel destiné à régler des problèmes mettant en cause la sécurité des biens et des personnes ou des évènement imprévisibles. Les heures supplémentaires conjoncturelles sont effectuées à la demande du personnel d'encadrement et validé par celui-ci sur la base du volontariat et dans le respect de la règlementation en vigueur (...) ". Or, et alors même que la décision attaquée proposait d'accepter à titre exceptionnel sa demande de récupération des heures sous réserve de justificatifs, Mme A... épouse B... ne soutient pas avoir produit la demande de son encadrant ni apporté à la juridiction une explication sur le travail réalisé. Par suite, et à supposer même qu'un tel guide puisse faire échec à l'article 37-1, cité au point 4, prévoyant un délai de deux ans pour que l'administration engage une procédure de répétition d'indu salarial résultant d'une décision irrégulière créatrice de droits devenue définitive, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Toute personne physique ou morale à droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. (...) ". Il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme A... épouse B... ne démontre pas avoir effectué régulièrement les heures supplémentaires alléguées. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait ces stipulations.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 12 de la délibération du 22 juin 2000 fixant le régime applicable aux travaux supplémentaires susceptibles d'être effectués par les agents relevant du statut général de la fonction publique de la Polynésie française : " Les dispositions de la présente délibération ne sont pas applicables aux agents relevant des dispositions du statut général de la fonction publique de la Polynésie française travaillant dans les structures de la santé et dans les établissements publics hospitaliers ". Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 6 de cette délibération est inopérant.
10. En cinquième lieu, d'une part, Mme A... épouse B... ne peut sérieusement soutenir que l'administration ne disposait que de deux jours pour s'assurer de la réalité des heures supplémentaires. D'autre part, il résulte de ce qui a été précédemment dit que l'administration pouvait, dans un délai de deux ans, engager une procédure de répétition d'indu salarial y compris lorsque la créance a pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive et que la décision attaquée du 7 avril 2022, prise à titre exceptionnel, subordonnait la non remise en cause des heures supplémentaires litigieuses à des conditions que l'intéressée n'a pas respectées. Par suite, Mme A... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pouvait retirer une décision créatrice de droit révélée par le payement de ces heures.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 avril 2022 et à la condamnation du CHPF.
Sur les frais liés au litige :
12. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens ". Il n'est pas établi que des dépens aient été exposés au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions relatives à la charge des dépens ne peuvent qu'être rejetées.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHPF, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... épouse B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A... épouse B... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le CHPF et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... épouse B... est rejetée.
Article 2 : Mme A..., épouse B..., versera une somme de 1 000 euros au Centre hospitalier de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au Centre hospitalier de la Polynésie française.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Laforêt, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.
Le rapporteur,
E. LAFORETLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
L. CHANA
La République mande et ordonne au ministre chargé de l'outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00626