La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/12/2024 | FRANCE | N°22PA03432

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 31 décembre 2024, 22PA03432


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme Ghania ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties.



La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Avenue Michelet a demandé au Tribunal administratif de Paris de pron

oncer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme Ghania ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties.

La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Avenue Michelet a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l' exercice clos en 2014.

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) HabitHôtel a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014.

Par un jugement n° 2005309, 2102658, 2104759 du 25 mai 2022 le Tribunal administratif de Paris, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 22 juillet 2022 et le 25 janvier 2023, M. et Mme Ghania, C... et B... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement ° 2005309, 2102658, 2104759 du 25 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard des règles de dévolution de la charge de la preuve ;

-il est entaché d'une erreur de droit en ayant jugé que M. Ghania avait la qualité de maître de l'affaire des sociétés HabitHôtel et Avenue Michelet, cette qualité n'ayant pas été retenue comme fondement des rehaussements en litige ;

- la doctrine administrative référencée CTX-DG-20-20-40 admet la preuve par tout moyen ;

- le solde créditeur de 109 413, 72 euros au 31 décembre 2014 du compte courant d'associé de M. Ghania constitue pour la société Habithôtel un passif justifié ;

- l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré de la société Habithôtel n'est pas justifiée, faute d'élément intentionnel ;

- la somme de 279 500 euros portée au crédit du compte courant d'associé de M. Ghania le 23 septembre 2014 constitue pour la société Avenue Michelet un passif justifié ;

- l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré de la société Avenue Michelet n'est pas justifiée, faute d'élément intentionnel.

- la procédure d'établissement de l'imposition suivie à l'encontre de M. et Mme Ghania a été menée en violation des dispositions de l'article 48 de la charte européenne des droits fondamentaux et des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le droit de Mme Ghania à un procès équitable, qui inclut les droits de la défense, a été méconnu dès lors qu'elle n'a pas été destinataire des propositions de rectification adressées aux sociétés Avenue Michelet et HabitHôtel ;

- Mme Ghania n'est pas redevable des dettes fiscales résultant de l'activité de son époux ;

- la totalité des impositions supplémentaires, en droits et pénalités, mises à la charge des époux A... et Mme Ghania constitue une atteinte au droit de propriété, protégé par l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'ils n'ont pas appréhendé les sommes réputées distribuées par la société Avenue Michelet et la société HabitHôtel ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré mise à la charge de M. et Mme Ghania n'est pas justifiée ;

- l'application de cette majoration à Mme Ghania méconnaît la présomption d'innocence protégée par les articles 6 et 48 de la charte des droits fondamentaux ainsi que le principe de personnalité des peines.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un courrier du 18 novembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'inconstitutionnalité de la majoration de 25 % appliquée à l'assiette des prélèvements sociaux mis à la charge de M. et Mme Ghania à raison des revenus distribués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- les décisions du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 et n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte européenne des droits fondamentaux ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon ;

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) HabitHôtel, dont M. Ghania est à la fois le gérant et l'associé unique, exploite un fonds de commerce d'hôtel meublé. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié, par une proposition de rectification du 22 février 2016, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2014. La société par actions simplifiée à associé unique (SASU) Avenue Michelet (ci-après la société Avenue Michelet), dont M. Ghania est à la fois le président et l'associé unique, a pour objet social l'achat-vente de locaux commerciaux. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié, par une proposition de rectification du 22 février 2016, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2014. Enfin M. Ghania ayant été regardé par l'administration fiscale comme le bénéficiaire des revenus distribués correspondant aux passifs injustifiés de ces deux sociétés, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ont été mises à la charge de M. et Mme Ghania au titre de l'année 2014. M. et Mme Ghania, C... et B... relèvent appel du jugement du 25 mai 2022 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la régularité du jugement :

2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le jugement entrepris serait entaché d'erreurs de droit et d'erreur manifeste d'appréciation pour en obtenir l'annulation.

Sur le fond du litige :

3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de prendre en compte, pour la détermination de l'actif net à la clôture de l'exercice, toutes les dettes qui sont mises à la charge de la société envers des tiers si ces dettes sont, à la date de la clôture de l'exercice, certaines dans leur principe et dans leur montant. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges il appartient au contribuable de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise, quelle que soit la procédure d'imposition suivie à son encontre et nonobstant l'avis émis par la commission départemental des impôts.

En ce qui concerne les impositions supplémentaires mises à la charge de B... :

S'agissant de la réintégration d'un passif injustifié :

4. Il résulte de l'instruction que le compte courant d'associé ouvert au nom de M. Ghania dans les écritures de la société HabitHôtel présentait à la clôture de l'exercice 2014 un solde créditeur de 109 413,72 euros correspondant à trois écritures comptabilisées le 29 septembre, le 30 septembre et le 12 décembre 2014, pour des montants respectifs de 100 000 euros, 4 913,72 euros et 4 500 euros. L'administration a estimé que la réalité de la dette de la société envers M. Ghania n'était pas établie et a regardé le montant de 109 414 euros comme un passif injustifié qu'il a remis en cause, ce qui a augmenté l'actif net du bilan de clôture de l'exercice en cause a, par suite, généré un profit imposable à l'impôt sur les sociétés, sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts.

5. Pour justifier le solde créditeur de 109 413,72 euros du compte courant de M. Ghania et, par suite, l'existence d'une dette à l'égard de celui-ci, la société HabitHotel soutient que pour le financement de l'acquisition, qu'elle a réalisée le 29 septembre 2014 au prix de 100 000 euros, du fonds de commerce d'hôtel qu'elle exploite, M. Ghania lui a fait l'apport, en provenance de ses fonds personnels, d'une somme de 335 000 euros en décembre 2013. Si elle produit un extrait de relevé du compte bancaire personnel de M. Ghania mentionnant un débit de ce montant de 335 000 euros le 17 décembre 2013, ainsi qu'un extrait de relevé de son propre compte bancaire mentionnant un crédit du même montant le 18 décembre 2013, toutefois en l'absence de toute comptabilité de l'activité de la société établie avant septembre 2014, et alors que le relevé du compte bancaire de la société comporte de nombreux mouvements financiers, ni ces relevés bancaires, ni le document intitulé " reconstitution du compte courant d'associé de M. Ghania ", établi pour les besoins de la cause par la requérante, ne permettent de justifier de l'existence et du montant de la dette qu'elle soutient avoir à l'égard de M. Ghania à la clôture de l'exercice le 31 décembre 2014. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré comme un passif injustifié le montant de 109 413, 72 euros correspondant au solde créditeur du compte courant d'associé de M. Ghania au 31 décembre 2014.

S'agissant de la doctrine fiscale :

6. La requérante n'est pas fondée à se prévaloir, à cet égard, des énonciations du paragraphe n° 110 de la doctrine référencée BOI-CTX-DG-20-20-40, qui ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application par le présent arrêt.

S'agissant des pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ". Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations souscrites par le contribuable et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

8. Pour mettre en œuvre les pénalités en litige, l'administration fiscale a retenu que la société HabitHotel ne pouvait ignorer que les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. Ghania devaient être justifiées, et qu'elle n'a pas permis une telle justification compte tenu des graves lacunes entachant sa comptabilité. Dans ces conditions, l'administration fiscale, qui s'est attachée à caractériser à la fois l'élément matériel et de l'élément intentionnel du manquement constaté, doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré de la société requérante. Par suite, le moyen tiré du caractère injustifié de la majoration de 40 % doit être écarté.

En ce qui concerne les impositions supplémentaires mises à la charge de la société Avenue Michelet :

S'agissant de la réintégration d'un passif injustifié :

9. Il résulte de l'instruction que le compte courant d'associé ouvert au nom de M. Ghania dans les comptes de la société Avenue Michelet présentait à la clôture de l'exercice 2014 un solde créditeur de 279 500 euros correspondant à une inscription du même montant réalisée le 23 septembre 2014. L'administration a estimé que la réalité de la dette de la société envers M. Ghania n'était pas établie et a regardé le montant de 279 500 euros comme un passif injustifié augmentant l'actif net de son bilan et générant un profit imposable à l'impôt sur les sociétés, sur le fondement du 2 de l'article 38 du code général des impôts.

10. Pour justifier le solde créditeur de 279 500 euros du compte courant de M. Ghania et, par suite, l'existence d'une dette à l'égard de celui-ci, la société Avenue Michelet soutient que cette somme lui a été versée par la société HabitHotel pour financer l'achat d'un immeuble à usage d'hôtel, et qu'elle a été comptabilisée par erreur le même jour au crédit du compte courant d'associé de M. Ghania au lieu de transiter par le compte personnel de ce dernier. Si elle produit des relevés de comptes bancaires faisant apparaître qu'une telle somme a été transférée du compte bancaire de la société Habithotel vers son compte bancaire, elle n'établit toutefois nullement que les fonds en cause proviendraient d'un apport initial de M. Ghania à la société Habithôtel, en l'absence de tout lien juridique direct entre la société Habithôtel et elle-même.

11. Pour les mêmes motifs, la société Avenue Michelet n'est pas plus fondée à soutenir, à titre subsidiaire, que la somme de 279 500 euros portée au crédit du compte courant d'associé de M. Ghania correspondrait à une créance d'un même montant détenue sur elle par la société HabitHotel et ayant fait l'objet d'une novation au cours de l'exercice clos au 31 décembre 2014 au profit de M. Ghania. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a qualifié de passif injustifié la somme de 279 500 euros portée au crédit du compte courant d'associé de M. Ghania le 23 septembre 2014.

S'agissant des pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ". Pour établir le manquement délibéré, l'administration fiscale doit apporter la preuve d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations souscrites par le contribuable et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

13. Pour justifier l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale s'est fondée, d'une part, sur la circonstance que la société Avenue Michelet avait inscrit la somme de 279 500 euros au crédit du compte courant d'associé de M. Ghania, président et associé unique, sans être en mesure de justifier de l'origine du montant en cause, et d'autre part, sur la circonstance qu'elle ne pouvait ignorer que toute inscription au crédit d'un compte courant d'associé devait être pleinement justifiée. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant la volonté délibérée de la société Avenue Michelet d'éluder l'impôt. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander la décharge de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts en litige.

En ce qui concerne les impositions supplémentaires mises à la charge de M. et Mme Ghania :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

14. Les requérants soutiennent que la procédure d'établissement de l'imposition suivie à leur encontre a été menée en violation du droit à un procès équitable, qui inclut les droits de la défense, dès lors que Mme Ghania n'a pas été associée aux procédures de vérification de comptabilité visant les sociétés Avenue Michelet et HabitHotel. Toutefois, la procédure menée à l'encontre de ces sociétés, passibles de l'impôt sur les sociétés, contribuables distinctes dont Mme Ghania n'était pas la représentante légale, est indépendante de la procédure ayant abouti aux rehaussements en matière d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme Ghania. Il est par ailleurs constant que la proposition de rectification adressée à M. et Mme Ghania était accompagnée d'une copie des propositions de rectifications adressées à ces deux sociétés le 22 février 2016 et que, dans ces conditions, Mme Ghania a pu faire valoir dans le cadre de la procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle les observations qu'elle estimait pertinentes pour contester un ou plusieurs chefs de rehaussement concernant son foyer fiscal. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait méconnu le droit au procès équitable ainsi que, plus particulièrement, les droits de la défense, doit être écarté.

Sur la qualité de redevable de l'impôt de Mme Ghania :

Quant à l'impôt sur le revenu :

15. D'une part, aux termes de l'article 6 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants (...) / Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (...) ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédé de la mention "Monsieur ou Madame" ".

16. Il résulte de ces dispositions que les époux Ghania devant faire l'objet d'une imposition commune eu égard à leur situation matrimoniale, ils ne sont pas fondés à soutenir que le service ne pouvait pas légalement regarder Mme Ghania, membre du foyer fiscal qu'elle constitue avec son époux, comme étant également assujettie aux suppléments d'impôt sur le revenu en cause au seul motif qu'ils sont assis sur des revenus issus de la seule activité professionnelle de M. Ghania

Quant aux contributions sociales :

17. D'autre part, aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...) / III.- La contribution portant sur les revenus mentionnés aux I et II ci-dessus est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts : " La contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Il est institué une contribution perçue à compter de 1996 et assise sur les revenus du patrimoine définis au I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale (...) / II. - La contribution est mise en recouvrement et exigible en même temps, le cas échéant, que la contribution sociale instituée par l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article 1600-0 G du code général des impôts : " La contribution pour le remboursement de la dette sociale assise sur les revenus du patrimoine est établie, contrôlée et recouvrée conformément à l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ". Aux termes de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale alors applicable : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes visés à l'article L. 136-6. Les dispositions du III de l'article L. 136-6 sont applicables à ce prélèvement ". Aux termes de l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, alors applicable : " I. - Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige : " Les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont constitués par : / (...) / 2° Une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux ". Aux termes de l'article L. 262-24 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " III.- Les recettes du fonds national des solidarités actives sont, notamment, constituées par une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale et une contribution additionnelle au prélèvement social mentionné à l'article L. 245-15 du même code. Ces contributions additionnelles sont assises, contrôlées, recouvrées et exigibles dans les mêmes conditions et sont passibles des mêmes sanctions que celles applicables à ces prélèvements sociaux. (...) ".

18. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu'en prévoyant, au III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, que la contribution sur les revenus du patrimoine est assise selon les mêmes règles que l'impôt sur le revenu, le législateur a rendu applicable à cette contribution sociale, ainsi qu'à celles qui sont mentionnées par les autres dispositions citées au point précédent, le principe de l'imposition commune entre époux prévu par l'article 6 du code général des impôts.

19. Par suite, pour le même motif que celui énoncé au point 16, les époux Ghania ne sont pas fondés à soutenir que le service ne pouvait pas légalement regarder Mme Ghania, membre du foyer fiscal qu'elle constitue avec son époux, comme étant également assujettie aux suppléments de prélèvements sociaux en cause au seul motif qu'ils sont assis sur des revenus issus de la seule activité professionnelle de M. Ghania, l'invocation par les intéressés de la décision du Conseil d'Etat n° 336492, qui a trait au contentieux du recouvrement sui generis résultant de l'application des dispositions du 2 de l'article 1685 du code général des impôts, reprises en substance au II de l'article 1691 bis du même code, étant inopérante en matière de contentieux d'assiette, seul en cause en la présente affaire.

Sur le bien-fondé des impositions :

20. Aux termes de l'art 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. /(...)/ ".

21. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2º du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

22. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme Ghania portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, le service a imposé entre leurs mains, sur le fondement du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts, le solde créditeur de 109 413, 72 euros du compte courant d'associé de M. Ghania ouvert dans les livres de la société HabitHotel et la somme de 279 500 euros inscrite le 23 septembre 2014 au crédit du compte courant d'associé détenu par M. Ghania dans les écritures de la société Avenue Michelet. Si les requérants soutiennent que M. et Mme Ghania n'ont pas appréhendé ces sommes au motif qu'elles ont servi à financer, d'une part, l'acquisition d'un fonds de commerce d'hôtel-restaurant par la société HabitHotel, et d'autre part, l'acquisition d'un immeuble à usage d'hôtel par la société Avenue Michelet, il résulte toutefois de ce qui a été précédemment dit que l'apport par M. Ghania des fonds utilisés pour ces acquisition n'est pas établi, et que les sommes en litige demeurant inscrites au crédit de ses comptes courants postérieurement à ces acquisitions, il est réputé en avoir eu la disposition au 31 décembre 2014. Par suite, l'administration fiscale a pu à bon droit regarder les sommes en litige comme constituant des revenus distribués à M. Ghania et les imposer entre les mains de M. et Mme Ghania en application des dispositions précitées de l'article 109-1 2° du code général des impôts.

23. Compte tenu de ce qui précède, les requérants ne sont pas plus fondés à soutenir que les impositions en litige méconnaîtraient le droit au respect de leurs biens protégé à l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif qu'ils n'auraient pas appréhendé les sommes litigieuses.

24. En revanche, aux termes du 7 de l'article 158 du code général des impôts : " Le montant des revenus et charges énumérés ci-après, retenu pour le calcul de l'impôt selon les modalités prévues à l'article 197, est multiplié par 1,25. Ces dispositions s'appliquent : / (...) 2° Aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice (...) ". Aux termes du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France (...) sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (...) :/ (...) c) Des revenus de capitaux mobiliers (...) ".

25. Pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, les autorités administratives et le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition.

26. Dans sa décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution le c du paragraphe I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, sous la réserve que ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant les charges publiques, être interprétées comme permettant l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au premier alinéa du 7 de l'article 158 du code général des impôts pour l'établissement des contributions sociales assises sur les rémunérations et avantages occultes mentionnés au c de l'article 111 du même code. Par sa décision n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017, le Conseil constitutionnel a étendu cette réserve d'interprétation aux contributions sociales assises sur les bénéfices ou revenus mentionnés au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, au nombre desquels figurent les revenus distribués de l'article 109 du même code.

27. Il résulte de l'instruction que M. et Mme Ghania ont été imposés aux contributions sociales au titre de l'année 2014 à raison de sommes regardées comme des revenus distribués sur le fondement de l'article 109 du code général des impôts. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que c'est à tort que, pour déterminer le montant de ces impositions, l'administration fiscale a appliqué le coefficient de 1,25 prévu par les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts à la base imposable aux contributions sociales. Il y a lieu, par suite, de prononcer la décharge des suppléments de contributions sociales ayant résulté de la majoration de 25 % de leur base au titre de l'année 2014.

S'agissant des pénalités :

28. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...). " Lorsqu'elle assortit des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu d'une majoration tendant à réprimer le comportement d'un contribuable, l'administration est tenue de respecter le principe de personnalité des peines, qui s'oppose à ce qu'une sanction fiscale soit directement appliquée à une personne qui n'a pas pris part aux agissements que cette pénalité réprime. Ce principe doit, toutefois, être concilié avec le régime de l'imposition commune prévu à l'article 6 du code général des impôts et avec les modalités de calcul de cette imposition fixées par l'article 156 du même code. Ainsi, lorsqu'un seul des époux a pris part à des agissements fautifs, les sanctions fiscales en résultant doivent être regardées comme ayant été prononcées uniquement à son encontre, même si elles majorent, au titre du revenu concerné par ces agissements, l'impôt qui est dû, par le foyer fiscal formé par les deux époux, sur l'ensemble de leurs revenus. Par suite, la pénalité en litige n'ayant pas été prononcée à l'encontre de Mme Ghania et la solidarité à laquelle elle est tenue ne revêtant pas le caractère d'une punition, le moyen tiré d'une méconnaissance des principes de personnalité des peines et de présomption d'innocence est inopérant et doit être écarté.

29. Pour justifier l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale s'est bornée à relever l'importance des sommes appréhendées par rapport aux revenus déclarés par M. et Mme Ghania et le caractère systématique des agissements de M. Ghania, alors que ceux-ci portent sur la seule année 2014 en litige. Dans ces conditions, M. et Mme Ghania sont fondés à en demander la décharge.

30. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Ghania sont seulement fondés à demander, d'une part, la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de contributions sociales à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, à concurrence de la fraction correspondant à la majoration de 25 % des bases, prévue au 7 de l'article 158 du code général des impôt, d'autre part, la décharge de la majoration de 40 % ayant assorti le surplus des suppléments d'imposition qui leur a été assigné.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas à titre principal la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société HabitHotel, la société Avenue Michelet, M. et Mme Ghania en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : M. et Mme Ghania sont déchargés des suppléments de contributions sociales mis à leur charge dans les conditions et limites prévues au point 27.

Article 2 : M. et Mme Ghania sont déchargés de la totalité des pénalités mises à leur charge en application de l'article 1729 du code général des impôts.

Article 3 : Le jugement n° 2005309, 2102658, 2104759 du 25 mai 2022 le Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme Ghania, ainsi que les conclusions de la société Avenue Michelet et de la société HabitHotel sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Ghania, à la société Avenue Michelet, à la société HabitHotel et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Laforêt, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.

La rapporteure,

P. HAMON

Le président,

B. AUVRAY

La greffière

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03432
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CONCORDIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-31;22pa03432 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award