Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... M. C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté n° 7504300246 du 13 mars 2024 par lequel le préfet de police a constaté la caducité de son droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement no 2403541 du 19 mars 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 avril et 5 août 2024, M. C..., représenté par Me Lonchampt, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement no 2403541 du 19 mars 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 13 mars 2024 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la caducité du droit au séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le préfet s'est fondé sur des informations provenant du fichier de traitement des antécédents judiciaires en dehors de toute autorisation ou habilitation ;
- il bénéficie d'un droit au séjour permanent faisant obstacle à son éloignement du territoire français ;
- sa présence ne constitue pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant du refus de délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant caducité de son droit au séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 45 de la Charte de droits fondamentaux de l'Union européenne, celles de l'article 27 de la directive du 20 avril 2024 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 août 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 31 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Stéphane Diémert a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant roumain né le 23 avril 1972, est entré sur le territoire français en 2013 selon ses déclarations. Par un arrêté du 13 mars 2024, le préfet de police a constaté la caducité de son droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois. M. C... fait appel du jugement du 19 mars 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les décisions portant caducité du droit au séjour et obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, les décisions contestées visent les dispositions des articles L. 233-1, L. 251-1 et L. 251-3 suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indiquent les circonstances de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour prendre ces décisions. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, la décision litigieuse relève que M. C... est connu au fichier de traitement des antécédents judiciaires pour transport d'armes à feu de catégorie D. Si l'intéressé soutient que la consultation de ce fichier a été effectuée en dehors de toute autorisation ou habilitation, cette carence alléguée, à la supposer avérée, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la décision portant obligation de quitter le territoire français.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux conditions de séjour applicables aux citoyens de l'Union européenne : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) ". Aux termes de l'article L. 251-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / 1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. ". En outre, aux termes de l'article L. 251-2 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 251-1 les citoyens de l'Union européenne ainsi que les membres de leur famille qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 234-1 ". Aux termes de ces dernières dispositions : " Les citoyens de l'Union européenne mentionnés à l'article L. 233-1 qui ont résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquièrent un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français (...) ".
5. Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 susvisée, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Il appartient à l'autorité administrative d'un État membre qui envisage de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant d'un autre Etat membre de ne pas se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, mais d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. L'ensemble de ces conditions doivent être appréciées en fonction de la situation individuelle de la personne, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
6. D'une part, il ressort des termes de l'arrêté litigieux, et il n'est pas contesté par l'intéressé, que M. C... a été signalé par les services de police le 13 mars 2023 pour transport d'armes à feu de catégorie D. Eu égard à la gravité et au caractère récent de ces faits, le préfet de police pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que le comportement de M. C... constituait, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, quand bien même ce dernier n'aurait pas fait l'objet d'une condamnation pénale.
7. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que M. C... occupait à la date de la décision contestée un emploi d'agent valoriste, cette activité ne présente pas un caractère réel et effectif au regard de sa faible rémunération, largement inférieure au salaire minimum de croissance. Ainsi, le requérant ne justifiait pas d'une activité professionnelle ni de ressources suffisantes pour séjourner en France.
8. Enfin, les pièces produites par le requérant sont insuffisantes pour établir qu'il aurait résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédant la décision en litige. Dès lors, il ne peut se prévaloir d'un droit au séjour permanent en France faisant obstacle à une mesure d'éloignement.
9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées en prononçant la caducité du droit au séjour de M. C... et en l'obligeant à quitter le territoire français.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Si M. C... sa prévaut de l'ancienneté de sa présence en France et de son insertion professionnelle, il ne l'établit pas, ainsi qu'il a été dit précédemment. Par ailleurs, l'intéressé est célibataire, sans enfant à charge et ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, et compte tenu de la menace pour l'ordre public que représente le requérant, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
12. En premier lieu, la décision contestée vise notamment l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique que M. C... représente une menace pour l'ordre public et qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à son obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, nonobstant la circonstance que le préfet de police ait visé l'article L. 612-3 applicable aux étrangers non citoyens de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
13. En deuxième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, celui tiré de ce que la décision portant refus de délai de départ volontaire devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de celle portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté par voie de conséquence.
14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 251-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers dont la situation est régie par le présent livre disposent, pour satisfaire à l'obligation qui leur a été faite de quitter le territoire français, d'un délai de départ volontaire d'un mois à compter de la notification de la décision/ L'autorité administrative ne peut réduire le délai prévu au premier alinéa qu'en cas d'urgence et ne peut l'allonger qu'à titre exceptionnel (...) ".
15. Compte-tenu de ce qui a été exposé au point 6 du présent arrêt, le comportement du requérant, qui représente une menace pour l'ordre public, caractérise l'urgence à ce qu'il quitte le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. En premier lieu, la décision contestée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise la nationalité de M. C... et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé dans son pays d'origine à des peines ou traitements contraires à ces stipulations. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.
17. En second lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne pourra qu'être écarté.
Sur la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :
18. Aux termes de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français édictée sur le fondement des 2° ou 3° de l'article L. 251-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans ".
19. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux, ainsi que le soutient M. C..., que la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français prononcée à son article 5 n'est assortie sur ce point d'aucun motif de fait et de droit, et qu'elle méconnait ainsi les dispositions précitées de l'article L. 251-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a donc lieu, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens articulés sur ce point à l'encontre de la décision litigieuse, d'en prononcer, dans cette limite, l'annulation.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'article 5 de l'arrêté n° 7504300246 du 13 mars 2024 du préfet de police, qui prononce à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois.
Sur les frais du litige :
21. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. C..., Me Lonchampt, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 5 de l'arrêté n° 7504300246 du 13 mars 2024 du préfet de police, qui prononce à l'encontre de M. A... B... C... une interdiction de circuler sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois, est annulé.
Article 2 : Le jugement n° 2403541 du 19 mars 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : L'État (ministère de l'intérieur) versera au conseil de M. C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 décembre 2024.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLe président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01823