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27/12/2024 | FRANCE | N°23PA04930

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 27 décembre 2024, 23PA04930


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... A..., agissant pour le compte de son enfant mineur B... A..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'enjoindre au préfet de police de communiquer l'intégralité du dossier administratif de son enfant, d'annuler la décision du 1er juin 2022 par laquelle le préfet de police a refusé de délivrer une carte nationale d'identité française à son enfant et a ordonné de restituer le passeport français de ce dernier et d'enjoindre au préfet de police de délivrer à son enf

ant une carte nationale d'identité française.



Par un jugement n° 2216111/6...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A..., agissant pour le compte de son enfant mineur B... A..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'enjoindre au préfet de police de communiquer l'intégralité du dossier administratif de son enfant, d'annuler la décision du 1er juin 2022 par laquelle le préfet de police a refusé de délivrer une carte nationale d'identité française à son enfant et a ordonné de restituer le passeport français de ce dernier et d'enjoindre au préfet de police de délivrer à son enfant une carte nationale d'identité française.

Par un jugement n° 2216111/6-1 du 10 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins de communication du dossier administratif de l'enfant B... A... et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 novembre 2023 et 14 juin 2024, sous le

n° 23PA04930, Mme E... A..., agissant pour le compte de son enfant B... A..., représentée par Tcholakian, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2216111/6-1 du 10 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du préfet de police du 1er juin 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de délivrer à son enfant B... A... une carte nationale d'identité à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requérante soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif a méconnu le principe du contradictoire en ne demandant pas la communication de la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française du 7 août 2019 ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit, liée à la méconnaissance de la procédure contradictoire préalable à son édiction ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des articles 18 et 20-1 du code civil, dès lors que le préfet s'est fondé sur le seul refus de certificat de nationalité française pour refuser de reconnaître la nationalité française du jeune B... A....

Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

II - Par une requête enregistrée le 30 novembre 2023, sous le n° 23PA04964, Mme E... A..., agissant pour le compte de son enfant B... A..., représentée par Tcholakian, demande à la Cour :

1°) de suspendre l'exécution du jugement n° 2216111/6-1 du 10 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de suspendre l'exécution de la décision du préfet de police du 1er juin 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requérante soutient que :

- la décision attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire par les premiers juges et du vice lié à l'absence de procédure préalable ainsi que de l'erreur de droit et l'erreur d'appréciation entachant la décision attaquée présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 avril 2024, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est irrecevable, dès lors, d'une part, que le sursis à exécution ne peut être prononcé en appel à l'encontre d'un jugement rejetant la demande de première instance et, d'autre part, que la requête à fin de sursis à exécution ne peut, conformément l'article R. 811-7 du code de justice administrative, qu'être dirigée contre le jugement de première instance. En outre, il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n°55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité ;

- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport G... Irène Jasmin-Sverdlin,

- les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public,

- et les observations de Me Prosper substituant Me Tcholakian, avocat G... A....

Une note en délibéré présentée pour Mme A... par Me Tchokalian a été enregistrée le 21 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 1er juin 2022, le préfet de police a rejeté la demande de carte nationale d'identité et a procédé à l'invalidation du passeport de l'enfant B... A..., fils mineur G... Mme E... A..., de nationalité malienne et de M. C... D..., de nationalité française. Par cette même décision, le préfet de police a convoqué M. D... pour qu'il restitue le passeport français du jeune B... A.... Par un jugement du 10 novembre 2023 dont Mme E... A... relève appel, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins de communication du dossier administratif de l'enfant B... A... et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 23PA04930 et 23PA04964 présentées par Mme A... sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

3. Dès lors qu'il est statué au fond sur les conclusions de la requête n° 23PA04930, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 23PA04964, qui sont au demeurant irrecevables, qu'il s'agisse de celles tendant à suspendre l'exécution du jugement attaqué ou de la décision en litige.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

4. Mme A... doit être regardée comme soutenant que le tribunal administratif a méconnu son obligation d'épuiser son pouvoir juridictionnel, en n'exigeant pas de l'administration la décision du pôle de la nationalité française du 7 août 2019. Toutefois, il ressort des termes du jugement attaqué, aux points 2 et 8, que les premiers juges ont estimé que " les éléments du dossier administratif de l'enfant B... A... qui n'étaient pas déjà en possession de la requérante ont été produits en pièces jointes du mémoire en défense de l'administration ", que la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française n'avait pas été contestée devant le juge judiciaire compétent et que, si le préfet de police n'avait produit que des courriers électroniques par lesquels les services compétents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères informant les services préfectoraux de l'existence de cette décision, Mme A... n'avait produit, pour sa part, aucun élément permettant de le contredire. Par suite, alors, en tout état de cause, que l'absence de production de la décision de refus de délivrance du certificat de nationalité française en date du 7 août 2019 ne constitue pas une méconnaissance du principe du contradictoire, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient méconnu leur obligation d'épuiser leur pouvoir juridictionnel doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, le moyen tiré de l'erreur de droit entachant la décision attaquée, au motif de la méconnaissance de la procédure contradictoire préalable à son édiction, doit être écarté par adoption des motifs retenus au point 4 du jugement contesté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ". Selon l'article 30 de ce code : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. / Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants. ". Selon les articles 2 et 4 du décret du 22 octobre 1955 : " La carte nationale d'identité est délivrée sans condition d'âge à tout Français qui en fait la demande. (...) " et " II. (...) Lorsque les documents mentionnés aux alinéas précédents ne suffisent pas à établir sa nationalité française, le demandeur peut justifier d'une possession d'état de Français de plus de dix ans. /Lorsque le demandeur ne peut produire aucune des pièces prévues aux alinéas précédents afin d'établir sa qualité de Français, celle-ci peut être établie par la production d'un certificat de nationalité française. ". L'article 4 du décret du 30 décembre 2005 dispose : " Le passeport est délivré, sans condition d'âge, à tout Français qui en fait la demande. (...) ". Enfin, selon l'article 5 de ce décret : " Lorsque les documents mentionnés aux alinéas précédents ne suffisent pas à établir sa nationalité française, le demandeur peut justifier d'une possession d'état de Français de plus de dix ans. / Lorsque le demandeur ne peut produire aucune des pièces prévues aux alinéas précédents afin d'établir sa qualité de Français, celle-ci peut être établie par la production d'un certificat de nationalité française. ".

7. D'une part, pour l'application des dispositions règlementaires citées au point précédent, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de passeport sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Seul un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance ou de renouvellement de passeport ou d'une carte nationale d'identité. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur la décision par laquelle l'autorité administrative refuse de délivrer ou de renouveler un passeport ou une carte nationale d'identité. D'autre part, l'administration ne se trouve pas en situation de compétence liée pour exiger la restitution des documents d'identité d'une personne dont la demande de certificat de nationalité française a été rejetée par le directeur des services de greffe d'un tribunal judiciaire, dès lors qu'il lui appartient d'apprécier si, au vu des justificatifs éventuellement présentés par l'intéressé, il existait un doute suffisant sur sa nationalité.

8. Mme A... soutient que le préfet de police ne pouvait se fonder uniquement sur le refus de délivrance d'un certificat de nationalité française pour refuser de délivrer une carte nationale d'identité française à son fils B... A.... Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée se réfère à la lettre du 29 juin 2020 par laquelle le préfet de police a demandé à M. D... de " rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l'établissement de la nationalité française de [son] fils sont remplies ". Il ressort, en outre, de ces pièces, notamment du procès-verbal de carence établi par le consulat général de France à Bamako le 16 octobre 2020, que Mme A... ne s'est pas présentée à la convocation qui lui a été adressée à fins de notification dela décision du 7 août 2019 de refus de délivrance du certificat de nationalité française du jeune B..., la requérante et M. D... n'ayant, au demeurant, pas contesté le refus de délivrance du certificat de nationalité française devant le juge judiciaire compétent. Enfin, il ressort de ces pièces, notamment de la décision du 7 août 2019 produite par le préfet de police pour la première fois en appel, que le certificat de nationalité française sollicité par M. D... pour son fils B... A... a été refusé en raison des incohérences constatées dans les documents fournis par ce dernier à l'appui de sa demande, tenant notamment au fait que son propre père n'aurait pas conservé la nationalité française lors de l'indépendance de son pays d'origine, le Mali. Si Mme A... produit une carte d'affiliation à la Sécurité sociale et un récapitulatif de carrière de l'ARRCO concernant M. F... D..., père de M. C... D..., le second document mentionne que ce dernier n'a pas eu d'activité en France du 31 décembre 1956 au 15 janvier 1969, l'indépendance du Mali ayant été proclamée le 22 septembre 1960. Par suite, le préfet de police a pu prendre la décision en litige, sans méconnaître les dispositions citées au point 6, ni entacher sa décision d'erreur d'appréciation, au motif qu'il existait un doute suffisant sur la nationalité de l'enfant B... A....

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction sous astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA04964.

Article 2 : La requête n° 23PA04930 présentée par Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 décembre 2024.

La rapporteure, Le président,

I. JASMIN-SVERDLIN I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 23PA04930, 23PA04964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04930
Date de la décision : 27/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : TCHOLAKIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-27;23pa04930 ?
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