Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2313987 du 2 mai 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2024, M. B... représenté par Me Garcia, demande à la Cour :
1°) d'ordonner la production de l'entier dossier de M. B... ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 2 mai 2024 ;
3°) d'annuler les décisions du 11 décembre 2023 par lesquelles la préfète du
Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;
4°) d'enjoindre au préfet compétent de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- en écartant le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le juge de première instance a entaché son jugement d'une irrégularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 11 décembre 2023 :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions :
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du droit à être entendu, des droits de la défense et du caractère contradictoire de la procédure garantie par le paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par les articles L. 121-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il n'est pas démontré que l'obligation de loyauté a été respectée dans l'éventuelle mise en œuvre du droit à être entendu ;
- les décisions attaquées méconnaissent le droit d'être assisté par un avocat au sens de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2018.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la menace à l'ordre public retenue à son encontre n'est pas démontrée.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- la préfète du Val-de-Marne ne caractérise pas le risque de fuite dont il serait l'objet en méconnaissance de la directive 2008/115/CE du 17 décembre 2008.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale, par voie d'exception, en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement du territoire sur laquelle elle se fonde ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit d'observation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Carrère a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 11 décembre 2023, la préfète du Val-de-Marne a obligé M. B..., ressortissant marocain né le 10 mars 1998, à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de trois ans. Par la présente requête, M. B... relève régulièrement appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la demande de communication du dossier :
2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 614-5 de ce code, applicable aux obligations de quitter le territoire français prise en application notamment du 1° de l'article L. 611-1 du même code : " (...) L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise ".
3. Il résulte de ces dispositions que la faculté qu'elles prévoient pour le ressortissant étranger visé par une mesure d'éloignement de demander la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles cette décision qu'il conteste a été prise n'est ouverte qu'en première instance. Dans ces conditions, la demande de M. B... tendant à la communication du dossier sur lequel la préfète du Val-de-Marne s'est fondée pour prendre l'arrêté en litige doit être rejetée.
Sur la régularité du jugement :
4. Le moyen soulevé par M. B... tiré de ce que le jugement contesté a écarté à tort le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée à son droit de mener une vie privée et familiale tient au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Ce moyen est par suite inopérant et ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté :
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; / (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que les stipulations de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adressent non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Dès lors, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.
6. Toutefois, le droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
7. D'une part, il ressort de l'ensemble des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, notamment, des chapitres III et IV, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des obligations de quitter le territoire français ainsi que des décisions relatives au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
8. D'autre part, il ressort des pièces produites en première instance par la préfète du Val-de-Marne, et notamment du procès-verbal d'audition dressé par les services de police le 11 décembre 2023 à 12 heures et signé par l'intéressé, que M. B... a été entendu sur sa situation personnelle et familiale, sur les conditions de son entrée en France et de son séjour sur le territoire, sur sa situation administrative au regard de son droit au séjour et sur la perspective d'une mesure d'éloignement pouvant être prise à son encontre. Dans ces conditions, l'intéressé, qui a déclaré ne pas souhaiter ajouter d'informations complémentaires à ses déclarations et a signé sans réserve ce procès-verbal, n'établit avoir été empêché de porter à la connaissance de l'administration tout élément complémentaire qu'il aurait estimé nécessaire à l'appréciation de sa situation personnelle. Il a ainsi été mis en mesure de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard cette décision. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit par suite être écarté. Pour les mêmes motifs, l'intéressé n'est pas davantage fondé à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu.
9. En deuxième lieu, le moyen tiré du non-respect de l'obligation de loyauté dans la mise en œuvre du droit à être entendu n'est assorti d'aucune précision susceptible d'en apprécier le bien-fondé.
10. En dernier lieu, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans son arrêt C-249/13 du 11 décembre 2014, le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens que le ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier peut recourir, préalablement à l'adoption par l'autorité administrative nationale compétente d'une décision de retour le concernant, à un conseil juridique pour bénéficier de l'assistance de ce dernier lors de son audition par cette autorité. En l'espèce, M. B... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait été empêché de recourir à l'assistance d'un conseil juridique. A ce titre, il ressort des mentions du procès-verbal de notification des droits établi le 11 décembre 2023 à 5h30 et de celui de fin de garde à vue établi le même jour à 17h04 que M. B... a demandé à ne pas être assisté d'un avocat lors de son audition par les services de police. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit à être entendu dans les conditions garanties par le droit de l'Union européenne.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
11. En premier lieu, l'arrêté attaqué qui vise les dispositions des 1° et 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application, mentionne, d'une part, que M. B... ne justifie pas être entré régulièrement en France et n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, que sa présence constitue une menace à l'ordre public compte tenu de son interpellation et de son placement en garde à vue le 10 décembre 2023 pour des faits de violences volontaires avec arme par destination. Il précise également que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille et ne dispose pas de liens personnels ou familiaux suffisamment stables et anciens eu égard à la date de son entrée sur le territoire le 1er décembre 2019. L'arrêté en litige énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision obligeant M. B... à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
12. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté attaqué que la préfète du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé avant de l'obliger à quitter le territoire français.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. Si M. B... a soutenu lors de son audition par les services de police disposer d'attaches familiales en France, notamment ses frères, il ne l'établit pas à l'exception du frère qui a porté plainte contre lui pour des faits de violences avec arme par destination. L'intéressé qui est célibataire, sans enfant à charge et ne justifie aucunement le concubinage dont il s'est prévalu au cours de cet interrogatoire, ne saurait être regardé comme dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 21 ans et où résident ses parents, quand bien même ces derniers voyageraient régulièrement en France. Par ailleurs, il ne démontre par aucune pièce l'ancienneté de son séjour en France depuis le mois de décembre 2019. Ainsi il n'établit pas que le centre de ses intérêts privés et familiaux serait durablement établi sur le territoire français. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
15. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ".
16. Si la préfète du Val-de-Marne s'est fondée sur la menace à l'ordre public que représenterait le comportement de l'intéressé, M. B... conteste la matérialité des faits de violences avec arme par destination qui lui sont reprochés et soutient sans être contredit n'avoir fait l'objet d'aucune condamnation. Il ressort du procès-verbal du 11 décembre 2023 établi à 16h23, que la procédure judiciaire a fait l'objet d'un classement au motif que les faits reprochés à l'intéressé donneraient lieu à une sanction non pénale. Dans ces conditions et en l'absence de toute autre pièce justificative, la préfète du Val-de-Marne n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le comportement de M. B... représenterait une menace à l'ordre public. Toutefois, il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que la mesure d'éloignement du territoire est également fondée sur l'irrégularité de son entrée sur le territoire français et l'absence de demande de délivrance d'un titre de séjour. La préfète du Val-de-Marne aurait en conséquence pris la même décision en se fondant sur ce seul motif relevant des dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui justifiait à lui seul la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de la menace à l'ordre public que constituerait le comportement de l'intéressé et qui entacherait la décision attaquée doit être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
17. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ".
18. D'une part, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors que ses dispositions ont été transposées en droit national, notamment aux articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
19. D'autre part, la préfète du Val-de-Marne a fondé sa décision sur le fait que l'intéressé ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. En se bornant à alléguer que le risque de fuite n'est pas caractérisé par la seule irrégularité de son séjour en France, M. B... ne contredit pas utilement la décision de refus de départ volontaire qui lui est légalement opposée au regard des dispositions précitées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
20. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée n'est assorti d'aucune précision de nature à en apprécier le bien-fondé et ne peut qu'être écarté. En tout état de cause, il ressort du procès-verbal d'audition de M. B... établi le 11 décembre 2023 à 12 heures que s'il a déclaré ne pouvoir bénéficier au Maroc des soins nécessaires à son état de santé dont il ne justifie au demeurant pas, il a également précisé n'avoir aucune crainte de persécution dans son pays d'origine.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :
21. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
22. En l'absence d'illégalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B..., la préfète du Val-de-Marne pouvait légalement prendre une décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Pour porter à trois ans la durée de cette interdiction, la préfète du Val-de-Marne s'est fondée sur la menace à l'ordre public que représenterait la présence en France de l'intéressé, sur la durée alléguée de son séjour sur le territoire depuis 2019, sur la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et l'absence de circonstance humanitaire faisant obstacle à la décision attaquée. Ainsi qu'il a été précédemment énoncé au point 14, l'intéressé ne démontre ni la durée de son séjour en France, ni disposer de liens personnels et familiaux durablement établis sur le territoire. Toutefois, il ressort également de ce qui a été dit au point 16 du présent arrêt, que la menace à l'ordre public que représenterait la présence en France de l'intéressé n'est pas démontrée en l'absence de toute pièce justificative de poursuites judiciaires engagées à son encontre à la suite de l'interpellation dont il a fait l'objet. En conséquence, en portant à trois ans, soit la durée maximale qui puisse être prononcée, la durée de l'interdiction de retour du territoire français et alors qu'il n'est pas allégué qu'une précédente mesure d'éloignement aurait été prononcée à son encontre, la préfète du
Val-de-Marne a fait une inexacte application des dispositions précitées. Compte tenu du caractère indivisible de la décision en litige, qui porte à la fois sur le principe de l'interdiction de retour sur le territoire français et sur la durée de cette interdiction, la décision prise à l'encontre de M. B... doit être annulée dans son ensemble, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision. Cependant, une telle annulation ne fait pas obstacle à ce que l'administration, qui, comme il a été dit, a pu régulièrement décider de prendre à l'encontre de l'intéressé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, prenne une nouvelle mesure d'interdiction, pour une durée mieux adaptée à la situation de M. B... au regard des quatre critères fixés par la loi.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de la préfète du Val-de-Marne du 11 décembre 2023 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et à demander l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
24. D'une part, eu égard au motif d'annulation retenu au point 22, le présent arrêt implique que la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent procède au réexamen de la seule décision portant interdiction de retour de M. B... sur le territoire français dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
25. D'autre part, l'exécution du présent arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet compétent de prendre toutes mesures utiles afin de mettre fin au signalement de M. B... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour dont l'annulation est prononcée.
Sur les frais liés à l'instance :
26. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2313987 du 2 mai 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Article 2 : La décision du 11 décembre 2023 par laquelle la préfète du Val-de-Marne a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de M. B... pour une durée de trois ans est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la décision portant interdiction de retour de M. B... sur le territoire français dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de prendre toutes mesures utiles afin de mettre fin au signalement de M. B... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour dont l'annulation est prononcée.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 2 mai 2024 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 13 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
S. CARRRERE
Le président-assesseur,
O. LEMAIRE La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02212