Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire sans délai et a fixé le pays de destination et de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.
Par un jugement n° 2310656 du 27 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 avril 2024, M. A..., représenté par Me Vernon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 27 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ainsi que l'arrêté du même jour portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au bénéfice de Me Vernon en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et la somme de 13 euros au titre des droits de plaidoirie non compris dans les dépens.
Il soutient que :
- c'est à tort que le juge de première instance qui s'est abstenu de prendre en considération ses mémoires complémentaires présentés le 2 juillet 2023, a rejeté ses demandes comme étant irrecevables ;
- les décisions attaquées ont été signées par une autorité dont la compétence n'est pas établie.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle a été prise en méconnaissance du droit à être entendu garanti par les principes généraux du droit de l'Union européenne ;
- elle méconnaît les dispositions combinées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 436-4 du même code ;
- elle méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- cette mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie d'exception en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement du territoire sur laquelle elle se fonde ;
- elle méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a été prise en méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie d'exception en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement du territoire sur laquelle elle se fonde ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie d'exception en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement du territoire sur laquelle elle se fonde ;
- elle méconnaît les dispositions combinées des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il s'en remet à la sagesse de la Cour s'agissant du moyen tiré de l'irrégularité du jugement contesté ;
- en l'absence de nouvel argument présenté dans le cadre de la présente instance, les autres moyens soulevés par M. A... seront rejetés par adoption des motifs retenus à bon droit par les juges de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Carrère a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux arrêtés du 21 septembre 2022, le préfet de police a obligé M. A..., ressortissant algérien né le 22 août 2004, à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de trente-six mois. Par la présente requête, M. A... relève régulièrement appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement contesté :
2. Pour rejeter les requêtes de M. A... tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de police portant, d'une part, obligation de quitter le territoire sans délai et fixant le pays de destination et, d'autre part, interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de
trente-six mois, le juge de première instance a retenu qu'elles ne comportaient qu'une liste de dix-sept moyens qui n'étaient assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le
bien-fondé. Si M. A... fait valoir qu'il avait présenté deux mémoires complémentaires enregistrés au greffe du tribunal administratif de Montreuil le 2 juillet 2023 qui n'ont pas été pris en considération, ses requêtes de première instance n'ont toutefois pas été rejetées comme étant irrecevables contrairement à ce qu'il soutient. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement contesté serait pour ce motif entaché d'une irrégularité, doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :
3. Par un arrêté n° 2022-01009 du 24 août 2022, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris le même jour, le préfet de police a donné délégation de signature à Mme C..., adjointe au chef de la division des reconduites à la frontière, à l'effet de signer les décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces décisions manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
4. En premier lieu, si l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne concerne non les Etats membres, mais uniquement les institutions, les organes et les organismes de l'Union, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été entendu par les services de police préalablement à l'édiction de la décision en litige et a ainsi été mis en mesure de porter à la connaissance du préfet de police les éléments de sa situation personnelle susceptibles de faire obstacle à son éloignement. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu dirigé contre la seule décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 436-4 du même code : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 412-1, préalablement à la délivrance d'un premier titre de séjour, l'étranger qui est entré en France sans être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ou qui, âgé de plus de dix-huit ans, n'a pas, après l'expiration depuis son entrée en France d'un délai de trois mois ou d'un délai supérieur fixé par décret en Conseil d'Etat, été muni d'une carte de séjour, acquitte un droit de visa de régularisation d'un montant égal à 200 euros, dont 50 euros, non remboursables, sont perçus lors de la demande de titre (...) ".
6. M. A... ne conteste pas être entré irrégulièrement sur le territoire français muni de son seul acte de naissance ainsi qu'il ressort du procès-verbal de son audition par les services de police, peu importe qu'il y soit entré avant sa majorité. Il est par ailleurs constant que l'intéressé ne dispose pas de titre de séjour en cours de validité. Il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant au préfet de police de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement du territoire. S'il soutient avoir sollicité la délivrance d'un passeport le 6 juillet 2022 auprès des autorités consulaires algériennes, cette circonstance est sans incidence sur les conditions irrégulières de son entrée sur le territoire. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas soutenu par l'intéressé, qu'il aurait déposé une demande de titre de séjour préalablement à la mesure d'éloignement qu'il conteste. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 436-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'applique sans préjudice des stipulations des articles 6 et 9 de l'accord franco-algérien, pour soutenir que son entrée en France était susceptible d'être régularisée. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit par suite être écarté.
7. En troisième lieu, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français a été prise sur le fondement des seules dispositions du 1° de de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par voie de conséquence, les moyens tirés de ce que cette décision aurait méconnu le 5° du même article ou serait entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions, sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
8. En quatrième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 110-1 du même code, sous réserve des conventions internationales. En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir que les dispositions des articles L. 423-22 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues par le préfet de police ou que la mesure d'éloignement contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle au regard de ces dispositions.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
10. M. A... déclare être entré en France en 2018, à l'âge de 13 ans, avoir bénéficié de mesures d'accompagnement mises en place par les services sociaux dès l'âge de 14 ans et disposer d'un contrat jeune majeur ainsi que de compétences linguistiques en langue française. Il fait valoir également la présence en France de ses parents et de sa fratrie. Toutefois, il ne démontre par aucune pièce l'ancienneté de son séjour. Il n'établit sa prise en charge par les services sociaux en qualité de mineur isolé qu'au titre de courtes périodes courant du 25 septembre 2020 au 25 mars 2021 et du 26 mars 2022 au 28 juin 2022, cette seconde période résultant d'une ordonnance de placement auprès de l'aide sociale à l'enfance prononcée par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Bobigny à la suite de son interpellation pour des faits de vol commis en réunion le 25 mars 2022 et dans l'attente de sa comparution devant le tribunal. S'il soutient disposer d'un contrat jeune majeur, il ne l'établit pas et ne justifie d'aucune intégration particulière. Par ailleurs, M. A..., majeur à la date de la décision attaquée, qui précise être hébergé par un ami, ne démontre aucunement l'intensité des liens qu'il entretiendrait avec les membres de sa famille dont la régularité du séjour en France n'est d'ailleurs aucunement établie. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'éloignement du territoire prononcée à son encontre aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou du principe visé au point précédent interdisant l'éloignement du territoire d'un étranger susceptible d'obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
12. En l'absence de toute pièce justificative démontrant l'ancienneté de sa résidence habituelle en France depuis 2018, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées, doit être écarté.
13. En dernier lieu, M. A... qui ne fait état d'aucun argument distinct de ceux exposés ci-dessus au point 10, tenant à la durée de son séjour en France, à l'accompagnement social dont il a bénéficié et aux attaches familiales dont il dispose sur le territoire français, ne démontre pas par ces seules circonstances que le préfet de police aurait entaché la mesure d'éloignement attaquée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Ce moyen doit par suite être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire :
14. En premier lieu, l'arrêté attaqué qui vise les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application précise, d'une part, que le risque de fuite est constitué dès lors que l'intéressé a été signalé par les services de police le 19 septembre 2022 pour des faits de vol avec arme et vol avec violence commis en réunion les 29 juillet 2022 et 9 août 2022, faits constitutifs d'une menace à l'ordre public et, d'autre part qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire, dans la mesure où il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et ne présente pas de garanties de représentation suffisantes dans la mesure où il ne peut présenter de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Par suite, la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit être écarté.
15. En deuxième lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision refusant à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire doit être écarté.
16. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
17. Si le préfet de police s'est fondé sur la menace à l'ordre public que représenterait le comportement de l'intéressé, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier et notamment du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) produit à l'instance, que les signalements dont M. A... a fait l'objet auraient été suivis de poursuites pénales. En outre, le requérant conteste la matérialité des faits de vol avec arme et vol avec violence commis en réunion qui lui sont reprochés. Dans ces conditions, en l'absence de production de tout élément de nature à établir la matérialité des faits relevés dans la décision attaquée, le préfet de police n'apporte pas la preuve qui lui incombe que le comportement de M. A... représenterait une menace à l'ordre public. Toutefois, il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet de police s'est également fondé sur le risque de soustraction à la mesure d'éloignement du territoire prononcée à son encontre compte tenu, d'une part, de l'irrégularité de son entrée sur le territoire français et de l'absence de demande de délivrance d'un titre de séjour et, d'autre part, de l'absence de garanties de représentation suffisantes, faute de documents d'identité ou de voyage en cours de validité et de résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Le préfet de police aurait en conséquence pris la même décision en se fondant sur ces motifs qui justifiaient à eux seuls la décision attaquée. Par ailleurs, le préfet de police qui ne s'est pas fondé sur les dispositions du 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile contrairement à ce que soutient M. A..., mais sur celles des 1° et 8° de ce même article, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant qu'il ne justifiait pas de garanties de représentation suffisantes. A ce titre, la seule attestation de domiciliation présentée par l'intéressé ne permet pas à elle seule de démontrer qu'il disposerait d'une résidence effective et permanente et que le risque de soustraction à la mesure d'éloignement ne serait pas justifié. Par suite, l'intéressé qui ne peut utilement se prévaloir de la directive 2008/115/ CE dont les dispositions ont été transposées en droit national, notamment aux articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance de ces dispositions ou serait entachée d'une erreur d'appréciation. Ces moyens doivent en conséquence être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
18. En premier lieu, la décision en litige qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et relève que M. A... n'établit pas être exposé à des peines et traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
19. En deuxième lieu, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision attaquée doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 15 du présent arrêt.
20. En dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision n'est assorti d'aucune précision de nature à en apprécier le bien-fondé et ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :
21. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
22. En l'absence d'illégalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. A..., le préfet de police pouvait légalement prendre une décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Pour porter à trente-six mois la durée de cette interdiction, le préfet de police s'est fondé sur la menace à l'ordre public que représenterait la présence en France de l'intéressé, la durée alléguée de son séjour sur le territoire depuis 2018 et l'absence de liens suffisamment anciens, forts et caractérisés, étant constaté que l'intéressé se déclare célibataire et sans enfant à charge. Ainsi qu'il a été précédemment énoncé au point 10, l'intéressé ne démontre ni la durée de son séjour en France, ni disposer de liens personnels et familiaux durablement établis sur le territoire. Toutefois, il ressort également de ce qui a été dit au point 17 du présent arrêt, que la menace à l'ordre public que représenterait la présence en France de l'intéressé n'est pas démontrée en l'absence de toute pièce justificative de poursuites judiciaires engagées à son encontre à la suite des signalements dont il a fait l'objet. En conséquence, en portant à trente-six mois, soit la durée maximale qui puisse être prononcée, la durée de l'interdiction de retour du territoire français et alors qu'aucune mesure d'éloignement n'avait été antérieurement prononcée à son encontre, le préfet de police a fait une inexacte application des dispositions précitées. Compte tenu du caractère indivisible de la décision en litige, qui porte à la fois sur le principe de l'interdiction de retour sur le territoire français et sur la durée de cette interdiction, la décision prise à l'encontre de M. A... doit être annulée dans son ensemble, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'encontre de cette décision. Cependant, une telle annulation ne fait pas obstacle à ce que l'administration, qui, comme il a été dit, a pu régulièrement décider de prendre à l'encontre de l'intéressé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, prenne une nouvelle mesure d'interdiction, pour une durée plus adaptée à la situation de M. A... au regard des quatre critères fixés par la loi.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation de la décision du préfet de police du 21 septembre 2022 portant interdiction du territoire français pour une durée de trente-six mois.
Sur les frais liés à l'instance :
24. D'une part, M. A... n'établissant pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du 18 mars 2024, sa demande tendant à ce que l'Etat lui verse la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée. D'autre part, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 13 euros correspondant au droit de plaidoirie.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2310656 du tribunal administratif de Paris du 27 octobre 2023 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
Article 2 : La décision du préfet de police du 21 septembre 2022 prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois est annulée.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 octobre 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 13 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
S. CARRERE
Le président-assesseur,
O. LEMAIRE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA01796