La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2024 | FRANCE | N°23PA03300

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 13 décembre 2024, 23PA03300


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Mangia E Bevi a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et en 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondante, ainsi que des majorations s'y rapportant.



Par un jugement n° 2102188 du 20 juin 2023, le tribu

nal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Mangia E Bevi.





Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Mangia E Bevi a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et en 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondante, ainsi que des majorations s'y rapportant.

Par un jugement n° 2102188 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Mangia E Bevi.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2023, la SARL Mangia E Bevi, représentée par Me Thomas, avocat, demande à la Cour :

1°) d' annuler le jugement n° 2102188 du tribunal administratif de Paris en date du 20 juin 2023 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et en 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondante, ainsi que des majorations s'y rapportant ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- sa comptabilité n'était pas entachée de graves irrégularités ;

- en tout état de cause, la méthode de reconstitution mise en œuvre par le service est excessivement sommaire et radicalement viciée, le pourcentage des recettes afférentes aux vins sur les recettes totales ayant été déterminé à partir des éléments d'une année non vérifiée et d'une période non représentative ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le service ne pouvait pas utiliser, pour reconstituer les chiffres d'affaires et résultats des exercices vérifiés, un pourcentage des recettes afférentes aux vins déterminé au regard des éléments d'un exercice non vérifié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Mangia E Bevi ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lemaire,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Mangia E Bevi, qui exploite un restaurant à Paris, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2015 et en 2016, à l'issue de laquelle le service vérificateur a notamment écarté la comptabilité présentée, qu'il a jugée entachée de graves irrégularités, et reconstitué les chiffres d'affaires et résultats de ces exercices à l'aide d'une méthode extra-comptable. La SARL Mangia E Bevi relève régulièrement appel du jugement en date du 20 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a en conséquence été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et en 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période couvrant ces deux exercices, ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal a suffisamment répondu, au point 5 du jugement attaqué, au moyen soulevé par la SARL Mangia E Bevi et tiré de ce que la méthode de reconstitution de ses chiffres d'affaires et résultats des exercices en litige était radicalement viciée dans son principe dès lors que le service avait estimé la part des recettes relatives à la vente de vins dans les recettes totales à l'aide de données constatées au cours d'un autre exercice. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article 54 du code général des impôts, les contribuables qui sont soumis au régime d'imposition selon le bénéfice réel sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables et pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats mentionnés dans leurs déclarations.

4. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 18 décembre 2018, que les inventaires des stocks au 1er janvier 2015 et au 31 décembre 2016, remis au vérificateur par la SARL Mangia E Bevi lors des opérations de contrôle, n'étaient pas détaillés et ne précisaient pas la nature des produits, leur quantité ou leur prix d'achat, des montants étant simplement mentionnés en fonction de groupes d'aliments. Il est constant que l'inventaire des stocks à la clôture de l'exercice 2015 mentionnait des produits qui ne figuraient ni en stock à l'ouverture de l'exercice, ni sur les factures des achats de cet exercice. En outre, trente-cinq factures d'achats des exercices vérifiés, obtenues par le vérificateur grâce à l'exercice du droit de communication auprès de l'un des fournisseurs de la SARL Mangia E Bevi, n'ont pas été comptabilisées, la société n'ayant par ailleurs pas été en mesure de justifier de la nature et du détail de nombreux achats alimentaires effectués lors de ces mêmes exercices auprès d'autres fournisseurs. Il est également constant que la société requérante, qui a pourtant indiqué au vérificateur qu'elle disposait d'une caisse enregistreuse au cours des exercices vérifiés, n'a produit aucune pièce justificative de recettes détaillée au titre de ces exercices, les chiffres d'affaires mentionnés en comptabilité ayant été saisis à partir des données portées par le gérant sur des tableaux établis mensuellement à l'aide du logiciel tableur " Excel " et remis au cabinet comptable, indiquant simplement le chiffre d'affaires total et les chiffres d'affaires correspondant aux différents taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués, et ventilant les recettes en fonction des modes de paiement utilisés par les clients. Pour ces seuls motifs, le service vérificateur pouvait regarder la comptabilité qui lui avait été présentée par la société requérante comme étant entachée de graves irrégularités. Il était dès lors fondé à l'écarter et à reconstituer les chiffres d'affaires et résultats imposables à l'aide d'une méthode extra-comptable, ce qui ne faisait pas obstacle à ce que les éléments tirés de cette comptabilité soient néanmoins retenus pour rectifier les chiffres d'affaires et résultats déclarés.

5. En second lieu, en l'absence de données fiables permettant de déterminer les conditions d'exploitation d'exercices vérifiés, il est loisible tant à l'administration fiscale dans le cadre des opérations de reconstitution de chiffre d'affaires qu'au contribuable pour critiquer la reconstitution ainsi opérée, de se référer aux données de l'activité d'exercices antérieurs ou postérieurs, pourvu que les conditions d'exploitation, établies par tout moyen, de ces exercices n'aient pas varié ou qu'elles puissent être ajustées pour tenir compte de leur évolution.

6. Il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 18 décembre 2018, que, pour reconstituer les chiffres d'affaires et résultats imposables de la SARL Mangia E Bevi, le service vérificateur a d'abord déterminé le chiffre d'affaires correspondant à la vente de vins au cours des exercices vérifiés, en se fondant sur les factures d'achat de vins, en excluant le vin pétillant servi en apéritif, les commandes spécifiques de bouteilles de champagne et le vin utilisé en cuisine, en tenant compte des stocks et de leur variation et en retenant les tarifs indiqués par la société elle-même au cours des opérations de contrôle. Le service a également pris en compte les offerts, la consommation du dirigeant et du personnel, la perte et la casse, qu'il a évalués à 12 % des achats. Le service s'est ensuite fondé, pour déterminer le chiffre d'affaires total, sur une estimation de la part des recettes résultant de la vente de vins dans les recettes totales, fixée à 18,47 %. Ce taux correspond à la moyenne des données figurant sur les notes clients établies entre le 1er août et le 14 septembre 2018 et des données communiquées par la société au titre de cette période.

7. D'une part, si la SARL Mangia E Bevi soutient que le pourcentage de 18,47 % mentionné au point précédent, correspondant à une estimation de la part des recettes afférentes aux vins sur les recettes totales, a été déterminé à partir des éléments d'une année non vérifiée, cette circonstance est par elle-même sans incidence, en l'absence de variation alléguée des conditions d'exploitation.

8. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 6, la part des recettes du vin dans les recettes totales de l'établissement exploité par la SARL Mangia E Bevi a été déterminée sur la base des données recueillies au cours d'une période de quarante-cinq jours. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la période retenue est trop brève et que la méthode de reconstitution mise en œuvre est, par suite, excessivement sommaire.

9. Enfin, en se prévalant de la variation de la seule consommation de vin rouge dans son établissement au cours de l'année 2019 pour soutenir que la période du 1er août au 14 septembre 2018 utilisée par le service pour évaluer la part des recettes afférentes aux vins n'est pas suffisamment représentative en termes de consommation du vin, la SARL Mangia E Bevi, qui ne propose aucune méthode alternative, ne conteste pas sérieusement la méthode de reconstitution appliquée par le service vérificateur, qui a également tenu compte de la consommation de vin blanc.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Mangia E Bevi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et en 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondante, ainsi que des majorations s'y rapportant. Ses conclusions à fins de décharge et d'annulation doivent dès lors être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Mangia E Bevi est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Mangia E Bevi et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Lemaire, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 13 décembre 2024.

Le rapporteur,

O. LEMAIRE

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 23PA03300


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03300
Date de la décision : 13/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Olivier LEMAIRE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : THOMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-13;23pa03300 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award