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13/12/2024 | FRANCE | N°23PA01697

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 13 décembre 2024, 23PA01697


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du prélèvement sur les plus-values prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts, de la taxe sur les plus-values prévue à l'article 1609 nonies G du code général des impôts et du prélèvement de solidarité, auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2014.



Par un jugement n° 2003243 du 21 février 2023, le tribunal

administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du prélèvement sur les plus-values prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts, de la taxe sur les plus-values prévue à l'article 1609 nonies G du code général des impôts et du prélèvement de solidarité, auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

Par un jugement n° 2003243 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 avril 2023 et le 12 juillet 2024, Mme B..., représentée par Me Blanquart, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées pour un montant total de 75 597 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la distinction opérée par les articles 244 bis A et 164 B du code général des impôts entre les biens immobiliers et droits portant sur ces biens et les titres de sociétés à prépondérance immobilière permet de qualifier les droits, notamment les droits d'usufruit, portant sur des titres de sociétés à prépondérance immobilière comme des biens mobiliers, ce qui est conforme au droit civil français ;

- cette distinction est étayée par l'administration fiscale dans ses commentaires relatifs à l'article 244 bis A du code général des impôts, publiés au Bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-RFPI-PVINR-10-20 du 6 août 2013, notamment les paragraphes n° 1, 10 et 80, et qui lui sont opposables sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- la convention fiscale bilatérale du 10 mars 1964 ne traite pas des gains provenant de l'aliénation de parts de sociétés à prépondérance immobilière et, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une cession de biens immobiliers au sens de son article 3, la taxation de la plus-value revient à la Belgique en application de l'article 18 de cette convention fiscale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu, modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique,

- et les observations de Me Blanquart, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 août 2014, Mme A... B..., résidente fiscale belge, a cédé pour un prix de 1 047 330 euros l'intégralité des parts sociales qu'elle détenait en usufruit dans la société civile immobilière Aigo Lindo, dont l'actif était principalement composé d'un bien immobilier situé à Grimaud (Var). Elle n'a pas souscrit de déclaration portant sur la plus-value, d'un montant net de 262 354 euros, qu'elle a réalisée à cette occasion. Par une proposition de rectification du 31 août 2017, l'administration a considéré que cette plus-value devait être taxée selon les régimes d'imposition prévue pour les biens immeubles, la société Aigo Lindo étant une société à prépondérance immobilière au sens de l'article 150 A bis du code général des impôts, et a soumis cette plus-value au prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts, à la taxe prévue à l'article 1609 nonies G du même code ainsi qu'au prélèvement de solidarité prévu au 2° de l'article 1600 - 0 S du code général des impôts alors en vigueur. Ces impositions supplémentaires, d'un montant total, en droits et pénalités, de 75 597 euros, ont été mises en recouvrement le 31 mai 2019. A la suite d'une réclamation tacitement rejetée par l'administration fiscale, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de ces impositions. Elle fait appel du jugement du 21 février 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts applicable au présent litige : " I.-1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon le taux fixé au deuxième alinéa du I de l'article 219. (...)". Aux termes de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : (...) e bis) Les plus-values mentionnées aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC, lorsqu'elles sont relatives : / 1° A des biens immobiliers situés en France ou à des droits relatifs à ces biens / (...) 3° A des droits sociaux de sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter dont le siège est situé en France et dont l'actif est principalement constitué directement ou indirectement de biens et droits mentionnés au 1° (...) ". Il suit de là que l'article 244 bis A du code général des impôts, applicable aux plus-values immobilières réalisées par les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B, soumet à ce régime les plus-values que ces personnes réalisent lors de la cession de parts qu'elles détiennent dans les sociétés ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont l'actif est principalement constitué, directement ou indirectement, de biens ou droits immobiliers. Ainsi, pour l'application du prélèvement de l'article 244 bis A, la loi fiscale assimile à des biens immobiliers, notamment, les parts des sociétés civiles à prépondérance immobilière, lors de leur aliénation par une personne qui n'est pas fiscalement domiciliée en France. C'est donc à bon droit au regard de la loi fiscale que l'administration a soumis au prélèvement de l'article 244 bis A du code général des impôts le gain de cession des droits détenus par la requérante au sein de la société Aigo Lindo.

Sur la convention fiscale franco-belge :

3. Aux termes de l'article 3 de la convention fiscale bilatérale franco-belge du

10 mars 1964, alors en vigueur : " 1. Les revenus provenant des biens immobiliers, y compris les accessoires, ainsi que le cheptel mort ou vif des entreprises agricoles et forestières ne sont imposables que dans l'Etat contractant où ces biens sont situés. / 2. La notion de bien immobilier se détermine d'après les lois de l'Etat contractant où est situé le bien considéré. / 3. Les droits auxquels s'appliquent les dispositions du droit privé concernant la propriété foncière, les droits d'usufruit sur les biens immobiliers et les droits à des redevances variables ou fixes pour l'exploitation de gisements minéraux, sources et autres richesses du sol sont considérés comme des biens immobiliers au sens du présent article. / 4. Les dispositions des paragraphes 1 à 3 s'appliquent (...) aux bénéfices résultant de l'aliénation de biens immobiliers. (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 15 de la même convention : " Les dividendes ayant leur source dans un Etat contractant qui sont payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat ". Aux termes de l'article 18 de la même convention : " Dans la mesure où les articles précédents de la présente convention n'en disposent pas autrement, les revenus des résidents de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat ". Aux termes de l'article 22 de la même convention : " Tout terme non spécialement défini dans la présente Convention aura, à moins que le contexte n'exige une autre interprétation, la signification que lui attribue la législation régissant, dans chaque Etat contractant, les impôts faisant l'objet de la Convention ".

4. Le paragraphe 2 du protocole final de cette convention stipule que : " L'article 15, paragraphe 1, ne s'oppose pas à ce que la France, conformément aux dispositions de sa loi interne, considère comme des biens immobiliers, au sens de l'article 3 de la Convention, les droits sociaux possédés par les associés ou actionnaires des sociétés qui ont, en fait, pour unique objet, soit la construction ou l'acquisition d'immeubles ou de groupes d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées à leurs membres en propriété ou en jouissance, soit la gestion de ces immeubles ou groupes d'immeubles ainsi divisés. La Belgique pourra toutefois imposer, dans les limites fixées aux articles 15, paragraphes 1 et 2, et 19-A, paragraphe 1, les revenus tirés par des résidents de la Belgique de droits sociaux représentés par des actions ou parts dans lesdites sociétés résidentes de la France ".

5. Pour déterminer la notion de bien immobilier au sens et pour l'application de la dernière phrase du paragraphe 4 de l'article 3 de la convention du 10 mars 1964, il convient, conformément aux stipulations de cet article, de se référer aux lois de l'Etat contractant où est situé le bien considéré et, ainsi qu'il est prévu à l'article 22, de retenir, à moins que le contexte n'exige une autre interprétation, la signification que lui attribue la législation régissant, dans chaque Etat contractant, les impôts faisant l'objet de la convention. Sont dépourvues d'incidence à cet égard, les stipulations du paragraphe 2 du protocole final de cette convention, qui ont pour unique objet de qualifier de biens immobiliers, au sens de la convention, les parts de sociétés relevant de l'article 1655 ter du code général des impôts.

6. L'article 244 bis A du code général des impôts, applicable aux plus-values immobilières réalisées par les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B, soumet à ce régime les plus-values que ces personnes réalisent lors de la cession de parts qu'elles détiennent dans les sociétés ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont l'actif est principalement constitué, directement ou indirectement, de biens ou droits immobiliers. La loi fiscale, qui est la " législation " au sens des stipulations de l'article 22 de la convention fiscale bilatérale, assimile ainsi à des biens immobiliers, notamment, les parts des sociétés civiles à prépondérance immobilière, lors de leur aliénation par une personne qui n'est pas fiscalement domiciliée en France, que ces parts correspondent à la pleine propriété du bien immobilier ou seulement à l'usufruit ou à la nue-propriété.

7. Ainsi, sans qu'y fasse obstacle la qualification alléguée par Mme B... des parts litigieuses au regard du droit civil, la cession effectuée concernait un bien immobilier au sens de l'article 3 de la convention fiscale bilatérale, en application duquel la plus-value litigieuse n'était imposable qu'en France. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'imposition de cette plus-value relevait de l'article 18 de la même convention. La convention fiscale franco-belge ne fait donc pas obstacle à l'imposition par la France de la plus-value litigieuse.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. La requérante se prévaut des commentaires de l'article 244 bis A publiés au Bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-RFPI-PVINR-10-20 du 6 août 2013, notamment les paragraphes n° 1, 10 et 80, pour soutenir que l'administration confirmerait ainsi la distinction à opérer entre, d'une part, les titres de société à prépondérance immobilière et, d'autre part, les " biens immobiliers ou des droits relatifs à ces biens ". Toutefois, la même instruction prévoit à son paragraphe 20 que sont concernées par le prélèvement de l'article 244 bis A " les cessions à titre onéreux de titres, valeurs mobilières, droits sociaux ou autres droits émis par des sociétés françaises ou étrangères à prépondérance immobilière en France ". Mme B... n'est donc pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes qu'elle invoque, lesquels ne comportent pas d'interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE:

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction des impôts des non-résidents.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Dubois, premier conseiller,

- Mme Lellig, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 13 décembre 2024.

Le président-rapporteur,

A. BARTHEZ

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

J. DUBOIS

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01697


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01697
Date de la décision : 13/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : SAS HEPTA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-13;23pa01697 ?
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