Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'union syndicale des ingénieur.e.s et architectes des administrations parisiennes a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la délibération 2019 DRH-61 adoptée par le Conseil de Paris lors de la séance des 12, 14 et 15 novembre 2019 en tant qu'elle étend le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) au corps des ingénieurs et architectes des administrations parisiennes.
Par un jugement n° 2013088 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé le 2°) du III de la délibération contestée relatif aux ingénieurs et architectes des administrations parisiennes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 6 mars 2023 et le 15 juillet 2024, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de rejeter les conclusions à fin d'annulation présentées par l'union syndicale requérante ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la délibération litigieuse seulement en tant qu'elle étend le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel aux architectes ;
4°) en tout état de cause, de dire que l'annulation de la délibération n'aura pas d'effet rétroactif et ne prendra effet qu'à l'issue d'un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'union syndicale requérante la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier faute pour la minute d'être revêtue de la signature du président de la formation de jugement, de la rapporteure et de la greffière ; l'expédition du jugement ne comporte pas la mention " signé ", qui permet habituellement aux parties de s'assurer de ce que la minute est bien revêtue des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit, pour avoir méconnu l'autorité attachée aux motifs de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris n° 20PA01354 du 10 avril 2020 ; ils ont à tout le moins entaché leur jugement d'une erreur d'appréciation ;
- par cet arrêt, la cour n'a censuré la délibération 2018 DRH-6, au fond, qu'en ce qui concerne les emplois d'architecte malgré l'annulation totale prononcée compte tenu de la méconnaissance de la règle de quorum ; l'illégalité partielle de cette délibération n'est pas de nature à justifier l'annulation totale, par voie de conséquence, de la délibération litigieuse ;
- l'annulation de cette délibération en tant qu'elle s'applique aux architectes doit être différée dans le temps afin de ne pas priver les membres de ce corps du régime indemnitaire auquel ils peuvent prétendre ;
- le moyen tiré du défaut de consultation du comité technique est inopérant ;
- la façon dont le nouveau régime indemnitaire a été appliqué aux ingénieurs et architectes des administrations parisiennes, en lieu et place de leur régime indemnitaire existant, ne révèle aucune méconnaissance du principe de l'égalité des primes ou indemnités posé à l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- la sécurité juridique commande de laisser subsister dans l'ordonnancement juridique la délibération litigieuse qui avait précisément vocation à régir le régime indemnitaire des architectes définitivement titularisés dans le corps des ingénieurs et architectes d'administrations parisiennes.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 mai 2023 et le 20 août 2024, l'union syndicale des ingénieur.e.s et architectes des administrations parisiennes, représentée par la SCP Waquet-Farge-Hazan, conclut au rejet de la requête de la Ville de Paris et à ce que soit mise à sa charge une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens soulevés par la Ville de Paris ne sont pas fondés ;
- la délibération est irrégulière faute pour la Ville de Paris d'avoir consulté préalablement le comité technique ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 118 de la loi du 26 janvier 1984, de l'article 28 du décret du 24 mai 1994 et de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 en ce qu'elle a étendu le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel au corps des ingénieurs et architectes des administrations parisiennes alors même que son corps de référence dans la fonction publique de l'Etat, soit le corps des ingénieurs de travaux publics de l'Etat, n'avait pas encore adhéré à ce régime indemnitaire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Mokrane pour la Ville de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. La Ville de Paris relève appel du jugement du 5 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, par voie de conséquence de l'annulation de la délibération 2018 DRH-6 portant statut particulier applicable au corps des ingénieurs et architectes d'administrations parisiennes, le 2°) du III de la délibération 2019 DRH-61 adoptée par le Conseil de Paris lors de la séance des 12, 14 et 15 novembre 2019 et qui étend le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel au corps des ingénieurs et architectes des administrations parisiennes.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. La minute du jugement contesté a été signée par le président de la formation de jugement, la rapporteure ainsi que la greffière d'audience. Par suite, le moyen tiré du caractère irrégulier du jugement contesté, faute de signature de la minute, manque en fait et doit être écarté.
4. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour demander l'annulation du jugement attaqué au motif de son irrégularité, la Ville de Paris ne peut donc utilement se prévaloir de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.
6. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi de conclusions recevables dirigées contre de telles décisions consécutives, de prononcer leur annulation par voie de conséquence, le cas échéant en relevant d'office un tel moyen qui découle de l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache à l'annulation du premier acte.
7. En l'espèce, par un arrêt n° 20PA01354 et 20PA01355 du 29 juillet 2022 devenu d'ailleurs irrévocable, la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du 10 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la délibération 2018 DRH-6 du Conseil de Paris du 2 mai 2018 portant statut particulier applicable au corps des ingénieurs et architectes d'administrations parisiennes. Les dispositions de la délibération contestée, 2019 DRH-61, relatives aux ingénieurs et architectes des administrations parisiennes ont été adoptées en application de cette délibération du 2 mai 2018. L'annulation de cette délibération, alors même qu'elle est fondée sur un vice de procédure, emporte sa disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique et, par voie de conséquence, l'annulation, en tant qu'elle fixe le régime indemnitaire applicable au corps des ingénieurs et architectes d'administrations parisiennes, de la délibération litigieuse consécutive 2019 DRH-61, intervenue en raison de la délibération annulée portant statut particulier applicable à ce corps, sans que la Ville de Paris ne puisse utilement se prévaloir à cet égard du principe de sécurité juridique.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la Ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé le 2°) du III de la délibération 2019 DRH-61 des 12, 14 et 15 novembre 2019 relatif aux ingénieurs et architectes d'administrations parisiennes.
Sur la modulation dans le temps des effets de l'annulation :
9. L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine.
10. En l'espèce, la Ville de Paris demande que l'annulation de la délibération litigieuse en tant qu'elle s'applique aux architectes soit différée dans le temps afin de ne pas priver les membres de ce corps du régime indemnitaire auquel ils peuvent prétendre. Toutefois, d'une part, cette annulation est consécutive à l'annulation de la délibération 2018 DRH-6 portant statut particulier applicable au corps des architectes des administrations parisiennes, laquelle n'a fait l'objet d'aucune modulation de ses effets dans le temps. D'autre part, et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que l'annulation rétroactive prononcée emporterait des conséquences manifestement excessives sur la situation des agents concernés, le caractère plus favorable du nouveau régime indemnitaire mis en place étant au demeurant formellement contesté par le syndicat chargé de défendre les intérêts de cette profession.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'union syndicale des ingénieur.e.s et architectes, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme quelconque au titre des frais exposés par la Ville de Paris et non compris dans les dépens.
12. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris le versement à l'union syndicale des ingénieur.e.s et architectes d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Ville de Paris est rejetée.
Article 2 : La Ville de Paris versera à l'union syndicale des ingénieur.e.s et architectes des administrations parisiennes une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris et à l'union syndicale des ingénieur.e.s et architectes des administrations parisiennes.
Copie en sera adressée au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Dubois, premier conseiller,
- Mme Lellig, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 13 décembre 2024.
La rapporteure,
W. LELLIG
Le président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
2
N° 23PA00937