Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge en droits, pénalités et intérêts, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017.
Par un jugement n° 2017116 du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 février 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Tedgui, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 janvier 2023 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2016 et 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le service n'a pas respecté le débat contradictoire au cours de la procédure précontentieuse ;
- la répartition des bénéfices de la société Capital Conseil a été régulièrement décidée en assemblée générale au titre des deux années en litige.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Carrère,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Capital Conseil dont Mme A... est l'associée majoritaire, et qui a opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l'article 8 du code général des impôts, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces des déclarations de résultat portant notamment sur les bénéfices industriels et commerciaux déclarés en 2016 et 2017, à l'issue duquel le service a remis en cause la répartition des bénéfices entre les associés par une proposition de rectification du 6 février 2019. En conséquence de ces rehaussements, le service a notifié à M. et Mme A... des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu et de contributions sociales au titre des mêmes années 2016 et 2017 par une proposition de rectification du 26 février 2019 établie selon la procédure contradictoire. Par une décision du 2 octobre 2020, intervenue à la suite de leur réclamation préalable, l'administration fiscale a abandonné une partie des redressements. Par la présente requête, M. et Mme A... relèvent régulièrement appel du jugement du 3 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions restant en litige.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales, dans sa version issue de l'article 12 de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " Hormis lorsqu'elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 12, L. 13 et L. 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai ".
3. M. et Mme A... soutiennent que le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été respecté dès lors que les pièces qu'ils ont transmises le 21 juin 2021 dans le cadre de leur recours hiérarchique n'ont été ni analysées, ni prises en considération contrairement à l'engagement pris en ce sens par le supérieur hiérarchique du vérificateur au cours de l'entretien dont ils ont bénéficié le 29 mai 2019. D'une part, ni les dispositions précitées de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales, ni aucune autre disposition ou principe n'imposent que le supérieur hiérarchique du vérificateur prenne expressément position après son entretien avec les contribuables. D'autre part, en l'absence de prise de position écrite du supérieur hiérarchique, les divergences sont présumées subsister. En l'espèce, M. et Mme A... ne contestent pas avoir reçu un compte-rendu de cet entretien par un courriel du 21 juin 2019. Il est par ailleurs constant que les impositions ont été maintenues à l'issue de ce recours. La circonstance que le service ait accusé réception le 4 juillet 2019 des pièces transmises par voie dématérialisée le 21 juin 2019 et indiqué qu'ils seraient informés de la position définitive qui serait prise, est sans incidence sur la régularité de la procédure, ce d'autant qu'il n'est pas démontré que le supérieur hiérarchique ait entendu s'engager à leur répondre expressément. Par suite, alors que la charge de la preuve incombe à M. et Mme A..., ils ne démontrent pas que le supérieur hiérarchique du vérificateur se serait abstenu de prendre en considération l'ensemble des éléments qu'ils entendaient faire valoir, en particulier ceux transmis par voie dématérialisée le 21 juin 2019. En outre, ils ne contestent pas que la communication de ces pièces a donné lieu à un courrier en réponse du 7 août 2019 adressée à la société Capital Conseil. Enfin, la garantie ouverte au contribuable après la réponse faite par l'administration à ses observations sur la proposition de rectification, consiste à pouvoir, avant la mise en recouvrement, saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, l'interlocuteur départemental de divergences subsistant au sujet du bien-fondé des rectifications envisagées, et non à poursuivre avec ces derniers un dialogue contradictoire de même nature que celui qui s'est achevé avec la notification de la réponse aux observations du contribuable. M. et Mme A... n'ont ainsi été privés d'aucune garantie et le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " (...) les associés des sociétés en nom collectif (...) sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : (...) 2° Des membres des sociétés en participation (...) qui sont indéfiniment responsables et dont les noms et adresses ont été indiqués à l'administration ". Aux termes de l'article 12 du même code : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". En vertu de l'article 38 de ce code, des bénéfices industriels et commerciaux ne peuvent être réputés réalisés qu'à la date de clôture de l'exercice. C'est donc seulement à cette dernière date que les associés d'une société qui n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés sont réputés, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu, avoir réalisé la quote-part de bénéfices leur revenant.
5. Il résulte de ces dispositions que les bénéfices des sociétés de personnes sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés présents à la date de clôture de l'exercice, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé chacun une part de ces bénéfices à raison de leurs droits dans la société à cette date. Si ces droits sont, sauf stipulation contraire, ceux qui résultent du pacte social, il en va différemment dans le cas où un acte ou une convention, passé avant la clôture de l'exercice, a pour effet de conférer aux associés des droits dans les bénéfices sociaux différents de ceux qui résulteraient de la seule application du pacte social, auquel cas les bases d'imposition doivent tenir compte des règles de répartition des bénéfices résultant de cet acte ou de cette convention.
6. Il résulte de l'instruction que Mme A... détenait 90 % des parts du capital de la SAS Capital Conseil, les 10 % restant étant répartis entre ses deux fils à hauteur de 5 % chacun. Le service vérificateur a constaté que la SAS Capital Conseil avait mentionné, dans ses déclarations de résultats s'élevant respectivement à 174 274 euros et à 245 000 euros au titre des années 2016 et 2017, une répartition des bénéfices entre les associés différente de la répartition du capital social entre ces derniers. Estimant que la société n'avait pas justifié de cette répartition, l'administration fiscale a rectifié les revenus professionnels de Mme A... déclarés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à hauteur de la quote-part de sa participation dans la société. M. et Mme A... soutiennent que la répartition des bénéfices de la société Capital Conseil a été régulièrement décidée en assemblée générale ordinaire au titre des deux années en litige et que la possibilité de dérogation à la règle de répartition des bénéfices proportionnellement aux apports est autorisée par l'article 22 des statuts de la société. S'ils produisent les procès-verbaux des assemblées générales des 30 juin 2017 et 2018, en tout état de cause postérieures à la clôture des exercices en litige, et les relevés des réunions annuelles des 30 décembre 2016 et 2017 qui fixent la distribution des bénéfices pour ces deux années, il est constant qu'aucune de ces pièces n'a été présentée au service par M. et Mme A... ou à la suite de la demande de communication adressée à la société le 7 janvier 2019 dans le cadre du droit de communication dont le service a fait usage. Ces documents présentés pour la première fois devant les juges de première instance, qui n'ont fait l'objet d'aucun enregistrement auprès des services fiscaux ou d'un dépôt à un greffe d'un tribunal de commerce, ne présentent pas de date certaine, alors même que les associés ne peuvent sérieusement ignorer qu'une modification de la répartition des bénéfices, quelle qu'en soit la forme, doit pouvoir être justifiée auprès des tiers, dont les services fiscaux. Ils ne peuvent dès lors être regardés comme revêtant un caractère probant. Par ailleurs, les captures d'écran de l'application WhatsApp, datées des mois de décembre 2016 et 2017, si elles permettent de retenir que Mme A... s'est entretenue de manière bilatérale avec chacun de ses fils notamment au sujet de la répartition des bénéfices de la société préalablement aux réunions des 30 décembre de chacune de ces années, ne sont, en tout état de cause, pas suffisantes pour retenir qu'une décision a été prise entre les trois associés sur la répartition des bénéfices modifiant le pacte social avant la clôture de chacun des exercices.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté du 3 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles relatives aux frais liés à l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Lemaire, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 13 décembre 2024.
Le président-rapporteur,
S. CARRERE
Le président-assesseur,
O. LEMAIRE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00778