Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, d'annuler, d'une part, la délibération du 25 juin 2019 par laquelle le conseil académique en formation restreinte de l'université Paris Cité n'a pas retenu sa candidature pour la promotion au 2ème échelon de la classe exceptionnelle des professeurs des universités, ainsi que, d'autre part, les arrêtés du 27 juin 2019 et du 1er juillet 2019 par lesquels le président de l'université Paris Cité a respectivement promu Mme Comte et M. D... au 2ème échelon de la classe exceptionnelle des professeurs des universités, ensemble les décisions rejetant implicitement ses recours gracieux.
Par un jugement n° 1920710 et 2005234 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 janvier 2023 et régularisée le 16 janvier suivant, et des mémoires enregistrés les 24 juillet et 30 octobre 2023, Mme E..., représentée par Me Giovando, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler les arrêtés du 27 juin 2019 et du 1er juillet 2019 par lesquels le président de l'université Paris Cité a respectivement promu Mme Comte et M. D... au 2ème échelon de la classe exceptionnelle des professeurs des universités ;
3°) d'enjoindre au président de l'université Paris Cité de convoquer un conseil d'administration et de réunir le conseil académique restreint en vue du réexamen de sa candidature à l'avancement et de prendre une nouvelle délibération dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'université Paris Cité à lui verser la somme de 2 811,62 euros au titre du préjudice financier et 5 000 euros au titre du préjudice moral qu'elle a subis ;
5°) de mettre à la charge de l'université Paris Cité la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'absence d'une évaluation complète de ses activités constitue une rupture d'égalité entre les candidats, laquelle est discriminatoire car fondée sur sa situation de handicap ; l'évaluation de sa candidature est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux ;
- contrairement à ce qu'indique l'avis du conseil académique du 19 mars 2019, elle n'a jamais été dispensée des responsabilités administratives collectives au sein de l'établissement ; pareillement, elle n'est pas dispensée des activités pédagogiques, mais seulement des activités d'enseignement ;
- l'appréciation portée sur sa candidature par le second rapporteur constitue une violation du principe d'impartialité ; cette appréciation est discriminatoire compte tenu de la prise en compte de l'indignation qu'elle a pu exprimer dans son dossier ;
- l'avis de ce second rapporteur est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; son dossier scientifique ne saurait s'apparenter à celui d'un maître de conférences dès lors qu'elle a été nommée en tant que membre senior du prestigieux Institut universitaire de France ;
- l'absence de prise en compte de ses limitations physiques, en lien avec sa situation de handicap, méconnaît la loi du 13 juillet 1984 et la loi du 11 février 2005 ;
- le défaut d'examen sérieux de sa candidature a occasionné une grande souffrance morale ; elle justifie d'un préjudice moral à hauteur de 5 000 euros et d'un préjudice financier à hauteur de 2 811,62 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juin et 3 octobre 2023, l'université Paris Cité, représentée par Me Moreau, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de
3 000 euros soit mise à la charge de Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont pas été précédées d'une demande préalable et qu'elles sont nouvelles en appel ;
- les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2023, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Il indique que l'université Paris Cité est seule compétente pour défendre dans le présent litige et ajoute que les conclusions indemnitaires présentées pour la première fois en appel et non précédées d'une demande préalable sont irrecevables et que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée à M. D... et à Mme Comte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Leplat pour la requérante et de Me Ben Hamouda pour l'université Paris Cité.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., professeure des universités de classe exceptionnelle de premier échelon, a demandé son avancement au deuxième échelon de son grade au titre de l'année 2019. Par une délibération du 25 juin 2019, le conseil académique en formation restreinte de l'université Paris Cité n'a pas retenu sa candidature. Par des arrêtés du 27 juin et du 1er juillet 2019, le président de cette université a respectivement promu Mme Comte et M. D... au deuxième échelon de la classe exceptionnelle des professeurs des universités à compter du 1er septembre 2019. Mme E... relève appel du jugement du 4 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 56 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs : " L'avancement de la 2ème classe à la 1ère classe des professeurs des universités a lieu au choix. Il est prononcé selon les modalités suivantes : / I.- L'avancement a lieu, pour moitié, sur proposition de la section compétente du Conseil national des universités (...) et pour moitié, sur proposition du conseil académique ou de l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation, siégeant en formation restreinte, dans la limite des promotions offertes dans l'établissement, toutes disciplines confondues. (...) Cet avancement a lieu sur la base de critères rendus publics, d'une part, par les sections du Conseil national des universités et d'autre part, par les établissements (...). Le conseil académique ou l'organe compétent pour exercer les attributions mentionnées au IV de l'article L. 712-6-1 du code de l'éducation, siégeant en formation restreinte, de chaque établissement rend un avis sur les professeurs des universités qui ont demandé à bénéficier de cette procédure. (...) Après avoir entendu deux rapporteurs (...) pour chaque professeur des universités promouvable, l'instance établit les propositions d'avancement qu'elle adresse au président ou directeur de l'établissement. (...) Les présidents et directeurs d'établissement prononcent avant la fin de l'année en cours les promotions attribuées aux professeurs des universités affectés dans leur établissement dans les conditions prévues au présent article. Les promotions prononcées sont rendues publiques ". L'article 57 du même décret dispose que : " (...) L'avancement de la première classe à la classe exceptionnelle des professeurs des universités et l'avancement du premier au deuxième échelon de la classe exceptionnelle se fait au choix parmi les professeurs exerçant les responsabilités énumérées à l'article 41, notamment dans les enseignements du premier cycle. / Il est prononcé dans les conditions de procédure prévues à l'article 56 ci-dessous, par arrêté du président ou du directeur de l'établissement. / (...) Peuvent seuls être promus au 2ème échelon de la classe exceptionnelle les professeurs des universités justifiant d'au moins dix-huit mois d'ancienneté dans le 1er échelon de cette classe ".
3. En premier lieu, les moyens tirés du défaut d'examen réel et sérieux de la candidature de Mme E... en raison de l'évaluation incomplète de ses activités, de la méconnaissance de la loi du 13 juillet 1983, de la loi du 11 février 2005, de la rupture d'égalité entre candidats et du caractère discriminatoire de la délibération du 25 juin 2019 doivent être écartés par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges aux points 10 et 11 de leur jugement.
4. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes du dossier de candidature de Mme E... qu'elle indique expressément, à plusieurs reprises, que depuis la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé en 2006 et l'avis de la commission de réforme, elle bénéficie d'une dispense de l'activité d'enseignement et que seules ses activités de recherche sont autorisées. Le conseil académique restreint a dès lors pu émettre, à bon droit et sans commettre d'erreur de fait, un avis " sans objet " concernant les activités pédagogiques et les responsabilités administratives collectives.
5. En troisième lieu, d'une part, la mention dans la fiche d'évaluation du deuxième rapporteur du dossier de Mme E... destinée au conseil académique en formation restreinte de ce qu'elle emploierait " un ton revendicatif inapproprié " et de ce que son dossier serait " plein d'imprécisions et d'approximations " n'est pas de nature, à elle seule, à établir une méconnaissance du principe d'impartialité dès lors que la synthèse motivée de l'évaluation reflète une appréciation scientifique des mérites de la candidate. D'autre part, alors même que Mme E... a été nommée membre senior de l'Institut universitaire de France, elle ne fait valoir aucun autre élément objectif de nature à remettre en cause l'appréciation du deuxième rapporteur quant au niveau de ses activités de recherche, qualifié de " satisfaisant " compte tenu du nombre et de la nature de ses publications. La circonstance que cette note de 1/5 soit la plus faible et que le premier rapporteur ait retenu une note de 5/5 " remarquable " sont sans incidence sur le bien-fondé de cette appréciation. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :
7. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé que Mme E... n'est en tout état de cause pas fondée à invoquer une faute de l'université Paris Cité susceptible de justifier l'indemnisation des préjudices matériel et moral dont elle se prévaut. Par suite, ses conclusions à fin d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme quelconque au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'université Paris Cité et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Mme E... versera à l'université Paris Cité une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., à l'université Paris Cité, à Mme B... Comte, à M. A... D... et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Dubois, premier conseiller,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 13 décembre 2024.
La rapporteure,
W. LELLIG
Le président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00049