Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme d'Assurances familiales des salariés et artisans a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la somme de 9 164 356 euros au titre des années 2013 et 2014 dont, au titre de l'année 2013, 6 764 831 euros d'impôt sur les sociétés majorés de 703 542 euros d'intérêts de retard, 223 239 euros de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés majorés de 23 217 euros d'intérêts de retard et, au titre de l'année 2014, 1 328 807 euros d'impôt sur les sociétés majorés de 74 413 euros d'intérêts de retard, 43 851 euros de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés majorés de 2 456 euros d'intérêts de retard.
Par un jugement n° 2010644 du 24 mai 2022 le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête un mémoire complémentaire enregistrés le 20 juillet 2022 et le 30 octobre 2023, la société d'Assurances familiales des salariés et artisans, représentée en dernier lieu par Me Chrétien, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des rappels d'imposition mis à sa charge soit, au titre de l'année 2013, 6 764 831 euros d'impôt sur les sociétés majorés de 703 542 euros d'intérêts de retard, 223 239 euros de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés majorés de 23 217 euros d'intérêts de retard et, au titre de l'année 2014, 1 328 807 euros d'impôt sur les sociétés majorés de 74 413 euros d'intérêts de retard, 43 851 euros de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés majorés de 2 456 euros d'intérêts de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis de mise en recouvrement ne comporte pas la qualité du signataire en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration auquel renvoie l'article L. 256 du livre des procédures fiscales ;
- les provisions pour participation aux excédents ne pouvaient être réintégrées au résultat fiscal imposable dès lors qu'elle répondent aux conditions de déductibilité des provisions ; à cet égard, ces provisions correspondent à des charges nettement précisées dans leur nature et leur montant ; en ce qui concerne leur nature, ces provisions ont pour objet de lui permettre de faire face aux obligations que les contrats PFA, PCD, CID, DS et GRS mettent à sa charge de faire participer les assurés à ses résultats ; en ce qui concerne leur montant, il est déterminé à partir de composants stipulés dans les contrats conclus avec les souscripteurs pour les adhérents ; les provisions pour participation aux excédents correspondent également à des charges probables, dès lors que les sommes ainsi inscrites seront soit reversées aux souscripteurs soit transférées en provision mathématique ;
- subsidiairement, ces provisions constituent des dettes certaines ; la dette est constituée par son obligation de procéder à des provisions, qui correspond à une sortie de ressources au bénéfice des assurés, peu important l'utilisation future des sommes par le souscripteur.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 octobre et 6 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société d'Assurances familiales des salariés et artisans n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'Assurances familiales des salariés et artisans, qui exerce une activité d'assurance non-vie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité par la direction des vérifications nationales et internationales portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Par proposition de rectification émise le 4 juillet 2016 à l'issue d'une procédure contradictoire en application de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service a adressé des rectifications portant, au titre des deux exercices 2013 et 2014, réintégration dans le résultat imposable de provisions pour participations aux excédents (PPAE) afférentes à des contrats d'assurance groupe commercialisés par la société. Les observations que la société a présentées par courrier du 1er septembre 2016 ont été rejetées et les impositions ont été maintenues par la réponse aux observations du contribuable du 29 novembre 2016. Après le rejet du recours hiérarchique et du recours formé devant l'interlocuteur départemental, la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie et a rendu un avis le 15 février 2019. Les impositions supplémentaires ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2019. La réclamation formée le 15 janvier 2020 par la société à l'encontre de ces impositions supplémentaires a été rejetée par une décision du 6 août 2020. La société d'Assurances familiales des salariés et artisans relève appel du jugement n° 2010644 du 24 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur la régularité de la procédure :
2. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est émis et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret, selon les modalités prévues aux articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent (...) ". Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Aux termes de l'article L. 212-2 du même code : " Sont dispensés de la signature de leur auteur, dès lors qu'ils comportent ses prénom, nom et qualité ainsi que la mention du service auquel celui-ci appartient, les actes suivants : (...) / 3° Quelles que soient les modalités selon lesquelles ils sont portés à la connaissance des intéressés (...) les avis de mise en recouvrement (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les avis de mise en recouvrement émis à compter du 1er janvier 2017 n'ont pas nécessairement à comporter la signature de leur auteur, dès lors que, par les autres mentions qu'ils comportent, ils sont conformes aux prescriptions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En l'espèce, il résulte des mentions portées sur l'avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2019 qu'il a été émis par M. A... B... agissant " par délégation du comptable public ", sans qu'apparaisse sur cet avis la qualité de ce signataire. Si l'administration fiscale fait valoir en défense que M. B... serait comptable public secondaire et, qu'en conséquence, il avait compétence pour procéder à l'émission de l'avis de mise en recouvrement contesté sans délégation du comptable public, la compétence du signataire ainsi avancée n'est pas de nature à régulariser l'omission de la mention de sa qualité de comptable public secondaire sur l'avis de mise en recouvrement en litige. Contrairement à ce que soutient encore l'administration, une telle irrégularité présente un caractère substantiel dès lors qu'elle a privé le destinataire de l'avis de mise en recouvrement de la possibilité de s'assurer que son émetteur était effectivement l'autorité compétente. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que cet avis est entaché d'une méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 212-1, rendues applicables aux avis de mise en recouvrement par l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société d'Assurances familiales des salariés et artisans est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale mises à sa charge. Elle est ainsi fondée à obtenir, au titre des exercices clos en 2013 et 2014, la décharge d'une somme globale, dont le quantum n'est pas contesté en défense, de 9 164 356 euros.
Sur la demande tendant à l'octroi d'intérêts moratoires :
6. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) "
7. En l'absence de litige né et actuel avec le comptable public responsable du remboursement à la société d'Assurances familiales des salariés et artisans des impositions contestées, en droits et pénalités, dont elle est déchargée par le présent arrêt, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à assortir d'intérêts moratoires les sommes devant leur être remboursées à ce titre sont sans objet. Elles doivent par suite être rejetées.
Sur les frais d'instance :
8. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société d'Assurances familiales des salariés et artisans et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La société d'Assurances familiales des salariés et artisans est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociale mises à sa charge au titre des exercices clos en 2013 et 2014 pour un montant de 9 164 356 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2010644 du 24 mai 2022 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société d'Assurances familiales des salariés et artisans.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société d'Assurances familiales des salariés et artisans est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société d'Assurances familiales des salariés et artisans.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Dubois, premier conseiller.
- Mme Lellig, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 13 décembre 2024.
Le rapporteur,
J. DUBOIS Le président,
A. BARTHEZ
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA03334 2