Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, qui a transmis sa demande au tribunal administratif de Melun par une ordonnance du 9 février 2021, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2020 par lequel le ministre des armées a prononcé son licenciement et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 122 982,98 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'illégalité de cet arrêté.
Par un jugement n° 2101350/6 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 12 octobre 2020, enjoint au ministre des armées de réintégrer la requérante et rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 août 2023, et un mémoire enregistré le 27 mars 2024, Mme A..., représentée par Me Yahmi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 juin 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 122 982,98 euros en indemnisation de ses préjudices ;
3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui délivrer une attestation Pôle emploi ainsi que ses bulletins de salaire rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 12 octobre 2020 prononçant son licenciement est entaché d'un défaut de motivation et d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne son insuffisance professionnelle ;
- cette illégalité fautive lui ouvre droit à réparation ;
- son préjudice s'élève à 4 551,30 euros au titre de l'indemnité de licenciement, 107 665,16 euros au titre de la perte de revenus subie entre le 13 octobre 2020 et le 5 mai 2022, et 10 766,52 euros au titre des congés payés afférents.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 janvier et le 26 avril 2024, le ministre des armées conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.
Il soutient que le contentieux n'est pas lié et que l'illégalité fautive de l'arrêté du 12 octobre 2020 n'ouvre pas droit à réparation.
Par une ordonnance du 26 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bories,
- et les conclusions de M. Perroy, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... a été recrutée au ministère des armées par un contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 2019, pour une durée de trois ans, en qualité de responsable de conduite projet SIC (système d'information et de communication) au centre interarmées du soutien solde et déplacements professionnels (CISDP). Par un arrêté du 12 octobre 2020, modifié par arrêté du 27 octobre 2020, elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle à compter du 4 décembre 2020. Par un jugement n°2101350/6 du 27 juin 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 12 octobre 2020 et enjoint au ministre des armées de réintégrer l'intéressée et de rétablir ses droits à pension et ses droits sociaux. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.
2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance
publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi
indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente un lien direct de causalité. L'intervention d'une éviction illégale ne saurait, toutefois, donner lieu à réparation si, dans le cas d'une décision entachée d'un vice de forme ou de procédure, la même décision aurait pu légalement être prise ou si l'illégalité externe sanctionnée ne présente pas un lien direct de causalité avec l'un au moins des préjudices allégués.
3. En premier lieu, l'annulation, par le tribunal administratif de Melun, de la mesure
prononçant le licenciement de Mme A..., au motif qu'elle était insuffisamment motivée,
implique que son licenciement est réputé n'être jamais intervenu. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à obtenir l'indemnité compensatrice de congés annuels et l'indemnité de licenciement
accordées aux agents licenciés en application des articles 10 et 51 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat, et les conclusions présentées à ce titre par Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.
4. En second lieu, il résulte de l'instruction que le licenciement de Mme A... pour
insuffisance professionnelle reposait sur un défaut de management et d'investissement, une
inadéquation entre ses compétences techniques et celles qui étaient attendues, un défaut d'adhésion à l'institution militaire et des marques d'insubordination.
5. Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, les insuffisances de Mme A... en matière de management, d'investissement personnel et de compétences techniques résultent de l'instruction, et en particulier de son compte-rendu d'évaluation annuelle pour 2019, daté du 7 février 2020. A cette occasion, ses qualités managériales ont ainsi été jugées moyennes ou insuffisantes pour la majorité des composantes évaluées, seules ses capacités d'organisation et de pilotage, de délégation et d'évaluation des agents étant jugées bonnes, et aucune compétence n'étant notée de très bon ou d'excellent niveau. Son manque d'investissement a été souligné et lui a valu une mise en garde appuyée, sans qu'il résulte de l'instruction qu'elle ait significativement comblé cette lacune au cours de l'année 2020. Enfin, sa montée en compétence technique a été jugée en-deçà du niveau attendu après huit mois en fonction, en raison d'un défaut d'analyse
continue et approfondie des faits techniques de production du système dont elle avait la
responsabilité.
6. Compte tenu de ce qui précède, des enjeux de la mission pour laquelle Mme A... a été recrutée en mai 2019, liée à la mise en place d'un nouveau système de paie après l'abandon du logiciel Louvois, des attentes créées par son profil d'ingénieur informatique dotée de vingt ans d'expérience dans les secteurs privé et public, notamment en matière de conduite de projet et de système de paie, et de la connaissance qu'avait l'intéressée des contraintes géographiques et
horaires de ce poste lors de son recrutement, il ne résulte pas de l'instruction que le ministre des armées a entaché la décision prononçant son licenciement d'une erreur d'appréciation, en dépit de la circonstance que l'intéressée n'est pas dépourvue de mérites, des difficultés techniques du projet dont elle avait la charge, des problèmes variés qu'elle a rencontrés avec les équipes, du contexte de pandémie, et des circonstances personnelles dont elle se prévaut.
7. Il s'ensuit que l'arrêté du 12 octobre 2020 n'est entaché d'aucune autre illégalité que l'insuffisance de motivation retenue par le tribunal. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que sans cette irrégularité formelle, la même décision aurait pu être légalement prise par le ministre des armées, Mme A... n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation des préjudices financiers qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté prononçant son licenciement.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions indemnitaires, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de celles-ci. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE:
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et ministre des armées et des anciens combattants.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2024.
La rapporteure,
C. BORIES
La présidente,
S. VIDALLa greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03522 2