Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun, d'une part, par une requête enregistrée sous le n° 2005423, d'annuler la décision du 25 novembre 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'un congé pour invalidité imputable au service à compter du 30 août 2019, ensemble la décision du 11 juin 2020 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision et, d'autre part, par une seconde requête enregistrée sous le n° 2010568, d'annuler la décision implicite née le 21 octobre 2020 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a rejeté sa demande tendant à l'octroi d'un congé pour invalidité imputable au service à compter du 30 août 2019.
Par un jugement n° 2005423, 2010568/6 du 13 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés les 28 juin 2023, 7 août 2023 et 31 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Arvis, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 avril 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil de lui attribuer un congé pour invalidité temporaire imputable au service pour accident à compter du 26 août 2019 dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute n'est pas signée ;
- il est entaché d'un défaut de motivation ;
- la décision implicite de rejet de sa demande d'octroi d'un congé pour accident imputable au service est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission de réforme n'a pas été saisie pour avis ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle ne lui reconnaît pas le bénéfice d'un congé pour invalidité imputable au service ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a prononcé la suspension de l'exécution de la décision du 26 août 2019.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2023, le recteur de l'académie de Créteil conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, au rejet des conclusions de M. B....
Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 31 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bories,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;
- et les observations de Me Miah, substituant Me Arvis et représentant M. B..., présent.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., attaché principal d'administration, chef de service des affaires médicales et des accidents de service de la division des ressources humaines au rectorat de l'académie de Créteil, a sollicité, le 4 septembre 2019, l'octroi d'un congé pour invalidité imputable au service à compter du 30 août 2019, en raison d'un accident subi sur son lieu de travail le 26 août 2019. Par un courrier du 25 novembre 2019, le recteur de l'académie de Créteil a refusé d'instruire sa demande au motif qu'elle était incomplète. Par une décision du 11 juin 2020, la directrice des relations et des ressources humaines du rectorat a rejeté le recours administratif formé par l'intéressé contre cette décision. M. B... a réitéré sa demande par un courrier du 19 août 2020, reçu le 21 août 2020 par les services du rectorat. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur cette seconde demande le 21 octobre 2020. M. B... relève appel du jugement du 13 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces trois décisions.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". Et aux termes de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement contesté a été notifié à M. B..., ainsi que cela est établi par l'accusé de réception joint au dossier de première instance, le 27 avril 2023. Par suite, sa requête d'appel, qui a été enregistrée au greffe de la cour le 28 juin 2023, soit avant l'expiration du délai de deux mois dont il disposait, n'est, contrairement à ce que fait valoir le recteur, pas tardive.
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions des 25 novembre 2019 et 11 juin 2020 :
4. Les conclusions dirigées contre ces deux décisions ont été considérées comme tardives par les premiers juges. Devant le juge d'appel, M. B... ne conteste pas cette irrecevabilité et ne soulève aucun moyen à leur encontre. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions dirigées contre ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite née le 21 octobre 2020 :
5. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction applicable au litige, s'agissant d'un accident du 26 août 2019 : " I.-Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. (...) II.-Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...) ". Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa version alors en vigueur : " La commission de réforme est consultée notamment sur : / (...) 2. L'application des dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisée dans les conditions prévues au titre VI bis ; (...) ". Aux termes de l'article 47-6 de ce décret : " La commission de réforme est consultée : / 1° Lorsqu'une faute personnelle ou toute autre circonstance particulière est potentiellement de nature à détacher l'accident du service ; (...) ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'accident subi par le fonctionnaire lors de l'exercice de ses fonctions est présumé imputable au service. Lorsque l'administration entend opposer une faute personnelle ou une circonstance particulière de nature à détacher l'accident du service, il lui appartient de saisir pour avis la commission de réforme.
7. Par ailleurs, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Quand bien même il ne revêt qu'un caractère consultatif, l'avis de la commission de réforme contribue à garantir que la décision prise sur une demande de reconnaissance de l'imputabilité d'un accident ou d'une pathologie au service le sera de façon éclairée.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a saisi la commission de réforme départementale du Val-de-Marne, par un courrier du 17 janvier 2020, d'une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 26 août 2019. Lors de sa séance du 18 février 2020, cette commission a sursis à statuer sur le dossier de l'intéressé, dans l'attente " d'une décision du tribunal ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que le recteur de l'académie de Créteil aurait été, pour des raisons indépendantes de sa volonté, dans l'impossibilité de recueillir cet avis avant de rejeter, par la décision implicite attaquée, la demande de M. B.... Dans ces conditions, la décision née le 21 octobre 2020 sans que la commission de réforme se soit prononcée sur la demande de M. B..., ce qui a privé le requérant d'une garantie, est entachée d'un vice de procédure.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Melun du 13 avril 2023 ainsi que celle de la décision implicite de rejet attaquée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. L'exécution du présent arrêt implique seulement que le rectorat de Créteil procède au réexamen de la demande de M. B... tendant à ce que l'accident du 26 août 2019 soit reconnu imputable au service, dans le respect de la procédure applicable en la matière. Il y a lieu d'enjoindre au rectorat de Créteil d'agir en ce sens dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à M. B... au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2005423, 2010568/6 du tribunal administratif de Melun du 13 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a rejeté la demande de M. B... du 21 août 2020 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 26 août 2019 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au rectorat de Créteil de réexaminer la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Créteil.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vidal, présidente de chambre,
- Mme Bories, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2024.
La rapporteure,
C. BORIESLa présidente,
S. VIDAL
La greffière,
C. ABDI-OUAMRANE
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02863 2