La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/12/2024 | FRANCE | N°23PA02377

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 2ème chambre, 11 décembre 2024, 23PA02377


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société S3M a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2015 et du 1er janvier au 31 décembre 2016, à concurrence de la somme globale de 141 937 euros ainsi que la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a spontanément déclarée au titre du mois de décembre 2018 pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décemb

re 2018 à concurrence de la somme de 94 557 euros.





Par un jugement n° 2003081 et n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société S3M a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2015 et du 1er janvier au 31 décembre 2016, à concurrence de la somme globale de 141 937 euros ainsi que la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a spontanément déclarée au titre du mois de décembre 2018 pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018 à concurrence de la somme de 94 557 euros.

Par un jugement n° 2003081 et n°2103726/3 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2023, la société S3M, représentée par Me Tourrou, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intéressement est la répartition des économies ou des excès de consommation entre le titulaire du marché et l'acheteur public et rémunère donc une responsabilité ou un risque, et non une prestation ;

- un versement peut être exigé en cas d'écart de consommation positif ;

- les prestations n'ont pas pour objet de parvenir à des économies d'énergie, lesquelles sont la conséquence d'un éventuel comportement collectif, et sont rémunérées indépendamment des résultats obtenus en la matière ;

- la perception de l'intéressement est incertaine dans son principe et son montant et cette incertitude est de nature à rompre le lien direct entre le service rendu et le versement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 juillet et 2 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens présentés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,

- et les observations de Me Tourrou, représentant la société S3M.

Une note en délibéré a été présentée le 2 décembre 2024 par la société S3M.

Considérant ce qui suit :

1. La société S3M (SAS), qui a pour activité des travaux de terrassement, chauffage, électricité, plomberie et ventilation, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant donné lieu à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2015 et du 1er janvier au 31 décembre 2016, l'administration ayant soumis à la taxe les sommes perçues en application d'une clause d'intéressement incluse dans le cahier des charges du marché dont elle était titulaire, portant sur l'exploitation de chauffage d'établissements publics locaux d'enseignement de la région Ile-de-France. Cette société a par ailleurs déclaré spontanément, à la suite de la vérification et à raison de l'application de la clause d'intéressement précitée, un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 94 557 euros au titre de la période courant du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018. Par la présente requête, la société S3M relève appel du jugement du 30 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes en décharge de ces impositions.

2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Il résulte de ces dispositions que le versement d'une somme par un débiteur à son créancier ne peut être regardé comme la contrepartie d'une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée qu'à la condition qu'il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable.

3. Il résulte de l'instruction que la société S3M a conclu le 19 août 2013 avec la région Ile-de-France un contrat de marché d'exploitation de chauffage avec gros entretien et renouvellement des matériels et obligation de résultats, concernant des établissements publics locaux d'enseignement de ladite région au titre de la période du 1er juillet 2013 au 30 juin 2022. L'article 5 du cahier des clauses administratives particulières de ce marché relatif aux modalités de détermination des prix prévoit en particulier, d'une part, une rémunération selon un prix global et forfaitaire au titre des prestations désignées " P2 " par le contrat, à savoir celles portant sur la direction, la conduite et la surveillance des installations, l'astreinte pour le dépannage, la maintenance préventive systématique, la maintenance préventive conditionnelle et corrective, la fourniture des consommables nécessaires à l'entretien courant, la fourniture et le remplacement des pièces de rechange et la mise à jour des informations techniques. D'autre part, il prévoit une clause d'intéressement de la société prestataire en fonction d'objectifs de consommation d'énergie déterminés pour certains sites couverts par ce contrat. Selon les stipulations de cette clause, un montant d'intéressement fait l'objet, selon une périodicité prédéterminée et une formule détaillée, d'un calcul précis et contradictoire par référence à l'écart entre la quantité d'énergie consommée au titre du chauffage des locaux et la consommation théoriquement nécessaire pour ce chauffage pendant la durée effective de chauffage dans les conditions climatiques de l'année considérée. Il ressort des stipulations du point 5.1.8 du contrat que si cet écart est négatif, et traduit dès lors l'existence d'une économie d'énergie par rapport à la consommation théorique, il donne lieu au versement d'une somme venant en complément du prix global au titre des prestations " P2 " et que s'il est positif, aucun montant d'intéressement n'est, en revanche, dû. En exécution de cette clause d'intéressement, la société S3M a facturé à la région Ile-de-France, sans taxe sur la valeur ajoutée, des compléments de prix à hauteur d'un montant de 210 750 euros en date du 2 décembre 2014, de 247 275 euros en date du 7 novembre 2016 et de 393 599,64 euros en date du 7 décembre 2016. Dans le cadre de la vérification de comptabilité mentionnée au point 1., l'administration a opéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'imposition à cette taxe de ces trois montants facturés. Au titre de la consommation des années 2017 et 2018, la société a en outre facturé à la région, le 29 octobre 2018, un complément de prix comprenant un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 94 557 euros.

4. La société requérante fait valoir en premier lieu qu'il n'existe pas de lien direct entre les versements au titre de l'intéressement en cause et une prestation individualisée de sa part, dès lors que, ces versements valorisant un comportement collectif des deux parties au contrat au titre de la réalisation d'objectifs d'économies d'énergie et sanctionnant la réalisation d'un risque, ils ne peuvent être regardés comme rémunérant une prestation. Il résulte toutefois de l'instruction que ces versements interviennent dans le cadre d'un rapport juridique entre un prestataire de services et son client, ces versements constituant l'une des obligations contractuelles de ce dernier. Plus particulièrement, aux termes des stipulations du contrat évoqué au point 3., les montants versés au titre de la clause d'intéressement constituent un complément du prix forfaitaire des prestations " P2 " visées par le contrat. En outre, et en cohérence avec l'objet incitatif de cette clause d'intéressement, les prestations de la société S3M telles que prévues par le contrat en cause sont de nature à exercer directement une influence sur la réalisation des objectifs d'économie d'énergie sur la base desquels est calculé l'intéressement, quand bien même d'autres facteurs, tels que l'usage des installations de chauffage par leur utilisateur ou les conditions météorologiques, peuvent également influer sur cette consommation. La circonstance qu'un versement, venant en déduction du prix versé, pourrait être exigé en cas d'écart de consommation positif n'est pas de nature à affecter les considérations qui précèdent. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à faire valoir que les versements en cause ne sont pas en lien direct avec une prestation individualisable.

5. La société requérante soutient en second lieu que les sommes perçues au titre de l'intéressement ne peuvent pas être regardées comme constituant la contre-valeur effective de services qu'elle fournit dans le cadre de ce marché eu égard au caractère incertain tant de leur existence que de leurs montants au moment de la conclusion du contrat. Toutefois, il résulte de l'instruction que les compléments de prix au titre de la clause d'intéressement constituent, pour son client, l'exécution d'une obligation contractuelle selon des modalités précises convenues entre les parties lors de la conclusion du contrat, et compte tenu desquelles, notamment, ces parties ont déterminé l'équilibre de leur relation d'affaires, qui consiste en la réalisation d'une prestation et en sa rémunération. Dans ces conditions, la circonstance que le versement de ces sommes dépende de la réalisation d'une condition relative aux économies d'énergie réalisées, ne saurait les priver d'un lien direct avec les prestations rendues.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société S3M est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société S3M et au ministre chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France et à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vidal, présidente de chambre,

- Mme Bories, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 décembre 2024.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLa présidente,

S. VIDAL

La greffière,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au ministre chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 23PA02377 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02377
Date de la décision : 11/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : TOURROU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-11;23pa02377 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award