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10/12/2024 | FRANCE | N°24PA01054

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 10 décembre 2024, 24PA01054


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Mirane a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler la décision du 7 septembre 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine alors p

révue à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Mirane a demandé au tribunal administratif de Melun, à titre principal, d'annuler la décision du 7 septembre 2022 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine alors prévue à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 108 045 euros, et à titre subsidiaire, de minorer le montant de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire qui lui ont été appliquées à la somme de 3 860 euros et de la décharger pour le surplus.

Par un jugement n° 2210864 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 mars et 17 octobre 2024, la société Mirane, représentée en dernier lieu par Me Ibazaten, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et cette décision ;

2°) à titre subsidiaire, de minorer le montant des sommes mises à sa charge en le ramenant à la somme de 3 860 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits, dès lors qu'elle n'a jamais employé M. D..., que M. A... et M. F... ne faisaient plus partie des effectifs le jour du contrôle et que, s'agissant de Mme E..., elle a cru de bonne foi que celle-ci était de nationalité roumaine ;

-dès lors qu'elle s'est acquittée envers M. B..., des salaires et indemnités prévus par l'article L. 8252-2 du code du travail, le montant de la contribution spéciale doit être réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti ;

- c'est à tort que le directeur général de l'OFII a mis à sa charge la contribution forfaitaire spéciale pour l'emploi de M. B... en ce que celui-ci est demandeur d'asile et ne sera jamais réacheminé ;

- elle ne dispose pas de moyens techniques et de la connaissance nécessaire pour vérifier l'authenticité des documents et de séjour des personnes qu'elle engagées et sa bonne foi doit être retenue ;

- elle n'était pas responsable de l'embauche de certains salariés, dont les contrats de travail ont été transférés au titre de l'article L. 1224 du code du travail ;

- la décision est disproportionnée en ce que le directeur général de l'OFII n'a pas tenu compte de sa bonne foi et de ses difficultés financières nés du redressement dont elle a fait l'objet et de l'amende de composition pénale dont elle a dû s'acquitter.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2024, l'OFII, représenté par Me De Froment, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Mirane au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- par décision du 17 juillet 2024, l'OFII a annulé la contribution forfaitaire mise à la charge de la société Mirane pour un montant de 11 545 euros ;

- les moyens soulevés par la société Mirane ne sont pas fondés.

Par un courrier du 6 août 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions de la requête d'appel de la société Mirane tendant à l'annulation de la décision du 7 septembre 2022 du directeur général de l'OFII en tant qu'elle met à sa charge la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger dans son pays d'origine pour un montant de 11 545 euros, qui a été annulée par une décision du 17 juillet 2024 du directeur général de l'OFII, sont devenues sans objet.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion du contrôle d'un restaurant exploité par la société Mirane au Kremlin-Bicêtre le 3 mai 2022, les services de police ont constaté la présence, en action de travail, d'une ressortissante kazakhe, d'un ressortissant bangladais et d'un ressortissant turc, tous trois dépourvus de titre les autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Au cours de leur enquête, les policiers ont mis en évidence l'emploi par la société Mirane d'un second ressortissant bangladais et d'un second ressortissant turc, tous deux démunis de titre. Au vu des procès-verbaux établis lors de cette opération de contrôle et du rapport de police du 20 mai 2022 qui lui a été transmis, le directeur général de l'OFII a, par une décision du 7 septembre 2022, mis à la charge de la société Mirane la contribution spéciale alors mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 93 500 euros, et la contribution forfaitaire alors prévue à l'article L. 822-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 11 545 euros. La société Mirane relève appel du jugement du 30 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 septembre 2022, ou à la réduction et à la décharge partielle du montant des contributions.

Sur les conclusions dirigées contre la décision attaquée en tant qu'elle a mis la contribution forfaitaire à la charge de la société Mirane :

2. Par décision du 17 juillet 2024, l'OFII a annulé la contribution forfaitaire pour frais de réacheminement mise à la charge de la société Mirane. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 mai 2022 du directeur de l'OFII en tant qu'elle met cette contribution à la charge de la société Mirane, pour un montant de 11 545 euros, sont devenues sans objet.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle met à la charge de la société Mirane la contribution spéciale :

3. Aux termes de l'article 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour s'assurer que les violations de l'interdiction [d'emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier] sont passibles de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives à l'encontre de l'employeur concerné. / 2. Les sanctions infligées en cas de violation de l'interdiction visée à l'article 3 comportent : / a) des sanctions financières dont le montant augmente en fonction du nombre de ressortissants de pays tiers employés illégalement ; et / b) le paiement des frais de retour des ressortissants de pays tiers employés illégalement dans les cas où une procédure de retour est engagée. Les États membres peuvent alternativement décider de refléter au moins les coûts moyens du retour dans les sanctions financières prises conformément au point a). / 3. Les États membres peuvent prévoir une réduction des sanctions financières lorsque l'employeur est une personne physique qui emploie un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier à ses fins privées et lorsqu'il n'y a pas de conditions de travail particulièrement abusives ".

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce même code dans sa version applicable au présent litige : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 de ce même code dans sa rédaction applicable au litige : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1. (...) ".

5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 5221-8 du code du travail : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France (...) ". Selon l'article L. 5221-9 du même code : " L'embauche d'un salarié étranger titulaire de la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 422-1, L. 422-2, L. 422-4 ou L. 422-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut intervenir qu'après déclaration nominative effectuée par l'employeur auprès de l'autorité administrative. " Selon l'article R. 5221-42 du même code : " La demande de l'employeur est adressée au préfet au moins deux jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche. / Le préfet notifie sa réponse à l'employeur par courrier ou courrier électronique dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de la demande. A défaut de réponse dans ce délai, l'obligation de l'employeur de s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail est réputée accomplie. "

En ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée :

6. En premier lieu, la signataire de la décision du 7 septembre 2022, Mme G..., adjointe à la cheffe du service juridique et contentieux de l'OFII, a reçu délégation du directeur de l'OFII, par la décision n° INTV1932809S en date du 19 décembre 2019 régulièrement publiée le même jour sur le site internet de l'OFII, à l'effet de signer notamment l'ensemble des décisions relatives aux contributions spéciale et forfaitaire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui (...) infligent une sanction ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

8. En l'espèce, la décision prise le 7 septembre 2022 par le directeur de l'OFII mentionnait, notamment, les articles L. 8251-1, L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail, qui définissent le manquement et la sanction et déterminent son mode de calcul, le relevé des infractions par référence au procès-verbal établi à la suite du contrôle du 3 mai 2022 et aux investigations des services de l'URSSAF, le nombre des salariés concernés et l'indication du montant et des éléments de liquidation des sommes dues. Il en ressort que la sanction a été infligée en raison de l'emploi par la société de cinq salariés étrangers dépourvus de titre les autorisant à séjourner et à travailler en France, dont le nom est précisé dans l'annexe à la décision. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la contribution :

9. Il résulte de l'article L. 8253-1 du code du travail que la contribution qu'il prévoit a pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de cet article, qui assure en partie la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, et sauf à ce que le salarié ait justifié avoir la nationalité française, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et que, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité.

10. Il résulte de l'instruction, en particulier du procès-verbal d'infraction, que la société Mirane a employé cinq salariés de nationalité étrangère dépourvus de titre les autorisant à séjourner et à travailler en France, à savoir M. D..., M. B..., Mme E..., qui étaient présents le jour du contrôle, ainsi que M. A... et M. F.... Si la société Mirane conteste avoir fait travailler M. D..., en faisant valoir que celui-ci n'avait pas fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche, il résulte de l'instruction que les services de police ont constaté sa présence dans la cuisine du restaurant lors du contrôle du 3 mai 2019 vers 13h, que M. D... lui-même a indiqué lors de son audition qu'il était en train de faire du pain depuis 7h du matin et qu'il avait été engagé le jour-même pour faire un essai, que M. C..., le manager du restaurant, a confirmé qu'il venait d'engager cette personne à l'essai, et que Mme E... a attesté que ce salarié avait commencé à travailler la veille du contrôle. Par ailleurs, si la société Mirane indique qu'à la date du contrôle, M. A... et M. F... ne faisaient plus partie de ses effectifs, elle ne conteste pas les avoir fait travailler.

11. Il résulte également de l'instruction que M. A... était dépourvu de tout titre de séjour. S'agissant de M. B... et de M. F..., qui ont indiqué avoir présenté, lors de leur embauche, des récépissés de demande d'asile, d'une part, la date de validité de ces récépissés avait expiré, d'autre part, la société Mirane ne s'est pas assurée auprès de l'administration que les intéressés étaient titulaires d'un titre de séjour les autorisant à travailler en France et ne justifie ainsi pas avoir accompli l'ensemble des diligences obligatoires qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du même code, y compris pour ceux de ses salariés dont le contrat de travail lui aurait été transféré sur le fondement de l'article L. 1224 du code du travail, ainsi qu'elle le fait valoir s'agissant de M. B.... S'agissant enfin de Mme E... et de M. D..., qui ont présenté des cartes d'identité roumaine et italienne qui se sont révélées être d'origine frauduleuse, si la société Mirane soutient qu'elle n'avait pas les moyens de procéder à la vérification de ces cartes d'identité, il résulte de l'instruction, notamment des auditions réalisées par les services de police, que ces salariés ont, en tout état de cause, été embauchés sur le fondement de simples photocopies, sans vérification par comparaison avec des originaux. Ainsi, la société Mirane ne s'est pas assurée de ce que ces salariés disposaient de documents d'identité propres à justifier de leur nationalité roumaine et italienne et n'a pris aucune des précautions qui lui auraient permis de vérifier si ces documents pouvaient être falsifiés ou usurpés. En outre et en tout état de cause, il ressort des déclarations faites par les deux salariés aux policiers que la personne qui les a recrutés savait que ces documents étaient faux.

12. Dans ces conditions, le directeur général de l'OFII a pu légalement mettre à la charge de la société Mirane la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, sans que celle-ci puisse utilement se prévaloir de ce que quatre des cinq salariés concernés ont été déclarés lors de leur embauche auprès des services de l'URSAFF ni de sa prétendue bonne foi.

Sur les conclusions aux fins de réduction du montant de la contribution :

13. Aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ".

14. Le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société Mirane la contribution spéciale de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa version alors en vigueur au montant forfaitaire de 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti. Les dispositions précitées du code du travail n'habilitent pas le directeur général de l'OFII à moduler le taux de la contribution spéciale en dehors des cas pour lesquelles une minoration est envisagée par les textes applicables au litige. D'une part, il résulte de l'instruction que la situation de la société Mirane ne relève pas de l'hypothèse prévue par le III de l'article R. 8253-2 du code du travail, le procès-verbal d'infraction mentionnant l'emploi de cinq étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée. D'autre part, la société Mirane n'établit ni s'être acquittée des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du code du travail des cinq salariés visés par la décision en litige, ni avoir justifié de l'accomplissement de ses obligations légales auprès de l'OFII en application des dispositions de l'article R. 8252-6 du code du travail. Par suite, le directeur général de l'OFII n'a pas fait une inexacte application de l'article R. 8253-2 du code du travail en ce qui concerne le montant de la contribution spéciale appliquée à requérante.

Sur la proportionnalité de la sanction :

15. Si la société Mirane conteste la proportionnalité de la sanction prononcée à son encontre au motif qu'elle serait de bonne foi et qu'elle rencontrerait des difficultés financières consécutives au contrôle du 3 mai 2022, ces circonstances, au demeurant non étayées, ne peuvent, au regard de la nature et de la gravité des agissements qui lui sont reprochés, être regardées comme justifiant, en dépit de l'exigence de répression effective des infractions, qu'elle soit, à titre exceptionnel, déchargée des sanctions en litige.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Mirane n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du 10 mai 2022, en tant qu'elle met à sa charge la contribution spéciale, et à titre secondaire, à la réduction ou à la décharge des sommes mises à sa charge.

Sur les frais de l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société Mirane au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu de mettre à la charge de la société Mirane le versement à l'OFII d'une somme de 1 000 euros à verser à l'OFII au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 septembre 2022 du directeur de l'OFII en tant qu'elle met à la charge de la société Mirane le versement d'une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger, pour un montant de 11 545 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Mirane est rejeté.

Article 3 : La société Mirane versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Mirane et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01054


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01054
Date de la décision : 10/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : AIT CHIKHALI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-10;24pa01054 ?
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