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10/12/2024 | FRANCE | N°24PA00134

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 10 décembre 2024, 24PA00134


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler :

- l'arrêté ARR2020-175 du 9 juillet 2020, par lequel le maire de la commune de Montfermeil a rejeté sa demande d'autorisation préalable de mise en location du logement Bâtiment A rez-de-chaussée porte n° 1 situé au 15, rue Paul Bert à Montfermeil, ensemble les décisions des 14 septembre et 12 octobre 2020 rejetant les recours gracieux formés contre cet arrêté,

- l'arrê

té ARR2020-176 du 9 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Montfermeil a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler :

- l'arrêté ARR2020-175 du 9 juillet 2020, par lequel le maire de la commune de Montfermeil a rejeté sa demande d'autorisation préalable de mise en location du logement Bâtiment A rez-de-chaussée porte n° 1 situé au 15, rue Paul Bert à Montfermeil, ensemble les décisions des 14 septembre et 12 octobre 2020 rejetant les recours gracieux formés contre cet arrêté,

- l'arrêté ARR2020-176 du 9 juillet 2020 par lequel le maire de la commune de Montfermeil a rejeté sa demande d'autorisation préalable de mise en location du logement Bâtiment A 2e étage porte n° 3 situé au 15 rue Paul Bert à Montfermeil, ensemble les décisions des 14 septembre et 12 octobre 2020 rejetant les recours gracieux formés contre cet arrêté,

- l'arrêté ARR2020-177 du 9 juillet 2020, par lequel le maire de la commune de Montfermeil a rejeté sa demande d'autorisation préalable de mise en location du logement Bâtiment A sous-sol porte n° 4 situé au 15, rue Paul Bert à Montfermeil, ensemble les décisions des 14 septembre et 12 octobre 2020 rejetant les recours gracieux formés contre cet arrêté,

- l'arrêté ARR2020-178 du 9 juillet 2020, par lequel le maire de la commune de Montfermeil a rejeté sa demande d'autorisation préalable de mise en location du logement Bâtiment B 1er étage porte n° 6 situé au 15, rue Paul Bert à Montfermeil, ensemble les décisions des 14 septembre et 12 octobre 2020 rejetant les recours gracieux formés contre cet arrêté,

- l'arrêté ARR2020-179 du 9 juillet 2020, par lequel le maire de la commune de Montfermeil a rejeté sa demande d'autorisation préalable de mise en location du logement Bâtiment B rez-de-chaussée porte n° 5 situé au 15, rue Paul Bert à Montfermeil, ensemble les décisions des 14 septembre et 12 octobre 2020 rejetant les recours gracieux formés contre cet arrêté.

Par jugement n° 2012365, 2012369, 2012374, 2012376, 2012380 du 22 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé les arrêtés du 9 juillet 2020 du maire de la commune de Montfermeil refusant de délivrer à Mme A... l'autorisation de mise en location des cinq logements précités qu'elle possède au 15, rue Paul Bert à Montfermeil ainsi que toutes les décisions rejetant les recours gracieux formés à leur encontre, a enjoint au maire de la commune de Montfermeil de réexaminer les demandes d'autorisation de mise en location de ces logements dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de la commune de Montfermeil une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 janvier et 24 juin 2024, la commune de Montfermeil, représentée par Me Jacquez Dubois, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2012365, 2012369, 2012374, 2012376, 2012380 du 22 novembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter les requêtes de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont soulevé d'office le moyen tiré de ce que le maire se serait mépris sur le champ d'application des dispositions de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations ;

- les décisions attaquées qui n'étaient pas fondées seulement sur l'article L. 1331-26 du code de la santé publique mais aussi sur l'article L. 1331-22 du même code qui prohibe la mise à disposition à des fins d'habitation de certains types de locaux pouvaient légalement être fondées sur ces seules dispositions ;

- les premiers juges auraient dû se livrer à une substitution de motifs dès lors qu'elle s'est référée dans son mémoire en défense à l'article L. 635-3 du code de la construction et de l'habitation, à l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, à l'article 41 D du règlement sanitaire départemental du département de la Seine Saint Denis, au décret décence, à l'article R. 111-10 du code de la construction et de l'habitation, à l'article 28-B et 41 A et B du règlement sanitaire départemental, à l'article 2-5 du décret décence, à l'article 1 du décret 1987-149 du 6 mars 1987, à la norme NF C 15-100 auquel renvoie l'article 53 du règlement sanitaire départemental, à l'article 2 du décret décence, justifiant légalement, logement par logement, les refus opposés à Mme A... ;

- elle sollicite une substitution de motifs pour fonder les décisions attaquées, qui étaient initialement fondées sur l'article L. 1332-22 du code de la santé publique, sur des motifs complémentaires fondés sur les prescriptions du décret décence, du règlement sanitaire départemental et enfin, des dispositions règlementaires nouvelles issues du code de la santé publique ;

- les refus d'autorisation préalable de mise en location sont légalement fondés pour chacun des locaux concernés, au regard de la législation actuellement en vigueur ;

- les moyens soulevés en appel par Mme A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mars 2024, Mme A..., représentée par Me d'Ollone, demande à la cour de rejeter la requête de la commune de Montfermeil, d'ordonner à la commune de Montfermeil de lui délivrer une autorisation de mise en location pour la demande concernant l'appartement du 15 rue Paul Bert, Bâtiment A, Rez-de-chaussée porte n° 1, à Montfermeil (93) et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice admirative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Montfermeil ne sont pas fondés ;

- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'une erreur de fait ;

- elles sont contraires à la décision du Conseil constitutionnel du 20 mars 2014 et ne sont pas justifiées par un objectif de lutte contre l'habitat indigne dès lors que les logements ne portent pas atteinte à la sécurité des habitants ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifiée ;

- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;

- le règlement sanitaire départemental de la Seine-Saint-Denis ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

- et les observations de Me Jacquez Dubois, avocat de la commune de Montfermeil.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a adressé le 21 janvier 2020 à la commune de Montfermeil une demande d'autorisation préalable de mise en location pour cinq logements situés au 15, rue Paul Bert à Montfermeil, bâtiment A rez-de-chaussée porte n° 1, bâtiment A 2ème étage porte n° 3, Bâtiment A sous-sol porte n° 4, Bâtiment B 1er étage porte n° 6 et Bâtiment B rez-de-chaussée porte n° 5. Par cinq arrêtés du 9 juillet 2020, le maire de la commune de Montfermeil a refusé de lui délivrer ces autorisations. Mme A... a formé des recours gracieux contre chacun de ces arrêtés, qui ont été rejetés par des décisions des 14 septembre et 12 octobre 2020. Par jugement n° 2012365, 2012369, 2012374, 2012376, 2012380 du 22 novembre 2023, dont la commune de Montfermeil relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a annulé ces cinq arrêtés et les décisions de rejet des recours gracieux formés par Mme A....

Sur la régularité du jugement :

2. Pour annuler les décisions contestées devant lui, le tribunal a jugé qu'en se fondant sur les dispositions du code de la santé propres aux mesures destinées à faire cesser l'insalubrité d'un immeuble, alors que les autorisations préalables de mise en location d'un logement sont exclusivement régies par les articles L. 635-1 et L. 635-3 du code de la construction et de l'habitation, le maire de la commune de Montfermeil avait commis une erreur de droit. Si Mme A... soutenait dans ses écritures de première instance, d'une part, que la procédure prévue par les articles du code de la santé publique cités par les arrêtés attaqués n'avait pas été respectée et, d'autre part, que les logements qu'elle souhaitait mettre en location n'étaient pas en infraction avec les dispositions de ces articles, le moyen retenu par le tribunal n'avait pas été invoqué par l'intéressée. Ainsi, les premiers juges, en soulevant d'office un tel moyen, sans d'ailleurs avoir informé préalablement les parties de leur intention de le relever, ont entaché leur jugement sur ce point d'irrégularité. Le jugement attaqué doit donc être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour de statuer immédiatement, par voie d'évocation, sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil :

4. L'article L. 635-1 du code de la construction et de l'habitation permet à l'organe compétent en matière d'habitat de délimiter des zones soumises à autorisation préalable de mise en location, sur les territoires présentant une proportion importante d'habitat dégradé. Aux termes de l'article L. 635-3 du code de la construction et de l'habitation dans sa version en vigueur à la date des décisions en litige : " La mise en location d'un logement situé dans les zones soumises à autorisation préalable de mise en location est subordonnée à la délivrance d'une autorisation (...) par le maire de la commune. (...) le maire peut refuser ou soumettre à conditions l'autorisation préalable de mise en location lorsque le logement est susceptible de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique. La décision de rejet de la demande d'autorisation préalable de mise en location est motivée et précise la nature des travaux ou aménagements prescrits pour satisfaire aux exigences de sécurité et de salubrité précitées ".

5. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'autorité saisie d'une demande d'autorisation de mise en location et se fondant sur des considérations tenant à la sécurité des occupants potentiels d'un logement et à la salubrité publique, choisit de refuser de faire droit à cette demande plutôt que de l'accorder sous conditions il lui appartient d'énoncer les considérations de droit et de fait qui fondent ce choix et de faire apparaître, notamment, des éléments suffisants permettant de comprendre, à la seule lecture de la décision, d'une part son choix de ne pas soumettre à simples conditions l'autorisation sollicitée, et, d'autre part quels sont les travaux ou aménagements qui permettraient au pétitionnaire de voir sa demande accueillie. Ces dernières précisions apparaissent, eu égard au lien étroit qu'elles entretiennent avec le sens de la décision prise, comme une des composantes nécessaires de la motivation de la décision prise.

6. Il ressort des pièces du dossier que si les décisions refusant les autorisations sollicitées énumèrent un certain nombre de caractéristiques des logements concernés pour en déduire, sans s'en expliquer davantage, une " infraction " aux articles L. 1331-22 et L. 1331-26 du code de la santé publique, relatifs aux locaux impropres à l'habitation ou aux immeubles insalubres, aucun des cinq arrêtés attaqués ne comporte d'indications relatives aux exigences de sécurité et de salubrité de la commune et à la nature des travaux ou aménagements prescrits pour les satisfaire. Les décisions des 14 septembre et 12 octobre 2020 rejetant les recours gracieux formés contre ces arrêtés ne comportent pas davantage d'éléments. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que les cinq arrêtés attaqués sont entachés d'une insuffisance de motivation.

7. Si la commune de Montfermeil sollicite que les décisions attaquées, qui étaient initialement fondées sur l'article L. 1332-22 du code de la santé publique, soient regardées comme étant fondées sur des motifs complémentaires tenant aux prescriptions du " décret décence ", du règlement sanitaire départemental et enfin, des dispositions règlementaires nouvelles issues du code de la santé publique et demande ainsi que ces motifs soient substitués au motif figurant dans les décisions, une telle substitution ne pourrait, en tout état de cause, pas remédier à l'insuffisance de motivation des arrêtés contestés.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation des arrêtés du 9 juillet 2020 du maire de la commune de Montfermeil lui refusant l'autorisation de mise en location des cinq logements précités ainsi que, par voie de conséquence, celle de toutes les décisions rejetant les recours gracieux formés à leur encontre.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique seulement, compte tenu du moyen d'annulation retenu, qu'il soit procédé au réexamen des demandes de Mme A..., en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Montfermeil de réexaminer les demandes d'autorisation préalable de mise en location des cinq logements présentées par Mme A..., et de statuer sur ces demandes dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Montfermeil au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas non plus lieu de mettre à la charge de la commune de Montfermeil la somme demandée par Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2012365, 2012369, 2012374, 2012376, 2012380 du 22 novembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les arrêtés du 9 juillet 2020 du maire de la commune de Montfermeil refusant de délivrer à Mme A... l'autorisation de mise en location des cinq logements qu'elle possède au 15, rue Paul Bert à Montfermeil et les décisions rejetant les recours gracieux formés à leur encontre sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Montfermeil de prendre à nouveau une décision après avoir réexaminé chacune des demandes d'autorisation de mise en location de ces cinq logements, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel de Mme A... ainsi que les conclusions d'appel de la commune de Montfermeil sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montfermeil et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

Le greffier

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre du logement et de la rénovation urbaineen ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00134
Date de la décision : 10/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : D'OLLONE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-10;24pa00134 ?
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