Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'enjoindre à la Ville de Paris de faire réaliser des travaux à fin de réduire les nuisances sonores résultant du fonctionnement de l'école élémentaire de la Tour d'Auvergne et de financer les travaux d'isolation et de ventilation de leur maison ou, à titre subsidiaire, de leur verser la somme minimale de 194 626 euros correspondant à l'estimation du coût de la réalisation de ces travaux et, d'autre part, de condamner la Ville de Paris à leur verser une indemnité de 126 694 euros au titre du préjudice de perte de jouissance qu'ils estiment subir depuis le 18 janvier 2018 en raison de nuisances sonores causées par le fonctionnement de cette école, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la demande et de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 2101806 du 30 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné la Ville de Paris à verser à M. et Mme A... une indemnité de 12 000 euros en réparation de leur préjudice, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2021 et de leur capitalisation à compter du 30 janvier 2022 et lui a enjoint de réaliser tout ou partie des travaux préconisés par l'expert désigné par le tribunal, dans son rapport du 30 novembre 2015, dans un délai d'un an à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 août,19 octobre 2023, et le 1er février 2024, la Ville de Paris, représentée par Me Léron, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de Mme et M. A... présentée devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de Mme et M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'indique pas les raisons pour lesquelles il a retenu pour point de départ de l'indemnisation une date qui était contestée et n'a pas répondu au moyen de défense tiré du coût disproportionné des travaux demandés ;
- les conclusions indemnitaires présentées par Mme et M. A... devant le tribunal tendant à la réparation des troubles de voisinage étaient irrecevables en l'absence de demande indemnitaire préalable au titre de ce chef de préjudice ;
- au vu de l'ensemble des circonstances de fait à la date à laquelle le tribunal a statué, il n'est pas établi, en l'absence de nouvelles mesures sonores, que le dommage des époux A... persistait ;
- dans ces conditions, elle n'a pas commis de faute en s'abstenant de réaliser les travaux nécessaires à l'atténuation des nuisances sonores causées par l'école élémentaire ;
- le préjudice invoqué par Mme et M. A... au titre des nuisances sonores après la réalisation des travaux de construction de l'école étant lié au fonctionnement normal de l'ouvrage, il ne peut lui être reproché une abstention fautive ;
- en l'absence de faute, le tribunal ne pouvait faire droit à la demande d'injonction qui lui était présentée ;
- les conditions d'engagement de la responsabilité sans faute ne sont pas réunies en l'absence de caractère grave et spécial du préjudice que subiraient les époux A... ;
- le coût des travaux à réaliser pour atténuer les nuisances sonores est disproportionné au regard du préjudice subi par les époux A..., alors que les nuisances sonores sont intermittentes et que les travaux ne permettraient pas, en tout état de cause, de supprimer l'ensemble de ces nuisances ;
- la période pour laquelle l'indemnité a été allouée a déjà donné lieu à une indemnisation par le jugement du 18 janvier 2018 ;
- le montant de l'indemnité à laquelle elle a été condamnée par le tribunal est disproportionné au regard des nuisances sonores causées par le fonctionnement de l'école élémentaire ;
- les conclusions tendant à la condamnation d'une partie au versement d'une amende pour recours abusif sont irrecevables ; en tout état de cause, son recours n'est pas abusif, ni dilatoire.
Par des mémoires en défense enregistrés les 4 janvier et 15 mars 2024, Mme et M. A..., représentés par Me Deffairi, concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que la cour prononce une astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter du 1er juillet 2024, en cas d'inachèvement par la Ville de Paris des travaux réduisant les nuisances sonores préconisés par l'expert dans son rapport du 30 novembre 2015 ;
3°) à ce que la cour constate le caractère abusif de la requête de la Ville de Paris et en tire les conséquences au regard de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;
4°) à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'appel de la Ville de Paris est dilatoire et abusive ;
- le jugement est suffisamment motivé ; les premiers juges ont notamment précisé le coût et la nature des travaux destinés à atténuer les nuisances sonores causées par l'école élémentaire ;
- leurs conclusions indemnitaires sont recevables ;
- les circonstances de fait sont les mêmes à la date à laquelle le tribunal a statué que lors de l'expertise dès lors qu'une baisse momentanée des effectifs de l'école n'a pas d'effet significatif sur le niveau sonore des cris des élèves en récréation, que le nombre d'élèves accueillis en périodes hors-scolaires n'a fait qu'augmenter, que la suppression des arbres dans la cour a augmenté la propagation du bruit et que les travaux d'isolation acoustique qu'ils ont effectués dans leur maison n'ont pas supprimé l'essentiel des nuisances sonores ;
- la Ville de Paris, qui ne conteste pas la violation du permis de construire lors de la construction du mur séparatif, ne démontre pas la nécessité de procéder à une étude de structure et à une étude géotechnique, dont le coût avoisinerait les 50 000 euros ; le dommage résulte bien de l'exécution défectueuse des travaux et d'un défaut de l'ouvrage ;
- l'abstention de la Ville de Paris à réaliser les travaux préconisés par l'expert est fautive ;
- la Ville de Paris n'établit pas le coût supplémentaire des travaux par rapport à celui de 2015 ; en tout état de cause, l'augmentation du coût résulterait de la seule abstention fautive de la Ville de Paris ;
- la Ville de Paris n'établit pas que le coût des travaux serait manifestement disproportionné par rapport à leur préjudice et aucun motif d'intérêt général lié au coût des travaux n'est de nature à justifier que la Ville de Paris s'abstienne de prendre les mesures nécessaires afin d'atténuer les nuisances sonores ;
- les nuisances sonores persistent ; l'indemnité accordée par le jugement du 18 janvier 2018, devenu définitif, ne portait que sur la période constituée à la date de celui-ci.
L'affaire a été appelée à une première audience le 23 mai 2024.
Une lettre présentée par M. A... a été enregistrée le 30 mai 2024.
Par un mémoire enregistré le 17 juin 2024, la Ville de Paris persiste dans ses conclusions et dans ses moyens.
Elle soutient en outre que :
- pour le bien-être des élèves, la hauteur des murs entourant la cour ne dépasse pas trois mètres ;
- aucun préjudice ne peut être retenu au titre des nuisances sonores causées lors des activités périscolaires pendant les vacances scolaires dès lors qu'aucune mesure du bruit n'a été effectuée pendant ces périodes ; en tout état de cause, le centre de loisirs est fermé pendant les vacances scolaires d'automne et de printemps ;
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2024, Mme et M. A..., représentés par Me Deffairi, persistent dans leurs conclusions et dans leurs moyens.
Ils soutiennent en outre que :
- l'inaction de la Ville de Paris pour faire cesser les dommages, après sa condamnation en application de la jurisprudence Monte-Carlo Hill, constitue une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- l'école a été édifiée sur une parcelle de 600 m² alors que la surface de la cour de récréation aurait dû être de 700 m² selon les recommandations du ministère chargé de l'éducation nationale formulées en 1989.
Par un mémoire récapitulatif, produit à la demande de la juridiction sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 8 septembre 2024, la Ville de Paris persiste dans ses conclusions et porte le montant sollicité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à 4 000 euros.
Elle soutient en outre que :
- en l'absence d'un défaut ou d'un fonctionnement anormal de l'ouvrage public, sa responsabilité pour faute ne peut être engagée ;
- l'installation de panneaux absorbant le bruit nécessite, pour l'un des murs concernés, l'accord de la copropriété Charles Godon ; il est probable que les fondations du mur de séparation ne puissent pas supporter le poids d'un ouvrage de deux mètres de haut.
Par un mémoire récapitulatif, produit à la demande de la juridiction sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 27 septembre 2024, Mme et M. A... persistent dans leurs conclusions, demandent en outre à la cour d'enjoindre à la Ville de Paris de faire procéder à la pose de panneaux absorbant le bruit, seulement dans la partie de la cour de récréation située derrière le mur séparant leur propriété de celle de l'école de la rue de La Tour-d'Auvergne, travaux dont le coût s'élève à 26 556 euros selon le devis de la société Décibel-France et portent le montant sollicité au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à 5 000 euros.
Ils soutiennent en outre que :
- l'ouvrage public a été mal conçu en interdisant aux concepteurs de prévoir les aménagements nécessaires afin de limiter la réverbération du bruit à l'intérieur de la cour de récréation ; la cour de récréation n'a pas la moitié de la surface recommandée par le ministère de l'éducation nationale et offre moins de 2 mètres carrés par élève ;
- la pose de panneaux transparents pour rehausser le mur ne privera pas la cour d'ensoleillement ; la pose de panneaux absorbant le bruit posés sur les murs permettra de réduire le niveau sonore dans la cour ;
- la pose de panneaux absorbant le bruit peut être effectuée sur le seul mur séparant leur propriété de celle de l'école de la rue de La Tour-d'Auvergne, conformément au jugement du 30 juin 2023 ; le syndic de la copropriété de l'immeuble 5, cité Charles -Godonne ne s'opposera pas à la pose de ces panneaux sur le mur qui le concerne, sous réserve qu'il n'y ait pas de risque d'infiltration et d'humidité ;
- le coût de la pose de panneaux absorbant le bruit s'élève à 26 556 euros selon le devis de la société Décibel-France ; le coût de la pose de paroi vitrée s'élève à 13 185 euros selon le devis de l'entreprise Franéo.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me Léron, représentant la Ville de Paris,
- et les observations de Me Deffairi, représentant Mme et M. A... .
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est propriétaire depuis le 4 mars 1960 d'une maison de deux étages avec jardin située dans le 9ème arrondissement de Paris dont M. A..., son mari depuis 1956, est également propriétaire depuis le 7 novembre 2019. Entre septembre 2006 et février 2009, d'importants travaux ont été entrepris à proximité immédiate de leur propriété pour la construction d'une école élémentaire. Cette école, comprenant six classes, a ouvert en septembre 2010. Par un jugement n° 1619664 du 18 janvier 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a condamné la Ville de Paris à verser à Mme et M. A... la somme de 20 000 euros en réparation des troubles de jouissance qu'ils ont subis du fait, d'une part, des travaux de démolition des bâtiments attenants à leur propriété et des travaux de construction de l'école élémentaire et, d'autre part, des nuisances sonores lors des récréations dans la cour de l'école mitoyenne de leur propriété. Par un courrier du 27 octobre 2020, reçu le 30 octobre 2020, Mme et M. A... ont notamment demandé à la Ville de Paris de procéder aux travaux préconisés par l'expert désigné par le tribunal administratif dans son rapport du 30 novembre 2015 pour atténuer les nuisances sonores causées par le fonctionnement de l'école élémentaire et de prendre à sa charge le paiement des travaux d'isolation acoustique et de ventilation de leur maison. Leur demande a été implicitement rejetée. Par un jugement n° 2101806 du 30 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a condamné la Ville de Paris à verser à Mme et M. A... la somme de 12 000 euros en réparation des troubles de jouissance liés au fonctionnement de l'école élémentaire et lui a enjoint de réaliser tout ou partie des travaux préconisés par l'expert dans son rapport du 30 novembre 2015 dans un délai d'un an à compter de la notification du jugement. La Ville de Paris relève appel de ce jugement. Mme et M. A... demandent à la cour de prononcer une astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter du 1er juillet 2024, en cas d'inachèvement par la Ville de Paris des travaux réduisant les nuisances sonores préconisés par l'expert judiciaire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort du point 2 du jugement attaqué que pour écarter l'exception de chose jugée par le tribunal administratif de Paris le 18 janvier 2018, moyen de défense opposé par la Ville de Paris aux conclusions indemnitaires présentées par Mme et M. A..., les premiers juges ont rappelé que par le jugement du 18 janvier 2018, devenu définitif après le rejet de la requête de Mme et M. A... par l'arrêt du 26 mars 2019 de la cour et la non-admission de leur pourvoi en cassation contre cet arrêt par la décision du Conseil d'Etat du 25 mars 2020, le tribunal a condamné la Ville de Paris à verser à Mme et M. A... la somme de 20 000 euros au titre des troubles de jouissance subis, d'une part, du fait de la démolition des anciens bâtiments existants et de la construction de l'école et, d'autre part, à raison du fonctionnement de celle-ci, et ont estimé, au motif que ce jugement ne mentionnait pas de demande d'indemnisation au titre d'une période particulière, qu'il avait été ainsi statué sur les seuls préjudices antérieurs à la date à laquelle il avait été rendu et que, dans ces conditions, l'autorité de la chose jugée ne s'opposait pas à ce qu'il soit statué sur les préjudices invoqués par Mme et M. A... postérieurs au 18 janvier 2018. Il s'ensuit que les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse quant à la possibilité pour Mme et M. A... d'obtenir réparation des préjudices qu'ils ont subis postérieurement au 18 janvier 2018, la pertinence de ces motifs étant sans incidence sur leur caractère suffisant.
4. En revanche, dans l'hypothèse où un dommage trouve son origine dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public et où sa persistance procède de l'exécution défectueuse des travaux ou d'un défaut ou d'un fonctionnement anormal de l'ouvrage, il appartient au juge, pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. Il ressort du point 4 du jugement retenant que l'abstention de la Ville de Paris de faire réaliser les travaux nécessaires à l'atténuation des nuisances sonores était fautive et du point 11 faisant droit aux conclusions de Mme et M. A... tendant à ce qu'il soit enjoint à la Ville de Paris de faire procéder, en totalité ou en partie, aux travaux préconisés par l'expert judiciaire à fin de réduire ces nuisances sonores que, alors qu'ils étaient saisis d'une argumentation tenant au coût prohibitif des travaux, les premiers juges n'ont pas précisé les motifs pour lesquels ils ont considéré que le coût de ces travaux, au demeurant non mentionné, n'était pas disproportionné au regard des préjudices subis par Mme et M. A.... Il s'ensuit que le jugement, en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme et M. A... tendant à ce que le tribunal enjoigne à la Ville de Paris notamment de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire à fin de réduire les nuisances sonores causées par les cris des élèves dans la cour de récréation de l'école élémentaire, est insuffisamment motivé. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la seconde branche du moyen tiré de l'insuffisante motivation du point 11 du jugement quant à la nature des travaux à réaliser, la Ville de Paris est fondée à soutenir que le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et qu'il doit être annulé dans cette mesure.
5. Il y a ainsi lieu, pour la cour, de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme et M. A... devant le tribunal administratif de Paris et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur le reste du litige.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires présentées par Mme et M. A... devant le tribunal :
6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ".
7. Il ressort de la lecture du courrier du 27 octobre 2020, dont l'objet mentionné est " demande indemnitaire préalable ", et qui tendait notamment au remboursement des travaux d'isolation et de ventilation effectués dans la maison de Mme et M. A... , que leur avocat a indiqué avoir été mandaté par ses clients pour solliciter de la collectivité publique la réparation des préjudices qu'ils subissent en raison " des dommages permanents causés par l'école " et a mentionné, dans la suite de son courrier, " les troubles de voisinage causés par l'exploitation de l'ouvrage public (...) subis par les époux A... de façon permanente ", malgré le jugement du tribunal administratif de Paris du 18 janvier 2018. Ce courrier doit ainsi être regardé comme une demande indemnitaire tendant à la réparation des troubles subis par Mme et M. A... dans la jouissance de leur propriété du fait du fonctionnement de l'école élémentaire voisine. Par ailleurs, Mme et M. A... pouvaient se borner à demander à la Ville de Paris réparation des préjudices qu'ils estimaient avoir subis et ne chiffrer leurs prétentions que devant le tribunal administratif de Paris. Il ressort du mémoire récapitulatif des intéressés produit devant le tribunal qu'ils ont sollicité la condamnation de la Ville de Paris à leur verser une indemnité de 126 694 euros au titre du préjudice de perte de jouissance subi depuis le 18 janvier 2018 en raison de nuisances sonores provenant de l'école élémentaire mitoyenne de leur propriété. Par suite, la Ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que les conclusions indemnitaires de Mme et M. A... seraient irrecevables en l'absence de demande indemnitaire préalable de nature à lier le contentieux.
Sur l'exception de chose jugée opposée par la Ville de Paris :
8. L'autorité relative de la chose jugée ne peut être utilement invoquée en l'absence d'identité d'objet, de cause et de parties.
9. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a déjà été dit, que par un jugement n° 1619664 du 18 janvier 2018, le tribunal administratif de Paris a condamné la Ville de Paris à verser à M. et Mme A... la somme de 20 000 euros en réparation des troubles de jouissance subis, d'une part, du fait de la démolition des anciens bâtiments existants et de la construction de l'école et, d'autre part, à raison du fonctionnement de celle-ci. Par un arrêt n° 18PA00853 du 26 mars 2019, la cour a rejeté la requête de M. et Mme A... tendant à la réformation de ce jugement. Alors, au surplus, que par une décision n° 431089 du 25 mars 2020, le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi de M. et Mme A..., le jugement du 18 janvier 2018 est devenu définitif. S'il a été ainsi jugé que la responsabilité de la Ville de Paris était engagée à l'égard de Mme et M. A... en raison du préjudice anormal et spécial qu'ils subissaient du fait du fonctionnement de l'école élémentaire mitoyenne de leur propriété, l'autorité relative de la chose jugée par le tribunal administratif de Paris, dans son jugement du 18 janvier 2018 confirmé par l'arrêt de la cour du 26 mars 2019, ne faisait pas obstacle, en l'absence d'identité d'objet, à ce que Mme et M. A... présentent une nouvelle demande d'indemnisation fondée sur la même cause juridique et sollicitant la réparation du même chef de préjudice mais pour une période postérieure à celle ayant déjà donné lieu à indemnisation, ni même, contrairement à ce que soutient la Ville de Paris, à ce qu'ils assortissent cette demande de conclusions à fin d'injonction tendant à ce que la Ville de Paris prenne les mesures de nature à mettre fin au dommage.
10. Il ressort de la lecture du jugement du 18 janvier 2018 et de l'arrêt du 26 mars 2019 que la période retenue par les juges pour évaluer le préjudice au titre des troubles de jouissance de Mme et M. A... du fait du fonctionnement de l'école élémentaire n'est pas précisément mentionnée. Il ressort de leur requête que Mme et M. A... ont demandé à la cour de réformer le jugement du 18 janvier 2018 en ce qu'il n'avait pas entièrement fait droit à leurs prétentions indemnitaires et de condamner la Ville de Paris à leur verser 296 932 euros au titre des troubles de jouissance pour la période comprise entre le 2 janvier 2007 et la date d'enregistrement de la requête, en précisant que ce montant était à parfaire au jour de la décision à intervenir. Dans ces conditions, en jugeant que les premiers juges avaient fait une juste appréciation du préjudice au titre des troubles de jouissance des époux A... en l'évaluant à 16 000 euros, la cour a implicitement mais nécessairement jugé que l'indemnité allouée couvrait la période courant jusqu'à la date de lecture de son arrêt, soit le 26 mars 2019. La période indemnisée ne saurait en revanche être regardée comme ayant couru jusqu'à la date de la décision de non -admission du pourvoi en cassation de Mme et M. A..., le Conseil d'Etat ne s'étant pas prononcé sur le préjudice des intéressés. Par suite, l'autorité de la chose jugée par la cour le 26 mars 2019 fait obstacle à ce que les troubles de jouissance subis par Mme et M. A... soient à nouveau indemnisés pour la période du 18 janvier 2018 au 26 mars 2019.
Sur la responsabilité de la Ville de Paris :
11. Une école élémentaire constitue un ouvrage public dont la présence est susceptible d'engager envers les tiers la responsabilité de la personne publique qui en a la garde, même en l'absence de faute. Il appartient toutefois aux tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et ces préjudices. Ne sont pas susceptibles d'ouvrir droit à indemnités les préjudices qui n'excèdent pas les sujétions susceptibles d'être normalement imposées, dans l'intérêt général, aux riverains des ouvrages publics.
En ce qui concerne la réalité des troubles de jouissance subis par Mme et M. A... depuis le 26 mars 2019 :
12. Il ressort du rapport d'expertise du 30 novembre 2015 que l'école élémentaire borde la propriété de Mme et M. A... sur deux côtés et comprend deux cours de récréation dont une en fond de parcelle, qui longe la propriété des époux A.... Cette cour, peu large, est entourée de murs dont une façade d'un immeuble de plusieurs étages. L'expert s'est rendu dans la propriété de Mme et M. A... pour effectuer des mesures sonores le 20 janvier 2014 et le 16 juin 2015. Le 20 janvier 2014, les mesures sonores ont eu lieu au deuxième étage de la maison, dans le bureau avec les fenêtres fermées, entre 15 heures 16 et 16 heures 46, cette plage horaire comprenant deux récréations, de 15 heures 43 à 15 heures 51 et de 16 heures 31 à 16 heures 46. Ces mesures ont mis en évidence que lors des récréations, l'émergence que produisait l'apparition du bruit particulier par rapport au niveau de bruit résiduel hors perturbation dépassait + 20 dB dans le bureau. Le 16 juin 2015, les mesures sonores ont été relevées au premier étage de la maison, dans la chambre d'angle avec les fenêtres ouvertes, ainsi que dans le jardin, à deux mètres en avant de la façade, entre 11 heures 45 et 14 heures, cette plage horaire donnant lieu notamment à deux échantillons pendant les récréations de 11 heures 45 à 12 heures 10 et de 12 heures 10 à 13 heures 30, c'est-à-dire pendant la période périscolaire. Il résulte de ces dernières mesures que les récréations engendraient, en niveau moyen, des bruits de forte émergence dans la propriété des époux A... et, en niveau instantané, des bruits " d'émergence considérable " atteignant + 50 dB dans les fréquences aiguës. En outre, les niveaux moyens constatés lors de la période de récréation de 12 heures 10 à 13 heures 30, soit pendant plus d'une heure, constituent les niveaux les plus élevés atteignant en valeur moyenne 66 dB dans la chambre et 62 dB dans le jardin ainsi que 83 dB en pointe dans la chambre. L'expert précise qu'à partir de 55 dB (A), le bruit détourne l'attention et perturbe l'intelligibilité de la parole et à partir de 60 dB (A), le bruit atteignant celui de la conversation, l'échange de la parole est difficile. Au vu de ces éléments, l'expert a souligné que dans la propriété de Mme et M. A..., pendant la récréation de la pause méridienne, le niveau sonore rendait la conversation difficile. Il s'ensuit que Mme et M. A... sont soumis, dans la chambre, fenêtres ouvertes, et dans leur jardin, à un niveau sonore particulièrement élevé lors des récréations, notamment celles ayant lieu pendant la pause méridienne.
13. La Ville de Paris soutient que les données retenues par l'expert sont obsolètes du fait de changement de circonstances de fait depuis 2015 et que de nouvelles mesures sonores doivent être effectuées. Il résulte de l'instruction que Mme et M. A... ont effectué des travaux d'isolation des ouvertures de leur maison et de création d'une VMC qui étaient préconisés par l'expert. Ils ont également aménagé une chambre obscure pour se protéger du bruit. Toutefois, les travaux d'isolation acoustiques des fenêtres atténuent les nuisances sonores uniquement lorsque ces fenêtres sont fermées. Ces travaux sont ainsi sans effet sur le bruit en cas de fenêtres ouvertes ou lorsque Mme et M. A... sont dans leur jardin. En outre, ni le dispositif d'une VMC, qui vise à améliorer le confort des époux A... en cas de fermeture des fenêtres, ni l'aménagement d'une chambre obscure n'ont une incidence sur le niveau sonore lié au fonctionnement de l'école. Par ailleurs, si la Ville de Paris indique que l'effectif des élèves de l'école élémentaire a diminué de 11 % depuis 2010 soit une diminution de dix-sept élèves par rapport à l'effectif de 2015, il n'est pas établi que les nuisances sonores s'en sont trouvées significativement diminuées, dès lors que l'effectif total de l'école élémentaire en 2022 est de cent quarante élèves, c'est-à-dire un effectif qui reste important, notamment au vu de la surface de la cour de récréation qui longe la propriété des époux A.... Enfin, si elle invoque que les différentes constructions dans le quartier peuvent avoir des incidences sur le bruit causé par les élèves lors des récréations, elle n'apporte aucune précision sur ce point, ni aucun commencement d'élément justificatif. Il résulte de l'instruction que depuis 2015, elle n'a pris aucune mesure, ni réalisé aucun aménagement de nature à atténuer le bruit résultant des cris des élèves lors des récréations. Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'il y a seulement lieu d'écarter les mesures sonores effectuées par l'expert dans le bureau avec les fenêtres fermées le 20 janvier 2014.
14. Il résulte de l'instruction que Mme et M. A..., nés respectivement en 1932 et 1930, résident dans leur maison depuis 1960, laquelle constitue leur résidence principale, et que l'école élémentaire de la Tour d'Auvergne, dont la construction s'est achevée en 2010, accueille depuis septembre 2010 six classes, soit ainsi qu'il a déjà été dit un effectif total d'au moins cent quarante élèves. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 30 novembre 2015, que la propriété de Mme et M. A... est bordée, ainsi qu'il a déjà été dit, sur deux côtés par la cour de récréation de l'école élémentaire. La partie la plus large de la cour est située le long de leur maison sur une partie correspondant à peu près aux trois-quarts de cette dernière envisagée dans sa longueur. La partie la plus étroite de la cour d'une longueur d'environ 22 mètres longe leur habitation sur toute sa largeur et leur jardin jusqu'à l'extrémité de leur parcelle, cette dernière partie du terrain étant séparée de la cour de récréation par un mur, édifié lors de la construction de l'école élémentaire, d'une longueur de 15 mètres et d'une hauteur de 3,38 mètres. Il est constant que la largeur de la cour de récréation longeant le jardin des époux A... est d'environ 8,50 mètres, ce qui correspond, pour cette partie longue de 15 mètres, à une superficie de 127,5 m². Alors même que les recommandations du ministère chargé de l'éducation nationale concernant la construction des écoles formulées en 1989, qui sont dépourvues de caractère réglementaire, ne peuvent être utilement invoquées par Mme et M. A..., il n'en demeure pas moins que la superficie de 127,5 m² de la cour, mitoyenne de la propriété des époux A..., abrite les récréations des 140 élèves fréquentant l'école, nombre qui demeure significatif au regard de cette surface. En outre, cette cour est entourée de murs dont la hauteur est supérieure à celle du mur la séparant du jardin des époux A..., en particulier le mur des immeubles 5 et 7 Cité Charles Godon, qui fait face au mur jouxtant la parcelle des époux A..., et s'élève à 20 mètres. Eu égard à la configuration très particulière de la cour de récréation longeant la parcelle des époux A..., c'est-à-dire sa faible largeur, sa surface peu étendue et sa délimitation par les murs des immeubles riverains, notamment par un mur très haut, le maître d'ouvrage aurait dû, comme le souligne l'expert désigné par le tribunal, prévoir un minimum d'aménagements dans cette cour afin de limiter la réverbération du bruit résultant des jeux des élèves lors des récréations, c'est-à-dire faire procéder à la construction d'un mur séparant la cour de la propriété des époux A... d'une hauteur de 5 mètres, ce qui était au demeurant prévu par le permis de construire de l'école, et à la pose de panneaux absorbant la réverbération du bruit sur l'ensemble des parois verticales de la cour. Dans ces conditions, et même si les nuisances sonores les plus importantes subies par Mme et M. A... n'ont lieu que de manière intermittente entre 10 heures et 17 heures quatre jours par semaine et le mercredi matin, les inconvénients que subissent les intéressés du fait de la configuration de la cour de récréation jouxtant leur propriété et du non-respect des prévisions du permis de construire excèdent ceux que doivent normalement supporter sans indemnisation, dans l'intérêt général, les personnes résidant à proximité d'ouvrages publics. Ces nuisances sonores qui perdurent depuis le 26 mars 2019, date de mise à disposition de l'arrêt de la cour, sont de nature à ouvrir droit à indemnisation.
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice de Mme et M. A... :
15. Il résulte de l'instruction que Mme et M. A..., nés en 1932 et 1930 ainsi qu'il a déjà été dit, sont retraités et que leur maison située à côté de l'école élémentaire constitue leur résidence principale. La Ville de Paris n'a mis en place aucune des mesures préconisées par l'expert dans son rapport du 30 novembre 2015 qui aurait permis d'atténuer les nuisances sonores subies par les intéressés et, ainsi qu'il a déjà été dit, les nuisances sonores perdurent à la date du présent arrêt. Par ailleurs, l'autorité de la chose jugée par la cour le 26 mars 2019 fait obstacle, ainsi qu'il a été dit au point 10, à ce que le préjudice de Mme et M. A... soit à nouveau indemnisé pour la période du 18 janvier 2018 au 26 mars 2019. Devant la cour, Mme et M. A... n'ont pas présenté de conclusions incidentes tendant à ce que le montant de l'indemnité allouée par le tribunal soit majoré et se sont bornés à demander une confirmation de ce jugement. Il s'ensuit que la période à prendre en considération pour évaluer le préjudice des intéressés est celle comprise entre le 26 mars 2019 et la date de mise à disposition du jugement, soit le 30 juin 2023. Pendant cette période, l'école élémentaire a été fermée durant une dizaine de semaines au cours de l'année 2020 en raison des mesures sanitaires adoptées lors de la pandémie de la covid-19, interrompant ainsi les troubles de jouissance des intéressés liés au fonctionnement de l'école. S'il résulte de l'instruction que pendant la période du 15 mai au 3 juillet 2020, l'école a été ouverte aux enfants et à leurs parents les samedis de 10 heures à 19 heures dans la limite des jauges fixées par les autorités sanitaires, aucun élément au dossier ne permet d'établir le nombre d'enfants qui ont profité de l'ouverture de l'école et, par suite, la réalité des nuisances sonores subies par Mme et M. A... le samedi. Au vu de l'ensemble de ces éléments, des niveaux sonores atteints lors des récréations énoncés au point 10, et alors que la période à indemniser court seulement à partir du 26 mars 2019, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité due au titre des troubles de jouissance subis par Mme et M. A... en ramenant le montant de l'indemnité à laquelle la Ville de Paris a été condamnée de 12 000 euros à 11 000 euros.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme et M. A... :
16. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
17. En premier lieu, la Ville de Paris soutient que le préjudice de Mme et M. A... résultant du fonctionnement normal de l'ouvrage public mitoyen de leur propriété, comme l'aurait jugé le tribunal administratif de Paris dans son jugement du 18 janvier 2018, devenu définitif, et la cour dans son arrêt du 26 mars 2019, aucune faute ne peut être retenue à son encontre. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8, s'il a été ainsi jugé que la responsabilité de la Ville de Paris était engagée à l'égard de Mme et M. A... en raison du préjudice anormal et spécial qu'ils subissaient du fait du fonctionnement de l'école élémentaire en raison de la mauvaise conception de la cour de récréation mitoyenne de leur propriété, l'autorité relative de la chose jugée par le tribunal administratif de Paris, dans son jugement du 18 janvier 2018 confirmé par l'arrêt de la cour du 26 mars 2019, ne fait pas obstacle, en l'absence d'identité d'objet, à ce que Mme et M. A... présentent une nouvelle demande d'indemnisation fondée pour une période postérieure à celle ayant déjà donné lieu à indemnisation, ni même, contrairement à ce que soutient la Ville de Paris, qu'ils assortissent cette demande de conclusions à fin d'injonction tendant à ce que la Ville de Paris prenne les mesures de nature à mettre fin au dommage. De telles conclusions à fin d'injonction n'ont pas pour objet d'engager la responsabilité pour faute de la Ville de Paris du fait du fonctionnement de l'école élémentaire mais d'obtenir du juge, si elle a commis une faute en s'abstenant de prendre les mesures préconisées par l'expert de nature à atténuer les effets des nuisances sonores causées par la mauvaise conception de la cour de l'école élémentaire, qu'il lui soit enjoint, le cas échéant, de prendre ces mesures.
18. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a déjà été dit au point 12, que Mme et M. A... ne subissent plus de nuisances sonores à l'intérieur de leur habitation lorsque les fenêtres sont fermées du fait des travaux d'isolation acoustiques des ouvertures qu'ils ont réalisés mais qu'en revanche, les nuisances sonores qu'ils subissent à l'intérieur de leur habitation quand les fenêtres sont ouvertes ou dans leur jardin doivent être regardées comme sensiblement analogues à celles relevées lors des opérations d'expertise de juin 2015. Dans ces conditions, en l'absence de circonstances de fait ayant eu une incidence significative sur le niveau sonore lors des récréations ou des pauses méridiennes depuis 2015, le dommage subi par Mme et M. A... perdure à la date du présent arrêt. Si la persistance de ce dommage trouve pour partie son origine dans l'existence même de l'ouvrage, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 14, que le permis de construire de l'école élémentaire prévoyait un mur d'une hauteur de 5 mètres, et que ces prescriptions n'ont pas été respectées lors de l'exécution des travaux. L'expert désigné par le tribunal a préconisé, pour remédier au dommage, la réalisation de travaux consistant en un rehaussement du mur mitoyen à cinq mètres par un écran verrier équipé de verre Stadip sur une longueur de quatorze mètres. Dans ces conditions, la persistance du dommage doit être regardée comme trouvant pour partie, et dans cette mesure, son origine dans l'exécution non conforme des travaux.
19. Il ressort du rapport d'expertise que l'expert a chiffré le rehaussement du mur, selon les modalités qu'il préconisait, à la somme de 36 000 euros. M. et Mme A... se prévalent pour leur part d'un devis établi par l'entreprise Franéo le 7 juin 2024 mentionnant un montant de 13 185 euros pour la pose d'un pare bruit transparent en polycarbonate de 16 mn d'épaisseur. Il n'apparaît pas, par ailleurs, que les droits des tiers fassent obstacle au rehaussement du mur par la pose d'un écran transparent tel que préconisé par l'expert. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et alors que le coût des mesures à prendre n'apparaît pas manifestement disproportionné par rapport au préjudice subi, la Ville de Paris a commis une faute en s'abstenant de réaliser, sur ce point, les travaux propres à remédier aux nuisances sonores subies par M. et Mme A.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la Ville de Paris de prendre les mesures de nature à pallier les effets de la hauteur insuffisante du mur séparant le jardin de Mme et M. A... et la cour de récréation, selon les modalités préconisées par l'expert ou toutes modalités permettant d'obtenir un résultat équivalent, et ce, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
20. Par ailleurs, en l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution. Si l'expert a, au-delà du rehaussement du mur mitoyen, également préconisé la pose de panneaux absorbant la réverbération du bruit sur l'ensemble des parois verticales opaques dans la hauteur de l'édicule présent dans la deuxième cour, ces travaux auraient vocation à remédier à la persistance de nuisances dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles trouvent leur origine dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage, de sorte que l'abstention de la Ville de Paris sur ce point n'apparaît pas fautive. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que, conjugués au rehaussement du mur, ces travaux permettraient une réduction significative de l'exposition sonore de la propriété des époux A... mais également une amélioration de la situation des élèves soumis à une situation d'inconfort voire, selon l'expert, un danger auditif du fait de la réverbération du bruit. Si la Ville de Paris invoque les droits de la copropriété Charles Godon, propriétaire du mur haut de 20 mètres donnant sur la cour, il ressort d'un courriel du syndic de la copropriété de l'immeuble 5, cité Charles Godon, dont le contenu est repris dans les écritures des époux A... qu'après consultation, le conseil syndical ne s'opposerait pas à la pose de panneaux absorbants sur le mur lui appartenant, sous réserve qu'il n'y ait pas de risque d'infiltration ou d'humidité entre les panneaux et le mur, de sorte qu'il n'apparaît pas établi que des droits des tiers feraient nécessairement obstacle à la pose de tels panneaux. Il ressort du rapport d'expertise que l'expert a chiffré la pose de panneaux en fibre de roche de 50 mn d'épaisseur protégé par des panneaux ajourés en tôle perforé ou un lattage en bois à 126 000 en prenant en compte la pose de panneaux sur les deux parties de la cour. Mme et M. A..., qui ont proposé au cours de l'audience du 23 mai 2024 de s'acquitter du coût de ces travaux, ont produit un devis établi le 18 juin 2024 par la société Décibel-France concernant la pose de panneaux en laine de roche 50 mn d'épaisseur sur la seule cour de récréation longeant leur jardin pour un montant de 26 556 euros. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et notamment de l'intérêt général qui s'attache, au-delà de la tranquillité des époux A..., au confort acoustique des usagers de l'école, et alors même que l'abstention de la Ville de Paris n'apparaît pas, sur ce point, fautive, il y a lieu de décider que cette dernière aura le choix entre le versement de l'indemnité fixée au point 15 et la réalisation, dans un délai de six mois, des mesures tenant à la pose de panneaux limitant la réverbération du bruit, préconisées sur ce point par l'expert.
Sur les conclusions de Mme et M. A... tendant au prononcé d'une astreinte :
21. Eu égard au délai imparti au point précédent à la Ville de Paris pour faire réaliser les travaux consistant dans le rehaussement du mur, il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel.
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme et M. A..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la Ville de Paris au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
Sur les conclusions de Mme et M. A... relatives à l'amende pour recours abusif :
24. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de Mme et M. A... tendant à ce que la Ville de Paris soit condamnée à une telle amende ne sont pas recevables.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2101806 du 30 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la Ville de Paris de prendre les mesures de nature à remédier aux conséquences de la hauteur insuffisante du mur séparant le jardin de Mme et M. A... et la cour de récréation de l'école élémentaire de la Tour d'Auvergne, selon les modalités tenant à la pose d'un écran verrier tel que préconisée par l'expert ou selon toutes modalités permettant d'obtenir un résultat équivalent, et ce, dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt.
Article 3 : La somme de 12 000 euros que la Ville de Paris a été condamnée à verser à Mme et M. A... est ramenée à la somme de 11 000 euros, si mieux n'aime la Ville de Paris procéder, dans un délai de six mois, à la pose de panneaux limitant la réverbération du bruit, telles que préconisées par l'expert ou à toute mesure ayant un effet équivalent sur les nuisances constatées.
Article 4 : Le surplus du jugement n° 2101806 du 30 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : La Ville de Paris versera à Mme et M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris, Mme B... A... et à M. C... A....
Copie en sera adressée au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
La rapporteure,
V. Larsonnier La présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03885 2