Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2314888 du 10 juin 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 24PA03002, les 8 juillet et
10 octobre 2024, M. C..., représenté par Me Baisecourt, demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;
3°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
4°) d'enjoindre à l'autorité compétente de lui délivrer un titre de séjour en qualité de travailleur temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer immédiatement un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Baisecourt sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ou à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'il n'était pas admis à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne vise pas l'arrêté de délégation de signature ;
- c'est à tort que le préfet de la Seine-Saint-Denis a estimé qu'il constituait une menace à l'ordre public ;
- la décision de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2024, le préfet de la
Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La caducité de la demande d'aide juridictionnelle formée par M. C... a été constatée le 10 octobre 2024.
II. Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 24PA03005, les 8 juillet et
10 octobre 2024, M. C..., représenté par Me Baisecourt, demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Baisecourt sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ou à lui verser sur le fondement de l'article sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'il n'était pas admis à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué est de nature à avoir des conséquences difficilement réparables ;
- il ne constitue pas une menace à l'ordre public ;
- il remplit les conditions pour se voir admettre au séjour en qualité de travailleur temporaire.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2024, le préfet de la
Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La caducité de la demande d'aide juridictionnelle formée par M. C... a été constatée le 10 octobre 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-malienne du 26 septembre 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- et les observations de Me Baisecourt, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 24PA03002 et n° 24PA03005 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. A... C..., ressortissant malien né le 29 octobre 2000, est entré irrégulièrement en France le 23 janvier 2017 selon ses déclarations. Il a bénéficié, à titre dérogatoire, d'un titre de séjour en qualité d'étudiant à compter du 31 octobre 2018 puis de " travailleur temporaire ". Il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour le 25 août 2022. Par un arrêté du 15 novembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. En l'espèce, par un arrêté n° 2023-2662 du
11 septembre 2023, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à Mme B... D..., sous-préfète du Raincy, à l'effet notamment de signer tous actes, arrêtés, correspondances et décisions en toutes matières se rapportant à l'administration de l'arrondissement. Par un arrêté n° 2023-2695 pris et publié le 11 septembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a octroyé cette même délégation, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme D..., à M. Mame Abdoulaye Seck, secrétaire général de la sous-préfecture de Raincy, lui permettant ainsi de signer les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait.
4. En deuxième lieu, la circonstance que la décision de refus de titre de séjour contestée ne vise pas la délégation de signature de son signataire est sans incidence sur le caractère suffisant de sa motivation.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
6. Il ressort de la décision contestée que pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur la menace à l'ordre public que constituerait sa présence sur le territoire français. Si cette décision mentionne que l'intéressé a été entendu dans le cadre d'une procédure initiée à son encontre le 8 janvier 2022 pour usage illicite de stupéfiants, ces faits sont contestés par le requérant et le préfet n'a apporté aucun élément de nature à corroborer cette mention, malgré la demande qui lui en a été faite. Si
M. C... a en outre été condamné le 18 février 2021 à 700 euros d'amende pour des faits de violence sur un mineur de quinze ans suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours et vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail n'excédant pas huit jours, il ressort des pièces du dossier que ces faits ont été commis le même jour, le 24 juin 2020, à l'occasion d'un vol alimentaire, qu'ils présentent un caractère isolé, qu'ils dataient de plus de trois ans à la date de l'arrêté contesté et qu'ils ont donné lieu à une peine relativement légère. Dans ces conditions, ces faits ne permettent pas, à eux seuls, de caractériser que M. C... présentait une menace pour l'ordre public à la date de l'arrêté contesté.
7. Il ressort toutefois des termes de cet arrêté que pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est également fondé sur la circonstance que l'intéressé ne justifiait pas d'une insertion professionnelle en France d'une intensité et d'une qualité telles qu'il puisse prétendre à son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail. Il ressort à cet égard des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, M. C... avait effectué depuis l'année 2020 plusieurs missions dans le cadre de missions d'intérim, en tant qu'aide plombier ou de manutentionnaire. Les emplois qu'il a occupés, à temps partiel, ne sont pas de nature à révéler une insertion professionnelle particulière et stable, et sont au demeurant dépourvus de lien avec le CAP d'électricien qu'il a obtenu le 5 juillet 2019. Par ailleurs, si
M. C... peut se prévaloir d'une ancienneté de séjour en France de près de sept années, il n'établit pas ni même n'allègue y avoir des attaches d'une particulière intensité et ne justifie pas d'une insertion particulière. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de l'admettre au séjour. Il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce motif.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Pour les motifs exposés au point 7, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. C... en refusant de l'admettre au séjour.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation de quitter le territoire français qui accompagne un refus de titre de séjour n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de
celui-ci. La décision de refus de séjour étant suffisamment motivée, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'un défaut de motivation doit être écarté.
11. En deuxième lieu, les moyens dirigés contre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas fondés, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
12. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs exposés au point 7.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire de trente jours :
13. Les moyens dirigés contre la décision d'obligation de quitter le territoire français n'étant pas fondés, le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du
10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.
Sur la requête n° 24PA03005 :
15. La Cour rejetant, par le présent arrêt, la demande d'annulation de l'arrêté du
15 novembre 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis, dont M. C... demande le sursis à exécution, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24PA03005.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur la requête n° 24PA03005.
Article 2 : La requête n° 24PA03002 de M. C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
Mme Bruston, présidente-assesseure,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03002-24PA03005