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06/12/2024 | FRANCE | N°23PA03713

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 06 décembre 2024, 23PA03713


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2111112 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2111112 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 août et 2 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Sangare, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2021 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Sangare sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son avocat renonce au bénéficie de la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation ;

- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

4 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- et les observations de Me Sangare, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 15 mai 1970, est entré irrégulièrement en France le 4 février 2017 selon ses déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 3 novembre 2021, le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de séjour :

2. En premier lieu, en l'absence de texte en disposant autrement, il est loisible à un étranger de demander simultanément ou successivement des titres de séjour relevant de différentes catégories, dont le mode de dépôt de demande diffère. Aucun principe n'impose, en l'absence de texte, à l'étranger de présenter une demande unique, ni au préfet de statuer par une seule décision sur des demandes de titre déposées simultanément ou successivement par un même demandeur. Par ailleurs, le silence gardé par le préfet sur une demande de titre de séjour fait en principe naître, au terme du délai prévu à l'article R. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision implicite de rejet de cette demande. Il en va autrement lorsqu'il est établi que le dossier de la demande était incomplet, le silence gardé par l'administration valant alors refus implicite d'enregistrement de la demande, lequel ne constitue pas une décision susceptible de recours.

3. D'une part, si M. A... soutient avoir formé une demande d'admission au séjour le 9 juin 2020, réceptionnée par la préfecture en juin 2020, sur le fondement des dispositions désormais codifiées aux articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a formé une nouvelle demande le 14 juin 2021, en qualité d'étranger malade, sans mentionner d'autres fondements ni faire référence à sa précédente demande. Dès lors qu'aucun principe n'imposait au préfet de Seine-et-Marne de statuer par une seule décision sur ces demandes, la décision contestée doit être regardée comme ayant seulement rejeté la demande formée le 14 juin 2021. Au surplus, en admettant même que la voie postale ait été prescrite pour les demandes d'admission au séjour présentées par M. A... en juin 2020, il ressort des pièces du dossier que ces demandes étaient incomplètes. D'autre part, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Dans ces conditions, en n'examinant pas si M. A... pouvait prétendre à la régularisation de sa situation, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas entaché sa décision d'un défaut d'examen complet de sa situation.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. / La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. Par un avis du 22 octobre 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une hépatite B chronique, pour laquelle il est traité par le médicament Tenofivir. S'il soutient que le coût de ce traitement n'est pas accessible pour un revenu au niveau du salaire minimum auquel il pourrait prétendre, il ne l'établit pas par la production d'un résumé d'un article ancien, paru en 2015 dans le journal africain d'hépato-gastroentérologie, ni par celle d'un communiqué de la société française de médecine d'urgence du 8 mars 2021 qui précise que le prix du générique du Tenofovir est très variable en Afrique, son coût mensuel allant de 3 euros au Cameroun à 235 euros au Gabon et restant à la charge des patients, sauf au Gabon. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Seine-et-Marne aurait fait une application inexacte des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Si M. A... se prévaut de la présence en France de sa mère, de sa sœur, de son beau-père, d'un demi-frère et d'une demi-sœur, tous français, il ressort des pièces du dossier qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 46 ans dans son pays d'origine et que ses trois frères résident en Côte d'Ivoire. Par ailleurs, il ne justifie d'aucune insertion particulière en France. Par suite, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en l'obligeant à quitter le territoire français.

8. En second lieu, s'il ressort des pièces du dossier que la mère de M. A..., chez laquelle il habite, a besoin d'une aide pour se déplacer, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence de M. A... à ses côtés serait indispensable alors qu'elle vit avec son époux et que trois de ses enfants sont français et résident en France. Dans ces conditions, le préfet de

Seine-et-Marne n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Doumergue, présidente de chambre,

Mme Bruston, présidente-assesseure,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

M. DOUMERGUE

La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03713


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03713
Date de la décision : 06/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SANGARE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-06;23pa03713 ?
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