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06/12/2024 | FRANCE | N°23PA01441

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 06 décembre 2024, 23PA01441


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de Pôle emploi a rejeté sa demande de protection fonctionnelle reçue le 30 décembre 2019 et de condamner l'établissement public à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des fautes commises par lui.



Par un jugement n° 2004603 du 3 février 2023, le tribunal ad

ministratif de Montreuil a condamné Pôle emploi à lui verser une somme de 2 000 euros, assortie des i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de Pôle emploi a rejeté sa demande de protection fonctionnelle reçue le 30 décembre 2019 et de condamner l'établissement public à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison des fautes commises par lui.

Par un jugement n° 2004603 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a condamné Pôle emploi à lui verser une somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2019 ainsi que de la capitalisation de ceux-ci à compter du

7 mai 2021, puis à chaque échéance annuelle, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrées le 7 avril 2023, le 3 février 2024 et le

28 mars 2024, Mme C..., représentée par Me Arvis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que le tribunal administratif de Montreuil a limité à 2 000 euros la condamnation de Pôle emploi au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des différentes fautes commises par l'établissement et a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle Pôle emploi a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ;

2°) d'annuler la décision de rejet de sa demande de protection fonctionnelle ;

3°) d'enjoindre au directeur général de Pôle emploi, devenu France Travail, de lui accorder la protection fonctionnelle, ou à tout le moins de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir ;

4°) de condamner Pôle emploi, devenu France Travail, à lui verser la somme de

75 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la décision préalable, ainsi que de la capitalisation de ceux-ci à compter de l'anniversaire de cette date et à chacune des échéances annuelles postérieures ;

5°) de mettre à la charge de Pôle emploi, devenu France Travail, la somme de

3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée ;

- la responsabilité de Pôle emploi, devenu France Travail, doit être engagée pour faute dès lors que, d'une part, elle a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral au titre de la période 2012-2015, tenant à sa mise à l'écart lors de son retour de congé de maternité, à l'existence de multiples refus à ses demandes de formation, ainsi qu'à une attitude de dénigrement et d'humiliation de la part de son supérieur hiérarchique ;

- d'autre part, elle a subi des agissements constitutifs de harcèlement moral au titre de la période débutant en 2017, tenant à l'absence de versement de rémunération lors de ses missions, à l'absence d'attribution de missions concrètes, à sa mise à l'écart délibérée ordonnée par la direction de Pôle emploi, au refus systématique, non contesté, de ses demandes de formation, ainsi qu'à une réticence marquée de l'employeur à mettre en œuvre les aménagements de poste impliqués par son état de santé, réalisés avec plus de deux ans de retard ;

- enfin, l'abstention de Pôle emploi, devenu France Travail, de la faire bénéficier d'un changement de poste, la gestion chaotique de son accident de service survenu en 2019, les sanctions qui lui ont été illégalement infligées du fait, notamment, de l'intention de lui nuire manifestée par la responsable des relations sociales ainsi que l'humiliation subie à raison du courriel ayant faussement annoncé sa suspension, constituent également des agissements de harcèlement moral exercés à son encontre ;

- la situation de harcèlement moral subie par elle ainsi que les imputations calomnieuses dont elle a été victime à la suite d'une session de formation en 2019 auraient dû conduire

Pôle emploi, devenu France Travail, à lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- en la privant des formations auxquelles elle avait droit, Pôle emploi a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- elle a fait l'objet d'une discrimination à raison de sa maternité ;

- elle a fait l'objet d'une discrimination à raison de son handicap, dès lors que Pôle emploi, devenu France Travail, a refusé de mettre en œuvre les aménagements de poste impliqués par son état de santé ;

- elle a fait l'objet d'une discrimination en raison de son sexe, du fait de sa rémunération moindre que celle de collègues masculins ;

- elle a fait l'objet d'une discrimination au regard de son absence d'avancement ;

- elle a fait l'objet d'une discrimination dans le cadre d'un blâme reçu en raison d'un usage prétendument abusif d'un taxi ;

- les conclusions incidentes de Pôle emploi, devenu France Travail, doivent être rejetées dès lors que les fautes constituées par le retard d'aménagement de son poste de travail, par le défaut de mise en œuvre du télétravail ainsi que par le dénigrement contenu dans le courriel du 18 juillet 2019 sont établies ;

- le préjudice de santé résultant du retard de Pôle emploi à mettre en œuvre les aménagements de poste impliqués par son état de santé et de la volonté de ce dernier de lui faire reprendre ses fonctions dans le seul but de faire exécuter la sanction d'exclusion temporaire de fonctions doit être évalué à la somme de 20 000 euros ;

- le préjudice moral et l'atteinte à sa réputation professionnelle du fait des agissements de harcèlement moral subis et de la répétition d'humiliations à son endroit doivent être évalués à la somme de 30 000 euros ;

- le préjudice de carrière résultant des diverses fautes commises par Pôle emploi au regard de son avancement et de son évolution de carrière doit être évalué à la somme de

10 000 euros ;

- la fin de non-recevoir opposée aux conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions est inopérante dès lors qu'elle n'a pas repris ces conclusions en appel et n'a pas contesté l'irrecevabilité retenue par le jugement sur ce point ;

- la fin de non-recevoir opposée aux prétendues conclusions fondées sur le taux d'invalidité retenu par la caisse primaire d'assurance maladie et le licenciement pour inaptitude doit être écartée dès lors qu'elle n'a pas formé de telles conclusions mais s'est bornée à actualiser les préjudices de carrière et de santé invoqués dans sa demande préalable ;

- l'exception d'incompétence soulevée par Pôle emploi, devenu France Travail, est infondée ;

- la créance liée aux faits de harcèlement moral qui se sont produits entre 2012 et 2014 n'est pas prescrite dès lors que ces faits se sont prolongés jusqu'au 19 janvier 2024, date de son licenciement pour inaptitude ;

- les troubles dépressifs qui ont conduit à son placement en invalidité par la caisse primaire d'assurance maladie avec un taux d'incapacité de 25%, ainsi que son licenciement pour inaptitude par décision de France Travail du 19 janvier 2024, résultent de son accident de travail du 19 août 2019 et sont entièrement imputables à Pôle emploi, devenu France Travail.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 janvier 2024 et le 28 février 2024,

Pôle emploi, devenu France Travail, représenté par Me Lonqueue, demande à la Cour :

1°) par la voie de l'appel incident, d'annuler les articles 1er et 3 du jugement du

tribunal administratif de Montreuil du 3 février 2023 ;

2°) de rejeter les requêtes de première instance et d'appel de Mme C... ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur l'appel incident :

- les fautes invoquées, liées au retard dans l'aménagement du poste de Mme C..., à la mise en œuvre du télétravail pour personnes handicapées et à la diffusion de l'information erronée contenue dans le courriel du 8 juillet 2019 n'étant pas constituées, les articles 1er et 3 du jugement doivent être annulés.

Sur l'appel principal :

- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions sont irrecevables ;

- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur un litige relatif à une incapacité permanente de travail, notamment au taux de cette incapacité, en cas d'accident ou de maladie professionnelle ;

- les conclusions indemnitaires de Mme C... fondées sur le taux d'invalidité retenu par la caisse primaire d'assurance maladie et le licenciement pour inaptitude sont irrecevables dès lors qu'elles sont nouvelles en appel et qu'elles ne se rattachent pas au même fait générateur que les chefs de préjudice invoqués dans la demande préalable ;

- les prétendues créances de Mme C... antérieures au 31 décembre 2014 sont prescrites ;

- aucun des prétendus agissements constitutifs de harcèlement moral ni aucune des fautes invoquées n'ayant été commis par Pôle Emploi, le surplus des conclusions indemnitaires de Mme C... doit être rejeté ;

- les moyens soulevés par Mme C... à l'encontre de la décision de refus de protection fonctionnelle ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au

12 septembre 2024.

Les parties ont été informées, par communication du 4 octobre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur la qualification d'imputations calomnieuses.

Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2024, Mme C... a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 ;

- l'arrêté du 31 décembre 2003 portant application des articles 19, 22, 42 et 44 du décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail ;

- l'accord du 18 mars 2011 relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les femmes à Pôle emploi.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

-et les observations de Me Bourgeois substituant Me Arvis, représentant

Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., agent contractuel de droit public recrutée par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) en 2002, occupant les fonctions de cadre adjoint appui gestion, attachée à la direction des opérations services aux entreprises de la direction régionale Ile-de-France de Pôle emploi, a demandé à ce dernier, par un courrier du 30 décembre 2019, de lui verser la somme de 40 000 euros au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'agissements constitutifs de harcèlement moral et de diverses fautes qu'elle lui imputait. Par le même courrier, elle a demandé à Pôle emploi le bénéfice de la protection fonctionnelle à raison des attaques qu'elle estimait avoir subies. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par Pôle emploi sur ces demandes. Par un jugement du 3 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a condamné Pôle emploi à verser à Mme C..., au principal, une somme de 2 000 euros en réparation des préjudices subis par elle du fait des fautes commises et a rejeté le surplus de ses conclusions. Mme C... relève appel du jugement du 3 février 2023 en tant que le tribunal administratif de Montreuil a limité à 2 000 euros la condamnation de Pôle emploi et a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus opposé par l'établissement public à sa demande de protection fonctionnelle. Par la voie de l'appel incident, Pôle emploi, devenu France Travail, demande l'annulation des articles 1er et 3 du jugement précité et le rejet des demandes de Mme C... présentées tant en première instance qu'en appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé par la présidente de la formation de jugement, la rapporteure de l'affaire et la greffière, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'expédition du jugement qui a été notifiée à Mme C... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur l'appel principal de Mme C... :

En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de protection fonctionnelle :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Aux termes de l'article 11 de cette loi, alors en vigueur : " I. A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV. La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".

5. Les dispositions citées au point 4 établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas d'agissements constitutifs de harcèlement ou de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances.

Quant au harcèlement moral :

6. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

7. D'une part, Mme C... invoque des faits de harcèlement moral au titre de la période 2012-2015. Elle soutient ainsi qu'à sa reprise de fonctions, en janvier 2012, après un congé de maternité, elle a été mise à l'écart et privée de toute mission pendant plusieurs mois. Elle fait valoir en outre que pendant plusieurs années, elle n'a reçu aucune mission concrète en adéquation avec son poste, ses seules fonctions consistant dans la saisie de fiches de la base BUDI (Base unique de documentation et d'information) de Pôle Emploi, qui ne représentait que quelques semaines de travail par an. De plus, elle précise qu'elle s'est sentie harcelée par l'attitude de son supérieur hiérarchique qui lui aurait notamment reproché d'effectuer des formations et lui aurait " hurlé dessus " dans le couloir devant ses collègues. Elle soutient à cet égard que l'atteinte portée à son état de santé à raison de ces faits de harcèlement a conduit, d'une part, le délégué syndical FO (Force Ouvrière) à effectuer, le 2 avril 2015, un signalement au président du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en mentionnant notamment sa " grande souffrance professionnelle constatée par le médecin du travail et son médecin traitant " et, d'autre part, le médecin de prévention à alerter, en

avril 2015, la direction de Pôle Emploi de la nécessité d'un changement de poste.

8. En premier lieu, aux fins d'établir qu'elle se serait trouvée privée d'affectation pendant les trois premiers mois suivant son retour de congé de maternité en janvier 2012, Mme C... se prévaut d'un courriel d'alerte du 12 juillet 2012 de l'ensemble des agents du pôle auquel elle appartenait, d'un courriel du 2 avril 2012 adressé par sa responsable d'équipe ainsi que du témoignage d'une collègue. Toutefois, d'une part, le courriel d'alerte de l'ensemble des agents de son pôle, faisant état d'un " ressenti collectif " d'une situation de travail dégradée, est sans portée au regard de la situation propre de Mme C... et ne fait d'ailleurs mention, parmi les griefs invoqués, d'aucune problématique d'absence de missions concernant un ou plusieurs agents du pôle. D'autre part, si, par un courriel du 2 avril 2012, la responsable d'équipe de Mme C... lui a fait savoir " (qu'elle allait entrer) progressivement dans les dossiers du pôle ", qu'elle ne pouvait " du jour au lendemain modifier toute l'organisation de l'équipe " et qu'elle envisageait " de l'associer régulièrement " aux dossiers du pôle, les termes de ce courriel, qui ne sont accompagnés d'aucune autre pièce permettant de les replacer dans le contexte de la situation de Mme C... et peuvent ainsi être interprétés diversement, ne sont pas de nature, par eux-mêmes, à établir que l'intéressée aurait été effectivement dépourvue de toute mission concrète pendant les premiers mois de son retour. De même, s'il ressort d'un autre courriel produit par Mme C..., également daté du 2 avril 2012, et émanant de son supérieur hiérarchique, qu'elle a manifesté le désir de changer de fonctions, estimant qu'elle avait " fait le tour " de celles occupées, il ne peut se déduire des termes de cet échange qu'elle aurait repris ses fonctions début 2012, fonctions d'ailleurs indéterminées dès lors que le " descriptif d'activités " produit par elle, équivalent à une fiche de poste, porte la date du 19 avril 2019, soit bien au delà de la période concernée, sans toutefois qu'aucune tâche ne lui soit confiée. Il ne ressort par ailleurs d'aucun des autres termes de ce dernier courriel du 2 avril 2012, par lequel son supérieur précise à nouveau à Mme C..., notamment, le sens de la répartition des tâches au sein du service et évoque différentes missions qui lui auraient été confiées en adéquation avec cette répartition, que cette dernière se soit trouvée dépourvue de toute affectation, celle-ci n'explicitant pas davantage dans ses écritures les raisons pour lesquelles ces missions n'auraient pas été effectives à la date de ce courriel, en avril 2012. Enfin, si une collègue de Mme C..., déclarant avoir appartenu au même service qu'elle, atteste de ce que "L'année de sa réintégration en 2012 a été compliqué et synonyme de mal être au travail. / Je peux attester que ma collègue B... ne s'est vu confier aucun dossier concret à son retour et que cette situation a engendré une souffrance pour elle. (...)", ces déclarations, faites pour la première fois, en cours d'instance d'appel, dans un courriel du 23 janvier 2024 adressé à la requérante, soit douze ans environ après les faits, ne peuvent davantage permettre d'établir les faits de mise à l'écart et d'absence de missions concrètes au titre des trois premiers mois de l'année 2012.

9. En second lieu, aux fins d'établir qu'elle aurait été "mise au placard" entre 2012 et 2015 et privée de toute mission concrète, excepté une mission de saisie de fiches de la base BUDI, Mme C... se prévaut, d'une part, d'un document intitulé "signalement", daté du 24 novembre 2014, qui aurait été adressé par elle à la direction régionale de Pôle Emploi, par lequel elle indique notamment être sans activité depuis son retour de congé de maternité en janvier 2012. Toutefois, ce document, qui n'a fait l'objet d'aucun accusé de réception ni d'une réponse d'une quelconque nature de la part de Pôle Emploi, ne saurait suffire à établir cette absence de missions. D'autre part, si Mme C... se réfère à un courriel du 14 novembre 2014, adressé par son supérieur hiérarchique, dans lequel ce dernier aurait justifié son refus de lui confier des missions concrètes au motif, fallacieux selon elle, de ce qu'elle aurait été trop peu présente au sein du service en raison de ses activités de formatrice occasionnelle, les termes de ce courriel ne sont pas, contrairement à ce que soutient la requérante, de nature à révéler une intention délibérée de son supérieur de la "mettre au placard", le caractère spécieux du motif invoqué n'étant par ailleurs établi ni par ce courriel, ni par aucune autre pièce du dossier. A cet égard, si Mme C..., par un courriel en réponse à son supérieur du même 14 novembre 2014, a évoqué sa "mise à l'écart depuis (son) retour de congé maternité", son sentiment d'exclusion du service et le fait que ce supérieur l'aurait "squizzé(e) du chantier création en prétextant que celui-ci devait être géré par le service DSRE", aucune pièce du dossier n'est de nature à corroborer la réalité des faits allégués, le courriel en réponse du même supérieur hiérarchique, en date du

17 novembre 2014, par lequel celui-ci invite notamment la requérante à un "point d'échange et de suivi" de ses activités et manifeste son souhait de "trouver une solution" à son "ressenti", révélant plutôt une tentative de restaurer un lien de travail constructif avec l'intéressée. Par ailleurs, il résulte d'un courriel non contesté du 5 décembre 2014 que le supérieur hiérarchique de Mme C... lui a rappelé que ses fonctions concernant les fiches de la base BUDI consistaient en une analyse approfondie des fiches reçues, un travail de liaison et de renvoi des fiches travaillées entre la direction générale et d'autres services, un suivi du déploiement et des opérations associées aux recettes, ainsi qu'un travail de présentation régulière de cette mission aux collègues de Mme C... lors des réunions de service, à savoir des missions bien plus étendues qu'un simple travail de saisie. A cet égard, Mme C... ne peut davantage utilement se prévaloir du "descriptif d'activités" mentionné au point 8, dès lors que celui-ci, daté du

19 avril 2019 ainsi qu'il a été dit, ne correspond pas à la période concernée. De plus, s'il résulte des courriels des 14 novembre 2014 et 27 avril 2015 adressés par la requérante à son supérieur hiérarchique et au directeur régional de Pôle Emploi Ile-de-France, du signalement adressé par un délégué syndical ainsi que de l'alerte du médecin du travail mentionnés au point 7 que les relations entre Mme C... et son supérieur hiérarchique étaient tendues voire conflictuelles, et que cette situation occasionnait à la requérante une souffrance au travail, ces pièces ne permettent pas d'établir l'existence d'agissements répétés qui auraient excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Enfin, la circonstance que le responsable de Mme C... l'aurait violemment prise à partie en janvier 2014 dans un couloir devant ses collègues, par des propos qui auraient excédé, en cette circonstance, les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, à la supposer même établie, est resté isolée. Dans ces conditions l'allégation de la requérante selon laquelle elle aurait été " mise au placard " durant trois ans et ne se serait vu confier aucune mission en adéquation avec son poste n'est pas non plus établie.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 7 à 9, et sans qu'il besoin de se prononcer sur le caractère prescrit de la créance alléguée de Mme C... relative aux faits antérieurs au 31 décembre 2014, que Mme C... ne peut être regardée comme faisant valoir, pour la période 2012-2015, des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral exercé à son encontre, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges.

11. D'autre part, Mme C... invoque des faits de harcèlement moral au titre de la période débutant en 2017. Elle soutient tout d'abord qu'elle n'a pas été rémunérée pour ses temps de trajet ainsi qu'au titre des dimanches travaillés sur place, lorsqu'elle est partie à quatre reprises en mission en Algérie en 2018. Elle soutient en outre qu'elle n'a reçu aucune mission concrète en 2017 et 2019, ayant même été délibérément écartée par la direction de Pôle Emploi des chantiers importants, et qu'elle n'a été chargée que d'une seule mission en 2018, celle du recrutement de la SNCF, qu'elle a d'ailleurs effectuée en binôme. La requérante fait également valoir que ses demandes de formation en 2018 et 2019 dans le cadre de la formation continue ont été systématiquement refusées sans justification, que Pôle Emploi a fait preuve d'une réticence volontaire en attendant plus de quatorze mois pour mettre en œuvre l'aménagement de poste nécessité par son handicap et plus de deux ans pour mettre en place la préconisation du médecin du travail d'un jour et demi de télétravail au titre du handicap, avec le matériel nécessaire adapté. Elle soutient de plus que Pôle Emploi n'a volontairement pas mis en œuvre le changement de poste préconisé par le médecin du travail, que la gestion " chaotique " de son accident de travail du 19 août 2019 s'explique par la volonté de l'établissement de faire obstacle à sa reprise de fonctions et que les deux sanctions qui lui ont été illégalement infligées ont été prises à l'initiative de la responsable des relations sociales qui, nourrissant une hostilité envers elle, aurait entrepris de l'évincer par tous moyens. Enfin, la requérante indique qu'un courriel du 18 juillet 2019 annonçant faussement sa suspension, adressé délibérément par la responsable du service délivrance de la formation aux autres acteurs de la formation de Pôle Emploi, a eu pour effet de l'humilier publiquement.

12. Toutefois, en premier lieu, si Mme C... se prévaut d'un échange avec le directeur des opérations, par lequel elle lui a demandé, dans un courriel du 14 février 2019, d'intervenir auprès du service concerné afin d'être rémunérée au titre des temps de trajet et des dimanches travaillés sur place relatifs aux quatre missions effectuées par elle en Algérie entre juin et décembre 2018, ainsi que d'une demande du 7 décembre 2018 à la responsable du service " offre de service demandeurs d'emploi, entreprises et orientation " d'intervention pour le même motif auprès du service des ressources humaines, elle ne produit aucune demande directe de rémunération à la direction régionale de Pôle emploi. Par suite, et à supposer même que la transmission par le directeur des opérations, attestée par son courriel en réponse du

19 février 2019, de la demande de rémunération de Mme C... au directeur adjoint en charge de la performance sociale (DRAPS) ait fait naître une décision implicite de rejet de Pôle emploi, une telle décision n'est pas susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. En outre, il ne résulte pas des pièces du dossier que Mme C... pouvait prétendre de manière certaine, ainsi qu'elle le soutient, à cette rémunération, l'intitulé même du chapitre 6 de l'accord du 30 septembre 2010 relatif à l'organisation et à l'aménagement du temps de travail au sein de Pôle Emploi Ile-de-France, dit accord OATT, invoqué par elle, mentionnant explicitement qu'il ne concerne pas les déplacements professionnels des agents en mission. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que ce refus de rémunération serait susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral exercé à son encontre.

13. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier de demande d'avancement de Mme C..., en date du 25 novembre 2018, que celle-ci, titulaire d'une habilitation " expert international " délivrée par la direction générale de Pôle emploi au titre de la période 2017-2019, a notamment effectué, parmi l'ensemble des activités réalisées et mentionnées par elle au titre de 2017, le remplacement de deux collègues absentes dont elle a géré les activités pendant six mois, " l'approche par compétences : formation E learning module 1 et 2 et module 3 ", l'animation de sessions de formation " approche compétences module 3 auprès des CDDE (Conseiller dédié demandeur d'emploi) et CDE (Conseiller dédié entreprise) ", l'appui au recrutement du groupe SNCF, avec des actions ciblées concernant les quatre branches respectives " voyage ", " réseau ", " matériel " et " traction " et le secteur " toutes branches confondues ", ainsi qu'une expérimentation de type MRS, nouvellement introduite au sein de ce groupe. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à invoquer une absence de missions concrètes au titre de l'année 2017.

14. S'agissant de l'année 2018, Mme C... a mentionné dans le même dossier d'avancement précité qu'elle a procédé au recrutement, pour le compte de la SNCF, de

500 conducteurs de train, de 160 conducteurs de tram, de 600 aiguilleurs et de 100 postes dans le secteur de la télécommunication. Elle indique également qu'en complément de ses activités, elle a accompagné d'autres grands groupes comme Auchan, Camaieu et Korian. En outre, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme C... a effectué quatre missions en Algérie entre juin et décembre 2018, chacune pour une durée d'au moins une semaine, en tant que formatrice expert. Elle n'est ainsi pas davantage fondée à soutenir qu'elle aurait été dépourvue de missions concrètes à effectuer ou délibérément écartée par la direction de Pôle Emploi des chantiers importants au cours de l'année 2018.

15. Enfin, s'agissant de l'année 2019, année au cours de laquelle Mme C... a été victime d'un accident du travail le 19 août, suivi d'une période d'indisponibilité de plusieurs mois, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un courriel adressé par elle le 12 mars 2019 à une responsable de service de la direction des opérations (DO), qu'elle a déclaré qu'étant titulaire d'un " CICA " (Certificat interne des compétences approfondies) pour le public PH (personnes handicapées), elle était la référente PH au sein de la direction régionale de

Pôle emploi, formait les conseillers référents PH et accompagnait la direction générale pour les semaines de l'handicap. Dans un autre courriel du 22 mai 2019, Mme C... indiquait à cette même responsable de service qu'elle intervenait " sur la mise en œuvre terrain " de deux plans d'action dénommés " PH DG " et " SARRAH ", auxquels est associée la SNCF, qu'elle a une " expertise sur l'handicap " reconnu par le " Réseau ", qu'elle " connaît (son) périmètre d'intervention au sein de DDO ", qu'elle remercie son interlocutrice de faire confiance à son expertise et à ses compétences et qu'elle a initié et portera le groupe de projet " SNCF PSY ", en binôme avec une collègue. Enfin, dans un courriel du 14 février 2022 adressé à

Mme C... par une collègue de son service, cette dernière souligne " l'engagement " de la requérante auprès des demandeurs d'emploi dans la réalisation d'un projet " que nous avions réalisé pour les publics en situation d'handicap qui a été après des semaines de travail avortés sans aucune explication ", son " implication " et son " dévouement " auprès du maillage SNCF " pour lequel j'ai reçu des échos de l'entreprise étant pleinement satisfaite de tes interactions qui ont permis le placement de nombreux demandeurs d'emploi ", ainsi que l'investissement de Mme C... dans les journées " que tu dédiais auprès des collaborateurs de Pôle Emploi dans le cadre de tes fonctions de formatrice occasionnelle et ce au-delà du temps de travail ". Par suite, Mme C... n'est pas non plus fondée à invoquer une absence de missions concrètes au titre de l'année 2019, non plus qu'une mise à l'écart délibérée par la direction de Pôle Emploi des chantiers importants.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 15 que Mme C..., qui n'établit pas avoir été privée de missions à effectuer entre 2017 et 2019, ne peut être regardée comme faisant valoir, à cet égard, des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, ainsi que l'ont également relevé à bon droit les premiers juges.

17. En troisième lieu, s'agissant de l'argument tiré du refus de ses demandes de formation, Mme C... n'invoque en appel aucune formation précise qui lui aurait été refusée, et n'apporte aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 16 du jugement.

18. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que par un certificat du

23 octobre 2017, le docteur A..., médecin du travail, a préconisé un aménagement de poste concernant Mme C..., qui souffrait des séquelles d'un accident de trajet survenu en mars 2017. Mme C... a d'ailleurs obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par décision de la présidente de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du 1er février 2018. Cet aménagement consistait en un matériel de bureau spécialisé comprenant un fauteuil, un bureau ergonomique et une souris verticale, nécessitant un réglage adapté. Par une lettre du 28 novembre 2017, le responsable du service conditions de travail de Pôle Emploi Ile-de-France a sollicité, pour la fourniture de ce matériel, le service d'exploitation qui a demandé un devis le 29 novembre 2017. A cet égard, Mme C... ne saurait opposer à Pôle Emploi qu'" il a fallu attendre plus d'un mois pour que Pôle Emploi transmette la demande de matériel préconisé par le docteur A...... au service d'exploitation " dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait appartenu à une autre personne qu'elle d'informer les services concernés de cette demande d'aménagement de poste. Par deux courriels des 30 juillet 2018 et 27 août 2018 adressés respectivement au docteur A... et au service d'exploitation responsable de la commande du matériel, Mme C... a déclaré que ce dernier lui avait été livré " fin 2017 ". Si Mme C... soutient désormais que le matériel n'aurait été livré qu'en janvier 2018, au sein d'une autre aile du bâtiment qu'elle n'avait vocation à intégrer qu'au mois de juin 2018 en raison de la réorganisation des bureaux, et qu'elle n'a donc pu utiliser le matériel jusqu'à cette dernière date, cette allégation, outre qu'elle est en contradiction avec sa déclaration précitée dans ses courriels, n'est corroborée par aucune pièce du dossier. En tout état de cause et à supposer même que le matériel n'ait pas été livré sur l'emplacement de travail de Mme C... dès la fin 2017, cette dernière ne soutient ni même n'allègue qu'elle aurait cherché à s'informer de la date et du lieu de livraison de ce matériel ni qu'elle aurait demandé aux services concernés qu'il soit, le cas échéant, transféré sans délai sur son emplacement de travail, avec l'aménagement et les réglages nécessaires. Il résulte ainsi des pièces du dossier que Mme C... n'a formulé une demande d'aménagement et de réglage de son matériel, au plus tôt, que par deux courriels du 30 juillet 2018, adressés respectivement au docteur A... et à la responsable du service " offre de service demandeurs d'emploi, entreprises et orientation (ODS-DE) ". Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'intervention du docteur A... informant les services concernés de la nécessité de procéder à l'adaptation et au réglage du poste de Mme C..., la chargée de la diversité et de la qualité de vie au travail remplaçante s'est bornée a fait parvenir à Mme C..., le 31 août 2018, une vidéo explicative de nature à lui permettre de régler son matériel en lui précisant : " n'hésitez pas à revenir vers moi si besoin ", il est constant que le responsable des services supports au sein des services généraux est venu, quelques jours plus tard, prêter assistance à Mme C... afin de régler son matériel. Cette dernière a toutefois refusé son intervention au motif qu'il n'était pas ergonome, alors même que le docteur A... avait précisé, le 30 juillet 2018, que l'intervention d'un ergonome n'était pas nécessaire. Il ressort des pièces du dossier que l'intervention d'un prestataire pour adapter et régler le poste de travail de Mme C... a finalement eu lieu en janvier 2019.

19. Il résulte de ce qui a été dit au point 18 que, d'une part, la demande de réglage du matériel de Mme C... n'a été demandée par elle que le 30 juillet 2018 et que, d'autre part, jusqu'à cette date, aucun retard ne peut être imputé à Pôle Emploi, qu'il s'agisse de la procédure de commande ou de livraison du matériel. En outre, après que la demande de réglage du matériel a été formulée, aucun retard notable ne peut être retenu à l'encontre de Pôle Emploi dès lors qu'il a fait intervenir, dans un délai rapide, le responsable des services supports au sein des services généraux dont il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il n'aurait pas été en mesure d'assurer le réglage du matériel de Mme C.... Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que Pôle Emploi aurait fait preuve d'une réticence délibérée à mettre en œuvre l'aménagement de son poste de travail et, en conséquence, à invoquer des agissements de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

20. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le 15 octobre 2018, le docteur A..., médecin référent de Pôle Emploi-direction régionale d'Ile-de-France, a proposé, concernant Mme C..., la mise en place du télétravail sur une journée plus une demi-journée les jours de soins, avec un matériel spécialisé, sur le fondement de l'accord du 20 juillet 2015 pour l'emploi des personnes handicapées à Pôle Emploi, dit accord TH (travailleurs handicapés). Mme C... doit être regardée comme ayant demandé à bénéficier de cette préconisation du docteur A... à la date du 14 novembre 2018, date du courriel de la responsable pôle offre de services entreprises à Mme C..., l'informant des conditions de mise en œuvre du télétravail lié à une situation de handicap, dit télétravail TH, et lui proposant une solution transitoire consistant à augmenter la quotité de télétravail dont Mme C... bénéficiait antérieurement au titre du régime général de télétravail dit " qualité de vie au travail ", d'une demi-journée supplémentaire. Il résulte cependant des différents échanges de Mme C... avec le service concerné que la procédure de télétravail TH n'était pas encore engagée en mai 2019, et que ce n'est qu'en janvier 2021, soit plus de deux ans après que cette procédure a été demandée par Mme C..., que Pôle Emploi l'a finalement mise en œuvre. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le retard mis par Pôle Emploi à mettre en œuvre le télétravail TH au bénéfice de Mme C... serait dû à une réticence délibérée des services à mettre en place cette procédure, un tel retard relevant de la négligence associée à une mauvaise coordination entre les services, non susceptibles, en l'espèce, de faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral.

21. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que par une fiche de visite de reprise de Mme C... du 14 décembre 2020, et non du 15 mars 2021 comme elle le mentionne par erreur dans ses écritures, le médecin référent de Pôle Emploi - direction régionale Ile-de-France, après avoir constaté la nécessité d'un travail à mi-temps thérapeutique en télétravail exclusif, a préconisé que " A la reprise en présentiel, un changement de poste en dehors de la direction générale serait nécessaire ". Mme C... soutient qu'à la date de sa requête, elle n'avait toujours pas bénéficié d'un changement de poste qui aurait pourtant été, selon elle, l'unique mesure permettant son maintien dans l'emploi afin d'éviter une invalidité définitive, et que Pôle Emploi, qui était conscient de cette situation, n'a délibérément pas mis en œuvre cette préconisation de façon à pouvoir définitivement l'évincer du service. Elle n'assortit toutefois cette allégation d'aucun commencement de preuve, de sorte que les faits précités ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

22. En septième lieu, Mme C... invoque une gestion administrative " chaotique " de son accident de travail survenu le 19 août 2019. Elle fait valoir qu'elle a reçu deux courriers du 1er octobre 2020 dont l'exécution était contradictoire, que sa reprise de travail fixée par le docteur D... au 30 septembre 2020 n'était pas envisageable, que la contre-expertise décidée par Pôle Emploi n'a eu lieu que six mois plus tard, le 25 mars 2021, et ne lui a été transmise qu'au bout de deux mois. Elle indique en outre qu'à la date de sa reprise de fonctions, le

4 octobre 2021, elle a découvert que son nom avait été effacé de la porte de son bureau et de l'organigramme, que sa rémunération avait été réduite de moitié à compter d'octobre 2021 et qu'aucune visite par un médecin agréé n'avait été fixée plus de trois mois après sa décision du

31 août 2021 de reprendre ses fonctions à temps partiel. Il résulte toutefois des écritures de Pôle emploi, non contestées sur ce point, qu'à la suite de l'accident du travail de Mme C..., reconnu comme tel par l'établissement par décision du 23 décembre 2019, l'intéressée a bénéficié d'arrêts de travail successifs, notamment à compter du 20 janvier 2020. Aux fins de déterminer si ces arrêts de travail étaient justifiés au titre de l'accident du travail pour les seules lésions psychologiques, Pôle emploi a fait procéder à une première expertise de Mme C... le 9 mars 2020. Cette expertise ayant conclu à ce que l'arrêt de travail de Mme C... était justifié au titre de l'accident de travail du 19 août 2019, une nouvelle expertise a été organisée par Pôle emploi le 28 septembre 2020, qui préconisait une reprise du travail à temps partiel thérapeutique pour une période de six mois. Cette dernière expertise ayant été contestée par

Mme C..., par courrier du 20 octobre 2020, Pôle emploi a informé Mme C..., par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er décembre 2020, qu'une nouvelle procédure d'expertise devait être diligentée, conformément à l'article R. 141-1 du code de la sécurité sociale. Le nouvel expert, qui a été désigné le 11 décembre 2020 et a examiné Mme C... le 25 mars 2021, a rendu son rapport à Pôle emploi le 7 mai 2021. Par suite, et compte tenu des délais inhérents à la procédure de contestation d'expertise prévue à l'article précité, aucune carence dans la gestion administrative de l'accident du travail de Mme C... ne saurait être retenue à l'encontre de Pôle emploi. En conséquence, Mme C... n'est pas fondée à invoquer une gestion administrative " chaotique " de son accident du travail et, dès lors, à soutenir que les faits précités seraient susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

23. En huitième lieu, Mme C... soutient que les deux sanctions qui lui ont été illégalement infligées, à savoir un blâme le 20 juin 2018 et une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux mois le 1er octobre 2019, sont de nature à révéler des agissements de harcèlement moral. Elle fait ainsi valoir que, d'une part, au cours des années 2018 et 2019, elle aurait été confrontée à l'hostilité de la responsable des relations sociales qui aurait entrepris de l'évincer par tous moyens. Cette responsable, signataire de la première sanction de blâme, aurait ainsi, selon la requérante, excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique en ce qu'elle n'avait aucune autorité sur elle et ne disposait d'aucune compétence pour prendre cette sanction. Toutefois, dans son jugement du 20 novembre 2020 qui a annulé cette dernière, le tribunal administratif de Montreuil ne s'est pas fondé sur l'absence de toute compétence de la responsable des relations sociales en matière disciplinaire, mais a seulement retenu que la délégation de signature dont elle était titulaire ne concernait pas le service dans lequel était affectée Mme C.... Un tel motif, qui est de nature à faire regarder la signataire de l'acte comme ayant commis une erreur d'interprétation sur l'étendue de la délégation dont elle bénéficiait en matière disciplinaire, ne saurait faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme C....

24. D'autre part, et s'agissant de la deuxième sanction portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux mois, dont la responsable des relations sociales n'est pas l'auteur, celle-ci a été annulée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du

16 février 2022, au motif que les faits qui étaient reprochés à la requérante, tirés de propos dénigrants ou dégradants qu'elle aurait tenus à l'encontre de Pôle Emploi et de certains de ses collègues lors d'une session de formation en janvier 2019, n'étaient pas établis dès lors que les éléments anonymisés produits par Pôle Emploi ne suffisaient pas à apporter la preuve de la réalité de ces faits, contestés par Mme C.... Cette appréciation, dont la pertinence a été relevée par le Conseil d'Etat dans sa décision n° 463028 du 5 avril 2023 qui a confirmé la solution retenue par la Cour, ne saurait davantage faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme C....

25. Enfin, il ressort des pièces du dossier que par un courriel du 8 juillet 2019, la responsable du service délivrance de la formation a transmis aux autres acteurs de la formation de Pôle Emploi l'information erronée selon laquelle Mme C... aurait été suspendue de ses fonctions de formatrice occasionnelle, " suite à une demande de la direction régionale ". Cette responsable indiquait également que si les destinataires de son courriel recevaient une sollicitation " de quelque nature que ce soit (mail, appel, etc) " de la part de Mme C..., il convenait de ne pas lui répondre directement, mais de la renvoyer systématiquement vers l'équipe locale de direction (ELD) du campus. Ce courriel a fait l'objet d'une correction deux jours plus tard, la responsable précitée indiquant, par un courriel du 10 juillet 2019 : " Erratum : le statut de B... C... demeure actif ", mais confirmant les consignes données au regard des éventuelles sollicitations de l'intéressée. Si ces faits ont pu s'avérer humiliants pour

Mme C..., aucun élément du dossier ne permet de les faire regarder comme s'inscrivant dans un contexte de harcèlement moral.

26. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 11 à 25 qu'aucun des faits invoqués par Mme C..., ni leur combinaison, ne permettent de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral qui aurait été exercé à son encontre de la part de ses supérieurs hiérarchiques ou d'autres responsables de Pôle Emploi au titre de la période qui aurait débuté en 2017. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a droit à la protection fonctionnelle à raison de prétendus agissements de harcèlement moral dont elle aurait été la victime.

Quant aux " imputations calomnieuses " :

27. Mme C... soutient qu'elle a fait l'objet " d'imputations calomnieuses " en ce qu'elle aurait tenu, lors d'une session de formation en janvier 2019, des propos homophobes, racistes, misogynes et dénigrants, et que la Cour, par son arrêt précité du 16 février 2022, confirmé par la décision du Conseil d'Etat précitée du 5 avril 2023, a estimé, par des motifs qui sont le soutien nécessaire de son dispositif, que " la requérante est fondée à soutenir que les faits qui lui sont reprochés tirés de propos dénigrants ou dégradants qu'elle aurait tenus à l'encontre de Pôle Emploi et de certains de ses collègues ne sont pas établis ". Toutefois et ainsi qu'il a été dit au point 24, la présente Cour, par son arrêt du 16 février 2022, a estimé que les faits qui étaient reprochés à la requérante n'étaient pas établis dès lors que les éléments anonymisés produits par Pôle Emploi ne suffisaient pas à apporter la preuve de la réalité de ces faits. Cette appréciation, confirmée par la Conseil d'Etat ainsi qu'il a été dit, ne saurait signifier que

Mme C... a fait l'objet " d'imputations calomnieuses ". Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a droit à la protection fonctionnelle en raison " d'imputations calomnieuses " dont elle aurait été la victime.

28. Il résulte de ce qui a été dit aux points 26 et 27 que les conclusions de

Mme C... à fin d'annulation de la décision par laquelle Pôle emploi, devenu France Travail, a rejeté sa demande de protection fonctionnelle doivent être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

Sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions :

29. Par son mémoire du 3 février 2024, Mme C... a déclaré ne pas reprendre en appel sa demande d'indemnisation fondée sur l'illégalité fautive de la décision du 1er octobre 2019 par laquelle le directeur général adjoint de Pôle Emploi lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux mois. Elle a en outre également déclaré ne pas contester le motif d'irrecevabilité de cette demande, retenu par le tribunal administratif de Montreuil. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à ces conclusions par Pôle emploi, devenu France Travail, ne peut être accueillie, en l'absence de telles conclusions.

Sur les conclusions indemnitaires liées à l'accident du travail du 19 août 2019 :

30. Dans son mémoire du 3 février 2024, Mme C... explique que ses troubles dépressifs, qui ont conduit à son placement en invalidité par la caisse primaire d'assurance maladie au taux de 25%, puis à son licenciement pour inaptitude, résultent de son accident du travail du 19 août 2019. Elle demande, par ces mêmes écritures, l'indemnisation complète de ses préjudices de carrière et de santé qu'elle estime imputables à Pôle Emploi. Toutefois, en réponse, tant à la fin de non-recevoir qu'à l'exception d'incompétence opposées par Pôle Emploi à ces conclusions, la requérante soutient, dans son mémoire du 28 mars 2024, que par ces dernières, elle doit être regardée comme demandant simplement l'actualisation de ses préjudices de carrière et de santé, qui se rattachent en tout état de cause aux mêmes faits générateurs que ceux invoqués dans sa demande indemnitaire préalable, à savoir les agissements constitutifs de harcèlement moral et de discrimination exercés à son encontre ainsi que diverses fautes commises par Pôle emploi, notamment la mise en œuvre tardive des préconisations du médecin du travail. Elle fait ainsi valoir que ces préjudices doivent être appréciés désormais également en considération de son taux d'invalidité et de son licenciement pour inaptitude. Ces éléments d'analyse ne sont pas contestés par Pôle emploi, devenu France Travail. Par suite, Mme C... ne saurait être regardée comme ayant formé dans son mémoire du 3 février 2024 des conclusions nouvelles fondées sur son invalidité et son licenciement pour inaptitude, mais comme s'étant bornée à invoquer de nouveaux éléments au soutien de sa demande indemnitaire fondée sur les mêmes faits générateurs précités. Il en résulte qu'en l'absence de telles conclusions, l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir opposées par Pôle Emploi doivent être écartées.

Sur les autres conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité :

Quant au harcèlement moral :

31. Mme C... n'étant pas fondée, ainsi qu'il a été dit au point 26, à invoquer des agissements susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part de

Pôle emploi, la responsabilité de ce dernier ne saurait être engagée à ce titre.

Quant aux retards dans la mise œuvre des préconisations du médecin du travail :

32. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 19, Pôle emploi n'a commis aucune faute dans l'aménagement du poste de travail de Mme C..., préconisé par le médecin du travail. Celle-ci n'est dès lors pas fondée à soutenir que la responsabilité de Pôle emploi serait engagée à ce titre.

33. En second lieu, en mettant en œuvre le télétravail TH de Mme C..., préconisé par le médecin du travail, avec plus de deux années de retard, ainsi qu'il a été dit au point 20, Pôle Emploi a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Quant à la diffusion du courriel du 8 juillet 2019 :

34. Ainsi qu'il a été dit au point 25, la diffusion par la responsable du service délivrance de la formation d'un courriel du 8 juillet 2019 informant de manière erronée l'ensemble des formateurs d'une mesure de suspension qui aurait été prise à l'encontre de Mme C... est fautive, alors même que par un courriel intervenu deux jours plus tard, l'erreur commise aurait été corrigée. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que Pôle emploi, devenu

France Travail, a commis à raison de ces faits une faute de nature à engager sa responsabilité.

Quant aux refus de formations :

35. Mme C... soutient qu'elle s'est vu opposer systématiquement des refus à ses demandes de formation entre 2017 et 2019. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 17, elle n'invoque en appel aucune formation précise qui lui aurait été refusée, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ce chef de responsabilité par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 16 et 24 du jugement. Aucune faute ne peut dès lors être retenue à ce titre à l'encontre de Pôle Emploi.

Quant à la discrimination :

36. D'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 131-1 du code général de la fonction publique : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison (...) de leur état de santé (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 bis de la loi susvisée du 13 juillet 1983, applicable au litige et désormais codifié à l'article L. 131-2 du code général de la fonction publique : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe ". Le juge administratif, lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination au sens de ces dispositions, doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure qu'il soumette au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de non-discrimination. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure utile.

37. D'autre part, selon l'article 1er de la loi susvisée du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement (...) de son état de santé (...), de son handicap (...), une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. (...) ". Aux termes de l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ".

38. En premier lieu, si Mme C... invoque une discrimination à raison de son état de maternité du fait qu'à son retour de congé, le 1er janvier 2012 et pendant plusieurs mois, elle aurait été privée de missions concrètes à accomplir, ses allégations selon lesquelles elle se serait trouvée sans aucune affectation pendant les trois premiers mois suivant son retour de congé de maternité ne sont pas établies, ainsi qu'il a été dit au point 8. Par suite, ce chef de responsabilité doit être écarté.

39. En second lieu, Mme C... soutient que Pôle Emploi a manifestement refusé de mettre en œuvre les aménagements de poste nécessaires à la compensation de son handicap. Toutefois, d'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 19 que Pôle emploi n'a commis aucune faute dans l'aménagement et le réglage de son poste de travail. En outre, s'il résulte de ce qui a été dit au point 20 que Pôle emploi a mis en œuvre l'aménagement du télétravail TH de Mme C... avec un retard fautif de plus de deux ans, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été également dit, que ce retard serait dû à une réticence délibérée des services à mettre en place cette procédure, un tel retard relevant de la négligence associée à une mauvaise coordination entre les services de Pôle emploi, non susceptibles, en l'espèce, de faire présumer l'existence d'une discrimination. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le principe d'égalité des personnes aurait été méconnu.

40. En troisième lieu, Mme C... se borne à reproduire en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen invoqué en première instance tiré de ce qu'elle aurait subi une discrimination en raison de son sexe dès lors que des collègues masculins ayant une ancienneté inférieure à la sienne auraient perçu des revenus plus élevés. Il y a lieu d'écarter ce moyen, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 28 de leur jugement.

41. En quatrième lieu, aux termes de l'article 22 du décret du 31 décembre 2003 fixant les dispositions applicables aux agents contractuels de droit public de Pôle emploi, dans sa rédaction alors applicable : " I.- L'avancement d'échelon dans chaque niveau d'emplois s'effectue d'un échelon à l'échelon immédiatement supérieur. / Dans la limite d'un contingent annuel dont les modalités de calcul sont fixées par l'arrêté prévu à l'article 19, il est procédé, chaque année, après avis de la commission paritaire compétente, dans chaque niveau d'emplois, à l'attribution de réductions d'ancienneté d'une durée maximale d'un an, sans pouvoir excéder la moitié de la durée du temps à passer dans l'échelon. / Les conditions d'attribution de ces avancements, qui tiennent notamment compte du développement des compétences et des résultats de l'évaluation prévue à l'article 20, sont précisées par décision du directeur général (...) ".

42. Mme C... soutient qu'elle a été privée de toute perspective d'avancement durant sa carrière à raison de son état de maternité, de son état de santé et de son handicap. Elle fait valoir notamment qu'elle s'est vu imposer de manière discriminatoire en 2013 un rapport de présentation sur la thématique du handicap pour légitimer sa demande d'avancement, qu'elle s'est vu refuser en 2018 l'examen d'une même demande au motif qu'elle s'était vu infliger une sanction de blâme qui s'est révélée illégale et qu'elle aurait dû bénéficier d'an avancement accéléré en 2020, mais qu'elle n'en n'a pas bénéficié au motif qu'elle se trouvait en arrêt de travail pour accident de service. Toutefois, Mme C... n'apporte aucun élément précis de nature à établir les faits qu'elle invoque. En tout état de cause, ces éléments, à les supposer même établis, ne sauraient suffire à faire présumer l'existence d'une volonté discriminatoire, alors que l'avancement accéléré, qui est contingenté, n'a pas de caractère automatique mais varie en fonction de l'appréciation des mérites respectifs des candidats. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que Pôle emploi aurait commis des agissements de nature à faire présumer l'existence d'une discrimination à raison de son état de maternité, de son état de santé ou de son handicap, et que le principe d'égalité des personnes aurait été méconnu.

43. Enfin, si Mme C... soutient qu'en la sanctionnant d'un blâme à raison d'un usage prétendument abusif des taxis mis à sa disposition en raison de son état de santé,

Pôle emploi aurait fait preuve de discrimination à son endroit à raison, précisément, de cet état de santé, ces faits, qui ne sont pas explicités, ne sauraient davantage être regardés comme de nature à faire présumer l'existence d'une discrimination.

44. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 31 à 43 que Mme C... est seulement fondée à soutenir que la responsabilité de Pôle emploi, devenu France Travail, est engagée à raison du retard à mettre en œuvre le télétravail TH et de la diffusion du courriel du

8 juillet 2019.

En ce qui concerne le préjudice :

S'agissant de la faute liée au retard dans la mise en œuvre du télétravail TH :

45. En premier lieu, Mme C... invoque un préjudice de santé dès lors notamment qu'elle " a dû attendre plus de deux ans pour obtenir l'aménagement de son poste en télétravail ", et que cette situation a engendré " de multiples douleurs en raison d'un matériel inadapté ". Toutefois, elle ne produit aucun document à caractère médical de nature à établir un tel préjudice. Sa demande de réparation à ce titre ne peut, dès lors, qu'être rejetée.

46. En second lieu, la requérante ne fait état d'aucun élément précis en lien avec la faute ci-dessus mentionnée, de nature à justifier le surplus d'indemnisation demandé au titre du préjudice moral.

S'agissant de la faute liée à la diffusion du courriel du 8 juillet 2019 :

47. Si Mme C... soutient que l'annonce de sa suspension de fonctions par le courriel précité a porté une atteinte grave à sa réputation professionnelle, elle n'invoque élément précis de nature à justifier un surplus d'indemnisation au titre de ce préjudice.

Sur l'appel incident de Pôle emploi, devenu France Travail :

48. Il résulte de ce qui a été dit aux points 32 à 34 que si Pôle emploi, devenu

France Travail, est fondé à soutenir qu'il n'a commis aucune faute dans l'aménagement du poste de travail de Mme C..., il n'est en revanche pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas commis de faute concernant le retard de mise en œuvre du télétravail TH et la diffusion du courriel du

8 juillet 2019. Par suite, d'une part, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme C... à raison du retard de plus de deux ans dans la mise en œuvre du télétravail TH en condamnant Pôle emploi à lui verser la somme de 1 000 euros à ce titre, d'autre part, il résulte du jugement de première instance, non contesté sur ce point, que le préjudice d'atteinte à la réputation professionnelle de Mme C... a été évalué à la somme de 1 000 euros.

49. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, d'une part, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de sa demande de protection fonctionnelle et a limité à 2 000 euros la condamnation de Pôle emploi, devenu France Travail, au titre des préjudices subis par elle et que, d'autre part, Pôle emploi n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil l'a condamné à verser à Mme C... la somme de 2 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2019 et de la capitalisation des intérêts échus à la date du 7 mai 2021, puis à chaque échéance annuelle postérieure.

Sur les frais liés au litige :

50. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... et l'appel incident de Pôle emploi, devenu France Travail, sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions de Pôle emploi, devenu France Travail, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à France Travail.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Doumergue, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2024.

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

M. DOUMERGUE La greffière,

E. FERNANDO

La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA01441


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01441
Date de la décision : 06/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUMERGUE
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CABINET ARVIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-06;23pa01441 ?
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