Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C..., épouse A..., a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 20 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination pour son éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.
Par un jugement n° 2210848/5 du 19 juin 2024 le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2024 Mme C..., représentée par Me Bouzerand, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2210848 du 19 juin 2024 du Tribunal administratif de Montreuil en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 20 avril 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence ou un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination pour son éloignement est entachée d'un défaut d'examen des risques encourus en cas de retour dans son pays ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante algérienne née en 1976, est entrée régulièrement en France le 31 juillet 2015, s'y est maintenue après l'expiration du délai de validité de son visa et a sollicité le 14 octobre 2021 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 20 avril 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination auprès duquel elle pourra être reconduite. Mme C... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Si l'accord franco-algérien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule par ailleurs que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
4. S'il est constant qu'à la date de la décision attaquée, Mme C... résidait en France depuis 7 ans avec son époux, que leurs deux enfants mineurs, nés respectivement en 2010 en Algérie et en 2016 en France, y sont scolarisés et qu'elle est hébergée avec eux chez son père, ressortissant français, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'époux de la requérante, ressortissant algérien, est également en situation irrégulière en France, qu'il n'y exerce pas d'activité professionnelle, que Mme C... a résidé en Algérie jusqu'à l'âge de 39 ans, qu'elle n'exerce qu'une activité professionnelle de quelques heures par mois depuis 2020 et que rien ne s'oppose à ce que la vie familiale et la scolarité de ses enfants mineurs, dont il n'est pas établi qu'ils ne maîtrisent pas la langue arabe, se poursuive en Algérie. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour aurait méconnu les stipulations précitées.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :
5. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre cette décision, de l'illégalité de la décision portant refus d'admission exceptionnelle au séjour.
Sur la décision fixant le pays de destination :
6. Il ressort des termes de la décision attaquée, qui mentionne que " l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou tout autre pays où elle est effectivement admissible ", que Mme C..., qui n'a au demeurant jamais invoqué l'existence de risques en cas de retour en Algérie, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait abstenu de vérifier si elle encourait de tels risques en cas de retour en Algérie.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ". Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace.
8. Pour prononcer à l'encontre de Mme C... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est borné à relever que Mme C... ne justifiait, après l'examen de sa situation, d'aucune circonstance humanitaire. Mme C... est dès lors fondée à soutenir qu'elle n'est pas suffisamment motivée et qu'elle doit, pour ce motif, être annulée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
10. L'annulation prononcée par le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme C... ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
11. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2210848 du 19 juin 2024 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du 20 avril 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Article 2 : La décision du 20 avril 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a interdit le retour sur le territoire français de Mme C... pour une durée de deux ans est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA03065