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05/12/2024 | FRANCE | N°24PA01539

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 05 décembre 2024, 24PA01539


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux années.



Par une ordonnance du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a transmis la demande de M. A... au tribunal administratif de Melun.
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Par un jugement n° 2312750 du 22 mars 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux années.

Par une ordonnance du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a transmis la demande de M. A... au tribunal administratif de Melun.

Par un jugement n° 2312750 du 22 mars 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrés les 3 et 9 avril 2024, M. A..., représenté par Me Gozlan, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet compétent, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ainsi qu'une carte de séjour temporaire, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il n'y a aucun obstacle à son admission au séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le préfet n'apporte pas la preuve qu'il constitue une menace à l'ordre public ; les décisions portant refus de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 27 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Laforêt.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 9 octobre 1998, a fait l'objet d'un arrêté du 23 novembre 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. A... fait appel du jugement du 22 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 novembre 2023 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; ".

3. D'une part, pour obliger M. A... à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que si le requérant déclare avoir effectué une demande de titre, il n'en apporte en tout état de cause pas la preuve. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son interpellation, M. A... a indiqué aux services de police qu'il avait rempli une demande en ligne pour obtenir un titre de séjour, qu'il avait reçu un accusé de réception et qu'il attendait la date pour déposer son dossier. Toutefois, en se bornant à produire un accusé réception automatique d'un courriel en date du 16 juin 2023 adressé à la préfecture du Val-de-Marne dans lequel il demande un rendez-vous afin qu'il puisse déposer son dossier, l'administration ne peut pas être regardée comme étant régulièrement saisie d'une demande de titre de séjour. Il ne démontre pas non plus avoir transmis le Cerfa de demande d'autorisation de travail daté du 9 juin 2023. Enfin, il n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il n'a pas pu obtenir de rendez-vous. Par conséquent, M. A... ne justifie pas avoir effectivement déposé une telle demande ni avoir contesté un refus d'enregistrement de sa demande. Par suite, c'est à bon droit en application du 1° de l'article L. 611-1 cité au point précédent et sans entacher sa décision d'une erreur de fait, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il ne ressort pas en tout état de cause des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu un principe de continuité du service public et d'égal accès au service public.

4. D'autre part, M. A... soutient qu'il vit en France depuis le 9 septembre 2016, qu'il y est intégré, qu'il parle français et est éducateur bénévole pour une association sportive, que sa seule famille est une tante de nationalité française et qu'il travaille en France. Si son activité au sein d'un club sportif est établie, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A..., célibataire et sans enfant, entré en France à l'âge de 18 ans, a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement en 2018 et 2020, que sa demande d'asile initiale et son réexamen ont été rejetés et qu'il ne démontre pas avoir fait une demande de titre de séjour pour régulariser sa situation. En outre, le requérant ne démontre une activité professionnelle en qualité de cuisinier à temps partiel que depuis le 6 octobre 2022, puis à temps complet à compter du 1er mars 2023. Par suite, eu égard à l'ancienneté et les conditions du séjour du requérant, à son insertion personnelle et professionnelle, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, ni méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code précise : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 612-6 du même code : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

6. D'une part, pour refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet a indiqué que M. A... s'était soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement, qu'il ne présentait pas de garantie de représentation et qu'il ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Par suite, contrairement à ce que semble soutenir M. A..., la mesure attaquée n'est pas fondée sur une menace à l'ordre public et c'est à bon droit que le préfet a pu prendre la décision attaquée.

7. D'autre part, pour justifier de la durée d'interdiction de retour en France de 24 mois sur un maximum de 36 mois, le préfet a pris en compte l'ancienneté du séjour depuis le 3 septembre 2016, le fait qu'il ne justifie pas de l'ancienneté de liens personnels et familiaux en France, qu'il s'est soustrait à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement et que son comportement constitue une menace pour l'ordre public. A supposer même que son comportement ne constitue pas une telle menace, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était pas fondé sur une telle circonstance.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée aux préfets de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Laforêt, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

Le rapporteur,

E. LAFORETLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01539 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01539
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Emmanuel LAFORÊT
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : GOZLAN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;24pa01539 ?
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