Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux années.
Par un jugement n° 2308881 du 16 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Saligari, demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;
3°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2023 ;
4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'intervention de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois.
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux ;
- elle méconnaît le doit d'être entendu ;
- elle méconnaît l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est entachée d'une exception d'illégalité ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention précitée et l'article L. 513-2 du code précité ;
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois :
- elle est entachée d'une exception d'illégalité ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2024 par une ordonnance du 11 juin 2024.
Le préfet de la Seine-Saint-Denis a produit un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Mme A... a répondu les 16 septembre et 18 octobre 2024 à des mesures d'instruction de la cour en date du 4 septembre et 11 octobre 2024.
Les parties ont été informées, par un courrier du 11 octobre 2024, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme A... étaient devenues sans objet, l'intéressée s'étant vu reconnaître la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 14 mai 2024 et que cette reconnaissance ayant un caractère recognitif, l'intéressée ne pouvait faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par une décision du 30 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Laforêt.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante indienne née le 30 septembre 1986 à Kolkata, demande l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux années. Mme A... fait appel du jugement du 16 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission de Mme A... à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 30 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Les conclusions de la requérante tendant à ce que la cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont ainsi devenues sans objet.
Sur la légalité de l'arrêté du 6 juillet 2023 :
3. Aux termes de l'article L. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la qualité de réfugié ou d'apatride est reconnue ou le bénéfice de la protection subsidiaire accordé à un étranger ayant antérieurement fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative abroge cette décision. Elle délivre au réfugié la carte de résident prévue à l'article L. 424-1, au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour pluriannuelle prévue à l'article L. 424-9 et à l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride la carte de séjour pluriannuelle prévue à l'article L. 424-18 ".
4. Postérieurement à l'introduction de la requête de Mme A..., celle-ci s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision n°s 23025260 et 23025517 du 14 mai 2024 de la Cour nationale du droit d'asile. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la suite de la décision de cette cour, le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait abrogé l'obligation de quitter le territoire français contestée comme les dispositions précitées de l'article L. 613-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le lui imposent. Le bénéfice de la protection subsidiaire, comme l'octroi de la qualité de réfugié, revêt un caractère recognitif qui est réputé rétroagir à la date d'entrée en France de Mme A.... Par suite, la décision du 6 juillet 2023, par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé la requérante à quitter le territoire français, est dépourvue de base légale et doit être annulée. Par voie de conséquence, les décisions fixant un délai de départ volontaire de trente jours ainsi que le pays de destination et lui interdisant un retour sur le territoire français pendant deux années doivent également être annulées.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Mme A... demande à titre principal la délivrance d'une attestation de demande d'asile. Il résulte de la dernière pièce communiquée par la requérante que celle-ci bénéficie d'une attestation de prolongation d'instruction d'une demande de titre de séjour qui justifie de la régularité de son séjour. Par suite, sa demande ayant déjà été satisfaite, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Mme A... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Saligari, conseil de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Saligari d'une somme de 1 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2308881 du 16 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 6 juillet 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à Me Saligari, conseil de Mme A..., une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Saligari et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Laforêt, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
E. LAFORETLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA04680 2