Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Boomkids a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits, pénalités, frais de gestion et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de taxe d'apprentissage et de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015, ainsi que la décharge de l'amende qui lui a été infligée au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 sur le fondement du II de l'article 1737 du code général des impôts.
Par un jugement n° 1910436 du 17 mai 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2023, la société Boomkids, représentée par Me Planchat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2023 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités, frais de gestion et intérêts de retard, de ces impositions ainsi que la décharge de cette amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant de la reconstitution des recettes omises en 2014, c'est à tort que le service a pris en compte des accessoires qui n'ont donné lieu à aucune vente spécifique et qu'il n'a pas pris en compte des vols et des pertes dont l'existence ne peut être contestée ;
- s'agissant de la reconstitution des recettes omises en 2015, l'écart de recettes constaté par le service n'est pas significatif de sorte qu'il fait obstacle à toute reconstitution de recettes au titre de cet exercice ;
- c'est à tort que le service a remis en cause la déductibilité des frais de voyages et de déplacements en 2014 et 2015 ainsi que celle de dépenses de travaux d'entretien engagées en 2014 ;
- l'application des majorations de 40 % pour manquement délibéré et de 100 % pour opposition à contrôle fiscal n'a été précédée d'aucun débat contradictoire, en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'application de ces deux majorations n'est pas justifiée ;
- s'agissant de l'infliction de l'amende fiscale prévue au II de l'article 1737 du code général des impôts, l'avis de mise en recouvrement, émis le 31 octobre 2018, méconnaît les dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;
- le II de l'article 1737 du code général des impôts institue une sanction disproportionnée au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la société peut se prévaloir des dispositions du V de l'article 1737 du code général des impôts, issues de la loi de finances pour 2023, dès lors que ces dispositions rendent inapplicables l'amende mise à sa charge, celle-ci sanctionnant une première infraction pour inexactitude des factures qu'elle aurait commise, et qu'elles constituent une loi répressive nouvelle plus douce ;
- les dispositions du II de l'article 1737 du code général des impôts méconnaissent le principe constitutionnel de proportionnalité des peines.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;
- la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 ;
- l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1054 QPC du 16 juin 2023 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Boomkids, qui exerce une activité d'import-export ainsi que de vente en gros et au détail de vêtements, chaussures, sacs et accessoires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle lui ont été notifiés, notamment, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette période, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de taxe d'apprentissage et de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue au titre des exercices clos en 2014 et 2015, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation au titre de l'exercice clos en 2015, des pénalités, des frais de gestion, des intérêts de retard ainsi qu'une amende prononcée sur le fondement du II de l'article 1737 du code général des impôts au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. La société Boomkids fait appel du jugement du 17 mai 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions, des pénalités, des frais de gestion, des intérêts de retard et de l'amende, consécutifs à cette vérification.
Sur les impositions :
En ce qui concerne la reconstitution des recettes omises :
2. Pour contester la reconstitution des recettes omises effectuée par l'administration fiscale selon la méthode de la comptabilité-matières, la société Boomkids, qui ne remet pas en cause le rejet de sa comptabilité comme étant non régulière et non probante, soutient que, d'une part, s'agissant de l'exercice clos en 2014, le service a pris en compte des accessoires qui n'ont donné lieu à aucune vente spécifique et qu'il n'a pas pris en compte des vols et des pertes dont l'existence ne peut être contestée et que, d'autre part, l'écart de recettes constaté au titre de l'exercice clos en 2015 n'est pas significatif de sorte qu'il fait obstacle à toute reconstitution de recettes au titre de cet exercice.
3. En premier lieu, en vertu des dispositions des articles L. 193 et R*. 193-1 du livre des procédures fiscales, il appartient à la société Boomkids, qui ne conteste pas la régularité de la procédure ayant conduit à l'évaluation d'office de sa base d'imposition au titre de l'exercice clos en 2014, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge au titre de cet exercice. La société requérante fait valoir que si elle a effectivement acquis le 16 décembre 2014 auprès d'un même fournisseur 20 994 articles d'accessoires, consistant notamment en des ceintures et des bretelles, ces articles, qui ont été pris en compte par le service, n'ont donné lieu à aucune vente spécifique. Toutefois, la société Boomkids ne produit aucun élément pour en attester, alors que le service a relevé, dans la proposition de rectification, qu'aucun accessoire n'a été comptabilisé en stocks à la clôture de l'exercice 2014. Par ailleurs, si la société requérante soutient que le service aurait dû appliquer aux stocks reconstitués un pourcentage de pertes et de vols qu'elle évalue à hauteur de 8,54 %, elle ne justifie pas davantage de la réalité de ce pourcentage, le ministre relevant au demeurant qu'aucun vol ni aucune perte n'ont été comptabilisés au titre de l'exercice clos en 2014.
4. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a constaté, au titre de l'exercice clos en 2015, un écart de stocks de marchandises de 1 150 articles au stade de la réponse aux observations du contribuable. Si la reconstitution des recettes omises en 2015 aboutit en effet au constat d'une faible discordance de stocks, cette circonstance est au cas présent sans incidence sur la régularité de cette reconstitution dès lors que la société Boomkids, qui est seule à même d'apporter au juge de l'impôt les éléments matériels lui permettant de justifier que ces articles ne figureraient pas dans les stocks à la clôture de l'exercice 2015, ne produit toutefois aucun élément faisant apparaître que cet écart serait injustifié.
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire / (...) / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / (...) / b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par [les] personnes [les mieux rémunérées] / (...) ".
6. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
7. Par ailleurs, en vertu des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, alors applicables, il appartient à la société Boomkids, qui ne conteste pas avoir été régulièrement évaluée d'office au titre de l'exercice clos en 2014, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge.
S'agissant de la réintégration de frais de voyages et déplacements :
8. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de frais de voyages et déplacements exposés par la société Boomkids pour des montants respectifs de 2 595 euros en 2014 et 11 170 euros en 2015 au motif que la société ne justifie pas du caractère professionnel de ces dépenses. Si la société requérante a présenté, au cours du contrôle fiscal, des factures émises par la société Agence Chine Tourisme, ces factures ne sont toutefois pas suffisantes pour attester du caractère professionnel des déplacements de sa dirigeante et de ses salariés en Chine, en l'absence de production de tout document, telles que des correspondances prévoyant des visites avec des fournisseurs chinois à des dates précises, de nature à établir l'existence d'un lien entre ces déplacements et l'activité de la société. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré les sommes en cause dans les résultats imposables de la société Boomkids à raison de 2 595 euros au titre de l'exercice clos en 2014 et de 11 170 euros au titre de l'exercice clos en 2015.
S'agissant de la réintégration de dépenses de travaux :
9. Il résulte de l'instruction que la société Boomkids a comptabilisé en 2014 une facture du 20 décembre 2014 relative à la réalisation de travaux effectués dans sa boutique située à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) pour un montant total de 11 200 euros hors taxes. L'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de cette somme au titre de l'exercice clos en 2014 au motif que les détails apportés par la facture ne permettent pas de considérer que les travaux correspondraient, dans leur globalité, à de simples frais généraux déductibles des résultats imposables de la société, mais constituent, selon l'administration, des immobilisations qui auraient dû être comptabilisées comme telles à l'actif du bilan de la société. La société requérante, à qui il appartient d'apporter la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2014, n'apporte aucun élément de nature à contredire sérieusement les constatations de l'administration fiscale en se bornant à soutenir que les travaux en cause ont permis de maintenir la boutique dans un état tel que son utilisation puisse être poursuivie, alors qu'il ressort des termes mêmes de la facture, qui, du reste, ne détaille pas le montant des différents postes de dépenses, que les travaux n'ont pas consisté seulement en des travaux de peinture au plafond et sur les murs, mais ont également eu pour objet d'installer des planches de bois aux murs et de poser du carrelage au sol. Par ailleurs, la société Boomkids n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement implicite des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle à M. B..., publiée au Journal officiel de la Chambre des députés le 17 septembre 1933 sous le n° 5103, ni de la réponse ministérielle à M. A..., publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale le 16 novembre 1968 sous le n° 1134, dès lors qu'elle n'entre pas dans les prévisions de ces réponses, la première concernant la déduction des frais de remplacement du carrelage d'un débit de boissons, la seconde ayant trait à la déduction des frais de remplacement d'un linoléum usagé par un tapis plein. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la somme en cause dans les résultats imposables de la société Boomkids à raison de 11 200 euros au titre de l'exercice clos en 2014.
Sur les pénalités :
En ce qui concerne la majoration de 40 % en cas de manquement délibéré :
10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, alors applicable : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration ".
11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Boomkids, qui a été destinataire d'une proposition de rectification suffisamment motivée s'agissant de l'application éventuelle de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts à certains chefs de rectifications, a été mise à même de présenter ses observations sur cette proposition dès lors qu'elle a contesté, à l'appui de ses observations formulées le 30 janvier 2018 sur la proposition de rectification du 30 novembre 2017, l'application de cette majoration. Du reste, la proposition de rectification indique que l'ensemble des éléments qu'elle contient, au nombre desquels figure l'application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts, ont été abordés au cours du contrôle sur place, et notamment lors de la réunion de synthèse qui a eu lieu le 24 novembre 2017. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
12. En second lieu, la société Boomkids soutient que l'administration fiscale ne justifie pas l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré aux rectifications portant sur la reconstitution des recettes omises en 2015, les frais de voyage, les dépenses de travaux, les stocks, les livraisons intracommunautaires et les exportations. Toutefois, le ministre relève tout d'abord que les opérations de contrôle ont mis en évidence la tenue d'une comptabilité irrégulière, en se basant uniquement sur les données propres de la société requérante, ainsi que des insuffisances minorant l'impôt exigible. En particulier, le service a constaté des anomalies dans la tenue de la comptabilité au nombre desquelles figurent le non-respect du principe de séquentialité de numérotation des factures, des inventaires de stocks insuffisamment détaillés, l'absence de présentation d'une table de correspondance permettant de rapprocher les références des produits achetés, stockés et vendus et l'absence de remise au service du fichier contenant les écritures comptables concernant l'exercice clos en 2014. Le ministre indique également que la société Boomkids ne pouvait ignorer les règles de base régissant l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des ventes réalisées à titre onéreux en France et le fait que des factures devaient être émises pour justifier chaque vente, que celles-ci doivent être régulièrement comptabilisées en tant que produits de l'exercice au cours duquel le transfert de propriété a lieu et que le fait de ne pas facturer, ni même comptabiliser, ces recettes démontre la volonté de la société d'éluder délibérément le paiement total de l'impôt exigible y afférent. Le ministre fait également valoir que la société requérante ne pouvait ignorer que le règlement de dépenses de voyage d'ordre privé au moyen de chèques bancaires de la société constituait un avantage occulte non déductible du résultat fiscal. Par ailleurs, le fait que la société Boomkids ait justifié une partie des livraisons intracommunautaires et des exportations par des justificatifs tels que des déclarations d'échange de biens, des déclarations d'exportation ou des lettres de voiture démontre qu'elle avait connaissance des obligations lui incombant pour justifier l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux livraisons intracommunautaires et aux exportations et qu'ainsi, c'est sciemment qu'elle a éludé les montants de taxe sur la valeur ajoutée à l'origine des rappels en litige. Enfin, le ministre indique que les règles relatives à l'évaluation des stocks étaient parfaitement connues de la société requérante qui a eu recours à un cabinet d'expertise comptable. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant sa volonté délibérée d'éluder l'impôt.
En ce qui concerne la majoration de 100 % en cas d'opposition à contrôle fiscal :
13. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, alors applicable : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers / Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en œuvre du contrôle dans les conditions prévues aux I et II de l'article L. 47 A / (...) ". Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat / (...) ".
14. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'au cours des opérations de vérification de comptabilité qui se sont déroulées du 17 mai 2017 au 24 novembre 2017, le service a dressé le 5 juillet 2017 un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal au motif que la société Boomkids ne lui avait pas remis, malgré sa demande du 6 juin 2017, les fichiers contenant les écritures comptables de l'exercice clos en 2014 nécessaires à la réalisation des traitements informatiques envisagés par le service, et que ce procès-verbal, reçu par la société requérante le 10 juillet 2017, indiquait que la base d'imposition du contribuable serait évaluée d'office en application des dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales et que la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts était susceptible de lui être appliquée. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que ces éléments ont été rappelés dans la proposition de rectification du 30 novembre 2017 adressée à la société requérante et que cette dernière a été mise à même de présenter ses observations sur cette proposition dès lors qu'elle a contesté, à l'appui de ses observations formulées le 30 janvier 2018 sur la proposition de rectification, l'application de cette majoration. Du reste, la proposition de rectification indique que l'ensemble des éléments qu'elle contient, au nombre desquels figure l'application de la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts, ont été abordés au cours du contrôle sur place, et notamment lors de la réunion de synthèse qui a eu lieu le 24 novembre 2017. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.
15. En second lieu, les dispositions citées au point 13 ne sauraient être interprétées comme autorisant l'administration fiscale à mettre la pénalité prévue par l'article 1732 du code général des impôts, qui vise à sanctionner l'opposition à contrôle fiscal, à la charge du contribuable lorsque celui-ci n'a pas pris personnellement part à l'opposition au contrôle. Si la société Boomkids fait valoir qu'à la suite d'un changement de logiciel, les données informatiques concernant l'exercice clos en 2014 ont été sauvegardées mais égarées lors d'un déménagement, elle n'établit toutefois pas la réalité du déménagement allégué, alors que le service a relevé, dans sa réponse aux observations du contribuable, sans être contredit sur ce point, que le siège social n'a pas changé depuis la création de la société requérante, soit depuis le 1er septembre 2010. Dans ces conditions, et dès lors que la société requérante s'est soustraite à son obligation de présenter les fichiers informatiques concernant les écritures comptables de l'exercice clos en 2014 en méconnaissance des dispositions de l'article 54 du code général des impôts, c'est à bon droit, contrairement à ce que soutient la société Boomkids, que l'administration fiscale a appliqué, dans son chef, la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du même code aux bases d'imposition résultant de la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.
Sur l'amende :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'établissement de l'amende :
16. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité / (...) ". Aux termes de l'article R*. 256-1 de ce livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis / (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications / (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable / (...) ".
17. La société Boomkids soutient que l'avis de mise en recouvrement, émis le 31 octobre 2018, méconnaît les dispositions précitées de l'article R*. 256-1 du livre des procédures fiscales en se bornant à désigner l'amende qui lui est infligée sur le fondement des dispositions du II de l'article 1737 du code général des impôts par la seule mention " amende " sous la rubrique " Nature : / contribution au développement de l'apprentissage ". Toutefois, il résulte de l'instruction que cet avis, qui indique qu'une amende de 11 150 euros est due au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 ainsi qu'une amende de 26 127 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015, fait référence à la proposition de rectification du 30 novembre 2017 dont il résulte, conformément aux dispositions de l'article R*. 256-1 du livre des procédures fiscales. En outre, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 30 novembre 2017, qui comporte des montants d'amende identiques à ceux figurant dans l'avis de mise en recouvrement, mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application de l'amende fiscale prévue au II de l'article 1737 du code général des impôts, l'administration fiscale ayant maintenu sa position sur l'application de l'amende comme sur son montant dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 28 mars 2018. Par suite, la société Boomkids n'est pas fondée à soutenir que l'avis de mise en recouvrement est entaché d'irrégularité dès lors que les dispositions combinées des articles L. 80 D et R*. 256-1 du livre des procédures fiscales imposent seulement que la motivation de l'amende fiscale intervienne par le truchement d'un document adressé au plus tard lors de la notification du titre exécutoire, soit au cas présent par la notification de la proposition de rectification du 30 novembre 2017, et non qu'elle soit incorporée à ce titre.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'amende :
18. Aux termes du II de l'article 1737 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux infractions en litige commises entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2015 : " Toute omission ou inexactitude constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés aux articles 289 et 290 quinquies donne lieu à l'application d'une amende de 15 [euros]. Toutefois, le montant total des amendes dues au titre de chaque facture ou document ne peut excéder le quart du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné ".
19. En premier lieu, les dispositions précitées du II de l'article 1737 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités, qui a été ratifiée par l'article 138 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel par une décision n° 2023-1054 QPC du 16 juin 2023, qui a constaté que ces dispositions ne portaient pas atteinte au principe de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Par suite, le moyen soulevé par la société Boomkids, qui n'a pas été au demeurant présenté dans un mémoire distinct conformément aux dispositions des articles 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, et tiré de ce que les dispositions précitées du II de l'article 1737 du code général des impôts méconnaîtraient le principe constitutionnel de proportionnalité des peines, doit être écarté.
20. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".
21. En sanctionnant d'une amende fiscale les manquements aux règles de facturation, le législateur a entendu réprimer des comportements visant à faire obstacle au contrôle des comptabilités tant du vendeur que de l'acquéreur d'un produit ou d'une prestation de services et au recouvrement des prélèvements auxquels ils sont assujettis. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de lutte contre la fraude fiscale. Par ailleurs, les dispositions contestées punissent d'une amende forfaitaire d'un montant de 15 euros chaque omission ou inexactitude constatée dans une facture et prévoient, en cas de pluralité d'omissions ou inexactitudes affectant la même facture, un plafonnement du montant total des amendes égal à 25 % du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné. L'assiette du plafond est en lien avec la nature de l'infraction. Le législateur a, ce faisant, instauré une sanction qui n'est pas disproportionnée au regard de la gravité des manquements qu'il a entendu réprimer. En outre, si, dans le cas où la facture inexacte ou incomplète est d'un montant individuel inférieur à 60 euros, l'amende encourue est nécessairement égale à 25 % du montant de cette facture, l'assiette de la sanction est en lien avec la nature de l'infraction et le taux retenu n'est pas disproportionné au regard de la gravité du manquement réprimé. Le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués, manquement par manquement, et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge. Les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne l'obligent pas à procéder différemment, notamment en contrôlant la proportionnalité du montant de l'amende contestée devant lui, la société Boomkids ne pouvant ainsi utilement soutenir que le montant de l'amende qui lui a été infligée était, au cas présent, disproportionné. Par suite, alors même que les amendes sanctionnant des manquements affectant plusieurs factures peuvent être cumulées et que le juge ne peut en moduler l'application, les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
22. En dernier lieu, en se prévalant du principe d'application immédiate de la loi répressive plus douce, la société Boomkids réclame le bénéfice rétroactif des dispositions du V de l'article 1737 du code général des impôts, dans leur rédaction issue du II de l'article 62 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, en vertu desquelles l'amende mentionnée au II de l'article 1737 du code général des impôts n'est pas applicable " en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes lorsque l'infraction a été réparée spontanément ou dans les trente jours suivant une première demande de l'administration ". Toutefois, la société requérante n'établit pas qu'elle aurait réparé, soit spontanément, soit à la demande expresse de l'administration fiscale, les infractions qu'elle a commises au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, étant observé que les infractions commises au cours de la période suivante, également en litige, ne peuvent être regardées comme ayant été réalisées pour la première fois. Par suite, ce moyen doit être écarté.
23. Il résulte de tout ce qui précède que la société Boomkids n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Boomkids demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Boomkids est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Boomkids et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAU
Le président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02521