Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 19 octobre 2021 par laquelle le maire de Saint-Denis l'a informée de son opposition auprès d'Enedis, le 10 août 2021, à la demande de travaux de raccordement électrique qu'elle avait faite, ainsi que la décision portant rejet implicite de son recours gracieux, et de condamner la commune de Saint-Denis à lui verser une somme de 14 300 euros, à parfaire, en réparation de son préjudice financier, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.
Par un jugement n° 2204237 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 19 octobre 2021 et la décision portant rejet implicite du recours gracieux de
Mme A... et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 6 juin,
23 octobre et 19 décembre 2023, la commune de Saint-Denis, représentée par Me Moghrani, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 6 avril 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de son appel incident et les nouvelles conclusions qu'elle a présentées devant la Cour ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la création d'un nouveau logement par division de l'existant n'est pas subordonnée à une autorisation d'urbanisme mais doit respecter les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal, de sorte que l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme était applicable ;
- en tout état de cause, l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme était applicable à cette opération, soit directement soit par renvoi de l'article L. 421-8 du même code ;
- les dispositions de l'article 1.2.3 de la première partie du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal s'appliquent à la création de logements par division de logements existants ;
- le maire n'a commis aucune erreur de fait, dès lors que les lots 103, 104 et 105 ont été réunis par le précédent propriétaire afin de créer un seul appartement et ne constituent désormais qu'un seul lot ;
- la demande de raccordement électrique supplémentaire vise à créer un nouvel appartement par la division de l'appartement initial, laquelle serait illégale, dès lors que l'appartement est situé en zone UMTb, secteur soumis à la servitude de taille minimale des logements ;
- il résulte des articles L. 111-12, L. 421-6 et L. 421-8 du code de l'urbanisme que le maire doit refuser la demande de raccordement électrique en vue d'un branchement électrique définitif, lorsque les constructions ou transformations réalisées par le demandeur ne sont pas conformes au plan local d'urbanisme, ce qui est le cas de la création d'un nouveau logement par Mme A... ;
- aucune illégalité fautive ne peut être reprochée à la commune et Mme A... n'apporte aucun élément permettant de considérer les préjudices qu'elle invoque comme directs et certains ;
- les conclusions de Mme A... nouvelles en appel sont irrecevables ;
- le moyen tiré par Mme A... de l'illégalité de plan local d'urbanisme n'est pas fondé.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet et 27 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Teulé, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de rejeter l'appel de la commune de Saint-Denis ;
2°) d'annuler la délibération du conseil du territoire du 25 février 2020 ayant approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal ainsi que l'article 1.2.3 " servitudes de taille minimale des logements " de ce plan ;
3°) de condamner la commune de Saint-Denis à lui verser les sommes de 29 700 euros à parfaire, au titre de son préjudice de perte de chance, et de 2 497 euros au titre de son préjudice financier, assorties des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de la capitalisation des intérêts ;
4°) de réformer le jugement attaqué dans cette mesure ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés ;
- le moyen tiré de l'application de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme est irrecevable et inopérant ;
- l'article 1.2.3 " servitudes de taille minimale des logements " du plan local d'urbanisme et la délibération du conseil de territoire du 25 février 2020 ayant approuvé ce plan sont entachés d'illégalité ;
- l'opposition illégale du maire de la commune de Saint-Denis à sa demande de raccordement électrique constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
- la perte de chance de percevoir des revenus locatifs revêt un caractère certain et non éventuel ;
- elle a été privée de la possibilité de louer deux appartements depuis le 12 septembre 2021 ;
- elle subit un préjudice financier du fait de la suspension des travaux durant la procédure d'appel et de la soumission de son bien à la taxe sur les logements vacants.
Par une ordonnance du 19 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au
10 janvier 2024 à 12 heures.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office les moyens tirés de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident de Mme A..., qui soulèvent un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal, de l'inapplicabilité au litige des articles R. 421-2 à R. 421-8-2 du code de l'urbanisme, dès lors que les travaux projetés ne peuvent être regardés comme une construction nouvelle, et de l'incompétence du maire de la commune pour s'opposer au raccordement envisagé, en vertu de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, dès lors que les travaux projetés étaient dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 4 novembre 2024, Mme A... soutient que :
- les conclusions de son appel incident ne soulèvent pas un litige distinct et ne sont donc pas tardives ;
- le maire a commis une erreur de droit en se fondant sur les articles R. 421-2 à R. 421-8-2 du code de l'urbanisme ;
- l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme ne s'applique qu'au raccordement des constructions illégales, ce qui n'est pas le cas de l'appartement dont elle demande le raccordement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fombeur,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- les observations de Me Moghrani, avocat de la commune de Saint-Denis,
- et les observations de Me Teulé, avocate de Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a acquis le 2 juillet 2021 trois lots réunis formant un appartement de
57 mètres carrés, dans un immeuble situé boulevard Jules Guesde à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Le 9 juillet 2021, elle a demandé à la société Enedis un raccordement supplémentaire au réseau électrique pour son appartement, lequel lui a été refusé en raison de l'opposition formée par la commune de Saint-Denis le 10 août 2021. En réponse au courrier de Mme A... du 24 septembre 2021 demandant au maire d'attester de cette décision et de lui en donner les motifs, le maire, par une lettre du 19 octobre 2021, lui a indiqué que le raccordement supplémentaire demandé était destiné à alimenter un appartement qu'elle souhaitait créer par la division de l'appartement dont elle était propriétaire, alors que ce bien était situé dans un secteur soumis à la servitude de taille minimale des logements et en zone UMTb du plan local d'urbanisme intercommunal et que la création du logement envisagée ne respectait pas l'article 1.2.3. du règlement de ce plan, exigeant que 50 % des logements créés aient une surface d'au moins 50 mètres carrés. Mme A... a ensuite formé un recours gracieux reçu le 24 novembre 2021, qui a été implicitement rejeté au terme d'un délai de deux mois. La commune de Saint-Denis fait appel du jugement du 6 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 19 octobre 2021 par laquelle son maire s'est opposé à la demande de raccordement électrique de Mme A..., ainsi que la décision portant rejet implicite de son recours gracieux.
Sur l'appel de la commune de Saint-Denis :
Sur le cadre juridique du litige :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " A l'exception des constructions et des travaux mentionnés aux b et e de l'article L. 421-5 et à l'article L. 421-5-1, les constructions, aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code doivent être conformes aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6 ". Aux termes de cet article : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ".
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, citées au point 2, que le maire peut, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale destinés à assurer le respect des règles d'utilisation des sols, s'opposer au raccordement définitif au réseau d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone des bâtiments, locaux ou installations qui, faute de disposer de l'autorisation d'urbanisme ou de l'agrément nécessaire, sont irrégulièrement construits ou transformés. En revanche, la seule circonstance que des constructions, aménagements, installations et travaux ne seraient pas conformes aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ne donne pas compétence au maire pour s'opposer à un tel raccordement.
Sur la légalité de la décision du maire de Saint-Denis de s'opposer au raccordement supplémentaire au réseau électrique sollicité par Mme A... :
5. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire, à l'exception : / a) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8-2 qui sont dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme ; / b) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à
R. 421-12 qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ". Aux termes de l'article R. 421-13 du même code : " Les travaux exécutés sur des constructions existantes sont dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme à l'exception : / a) Des travaux mentionnés aux articles R. 421-14 à R. 421-16, qui sont soumis à permis de construire ; / b) Des travaux mentionnés à l'article R. 421-17, qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les travaux d'aménagement intérieur envisagés par Mme A..., qui consistent à diviser de nouveau en deux appartements un appartement résultant de la réunion de trois lots, ne peuvent être regardés comme une construction nouvelle, de sorte que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a recherché s'ils relevaient des constructions, aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité en vertu des articles R. 421-2 et suivants du code de l'urbanisme. Il ressort de ces mêmes pièces, d'autre part, que ces travaux, exécutés sur une construction existante, ne modifient pas l'aspect extérieur de l'immeuble, ne changent pas sa destination, ne créent pas de surface de plancher et n'ont pas pour effet de modifier ou supprimer un élément protégé par un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou identifié par le plan local d'urbanisme intercommunal. De tels travaux, qui ne sont mentionnés ni aux articles R. 421-14 à R. 421-16 ni à l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, sont dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme.
7. Il suit de là que le raccordement au réseau d'électricité de l'appartement recréé par la division en deux de l'appartement acquis par Mme A... n'entrait pas dans le champ de l'article
L. 111-12 du code de l'urbanisme. Par suite, le maire de Saint-Denis ne tenait d'aucun texte ni d'aucun principe le pouvoir de s'opposer au raccordement qu'elle sollicitait auprès de la société Enedis.
8. Il résulte de ce qui précède que le maire de Saint-Denis ne pouvait légalement s'opposer au raccordement en litige, sur le fondement de l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme, au motif que les travaux de transformation engagés par Mme A... auraient méconnu le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine Commune. Les moyens tirés de l'absence de méconnaissance de ce règlement ou, par la voie de l'exception, de son illégalité sont ainsi sans incidence sur la solution du litige.
9. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est susceptible de fonder, en l'état du dossier, l'annulation du refus de raccordement critiqué.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Denis n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 19 octobre 2021 par laquelle le maire de la commune s'est opposé à la demande de raccordement électrique de Mme A..., ainsi que la décision portant rejet implicite du recours gracieux de cette dernière.
Sur les conclusions présentées par Mme A... devant la Cour :
11. Les conclusions de l'appel incident de Mme A... dirigées contre l'article 3 du jugement du tribunal administratif en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires, présentées après l'expiration du délai d'appel, soulèvent un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal. Dès lors, elles ne sont pas recevables.
12. Les conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de la délibération du conseil de territoire de l'établissement public territorial Plaine Commune du 25 février 2020 ayant approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal et de l'article 1.2.3 de ce plan sont présentées pour la première fois en cause d'appel. Par suite, la commune de Saint-Denis est fondée à soutenir qu'elles sont irrecevables.
Sur les frais liés au litige :
13. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de de la commune de Saint-Denis une somme de 1 500 euros à verser à Mme A... à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Denis est rejetée.
Article 2 : La commune de Saint-Denis versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel de Mme A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Denis et à Mme C... A....
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour, rapporteure ;
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024
La présidente assesseure,
M. B...
La présidente-rapporteure,
P. FOMBEUR
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02497