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05/12/2024 | FRANCE | N°23PA02490

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 05 décembre 2024, 23PA02490


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Boomkids a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, du rappel de retenue à la source auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2015.



Par un jugement n° 1910429 du 17 mai 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregi

strée le 6 juin 2023, la société Boomkids, représentée par Me Planchat, demande à la Cour :



1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Boomkids a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, du rappel de retenue à la source auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 1910429 du 17 mai 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2023, la société Boomkids, représentée par Me Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2023 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'administration fiscale l'a regardée à tort comme ayant consenti une libéralité à Mme A... B... et que, par conséquent, la somme de 193 869,80 euros, qui ne constitue pas un revenu distribué, ne peut faire l'objet d'une retenue à la source.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé par la société requérante n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord signé le 21 octobre 2010 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, ainsi que son protocole signé le même jour entre les parties ;

- l'accord signé le 26 novembre 2013 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, ainsi que son protocole signé le même jour entre les parties ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Boomkids, qui exerce une activité d'import-export ainsi que de vente en gros et au détail de vêtements, chaussures, sacs et accessoires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle lui a été notifié, notamment, un rappel de retenue à la source au titre de l'année 2015. La société Boomkids fait appel du jugement du 17 mai 2023 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de cette imposition.

Sur le fond :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale interne :

2. Aux termes de l'article 108 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : / 1° Les personnes morales passibles de l'impôt [sur les sociétés] / (...) ". Aux termes de l'article 111 de ce code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes / (...) ". Aux termes du 2 de l'article 119 bis du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes du 1 de l'article 187 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " (...) le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : / (...) / - 30 % pour tous les autres revenus (...) ".

3. Il résulte de l'instruction qu'en règlement partiel de trois factures émises les 15 et 16 janvier 2015 pour un montant global de 235 862,50 euros par la société Star Pointer Limited, établie à Hong Kong, fournisseur de la société Boomkids, alors dénommée " société Nathalie B. ", cette dernière a effectué le 30 mars 2015 un virement bancaire pour un montant de 193 869,80 euros à destination du compte bancaire détenu en Chine par Mme A... B..., alors que ce virement s'est traduit, dans la comptabilité de la société requérante, par un débit de même montant dans le compte fournisseur intitulé " Star Pointer Limited ". Ayant constaté que Mme A... B... était une associée de la société chinoise Wenzhou Faliya Trade Co, qui est un autre fournisseur de la société Boomkids, et qu'il existe un compte fournisseur ouvert au nom de la société Wenzhou Faliya Trade Co dans les écritures comptables de la société requérante, le service a considéré que la somme de 193 869,80 euros devait être regardée comme une libéralité consentie à un tiers dès lors que la société requérante n'avait pas établi, selon lui, l'existence d'une relation d'affaires entre la société Star Pointer Limited, d'une part, et Mme A... B... ou la société Wenzhou Faliya Trade Co, d'autre part.

4. La société requérante produit, en partie pour la première fois en appel, divers documents chinois, traduits par un traducteur expert auprès de la Cour d'appel de Versailles, desquels il ressort que la société Star Pointer Limited aurait demandé le 3 octobre 2014 à la société Boomkids de régler sa dette de 235 862,50 euros auprès de la société Wenzhou Faliya Trade Co, que, par une correspondance du 15 mars 2015, cette dernière aurait indiqué à la société Boomkids avoir déjà reçu de sa part un acompte de 41 892 euros le 9 octobre 2014 mais serait toujours en attente du règlement de la somme de 193 869,80 euros et qu'enfin, par une correspondance du 18 mai 2018, la société Wenzhou Faliya Trade Co aurait informé la société Boomkids que cette dernière aurait réglé les sommes de 41 892 euros et 193 869,80 euros respectivement les 9 octobre 2014 et 30 mars 2015. Toutefois, ces éléments, qui n'ont d'ailleurs pas de date certaine, ne sont pas, en tout état de cause, de nature à établir que la dette de 193 869,80 euros de la société requérante envers la société Star Pointer Limited se serait trouvée éteinte entre les mains de la société Wenzhou Faliya Trade Co dès lors qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, le service a établi qu'il n'existait aucun lien capitalistique entre les deux fournisseurs chinois de la société Boomkids, que, d'autre part, le document du 3 octobre 2014 n'est pas à lui seul suffisant pour établir que la société Wenzhou Faliya Trade Co détiendrait envers la société Star Pointer Limited une dette de 193 869,80 euros justifiant le virement de cette somme à Mme A... B..., associée de la société Wenzhou Faliya Trade Co, étant par ailleurs observé que ce document indique que la société Boomkids doit à la société Star Pointer Limited une somme globale de 235 862,50 euros alors que les factures correspondantes ont été émises par la société Star Pointer Limited trois mois plus tard, et qu'enfin, il n'est pas établi, en l'absence de production de tout relevé bancaire retraçant les flux financiers allégués dans les documents produits par la société Boomkids, que Mme A... B..., qui a reçu la somme en litige sur son compte bancaire personnel, aurait reversé ladite somme à la société Wenzhou Faliya Trade Co le 30 mars 2015 comme le laisse implicitement supposer la correspondance du 18 mai 2018. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la somme de 193 869,80 euros devait être imposée entre les mains de la société Boomkids sur le fondement des dispositions précitées du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dès lors que cette somme a le caractère d'un avantage occulte, au sens et pour l'application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, consenti à Mme A... B... qui n'est pas fiscalement domiciliée en France.

En ce qui concerne l'application des accords et protocoles fiscaux liant la France au Gouvernement populaire de Chine et au Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine :

5. D'une part, aux termes de l'article 4 de l'accord fiscal franco-chinois du 26 novembre 2013, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Au sens du présent Accord, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son lieu d'enregistrement, de son siège de direction effective ou tout autre critère de nature analogue et s'applique aussi à cet Etat ainsi qu'à toutes ses collectivités locales. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat / (...) ". Aux termes de l'article 10 de cet accord, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat / 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : / a) 5 % du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société (...) qui détient directement au moins 25 % du capital de la société qui paie les dividendes / b) 10 % du montant brut des dividendes dans tous les autres cas / (...) / Les dispositions de ce paragraphe n'affectent pas l'imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes / 3. Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne les revenus provenant de toutes formes d'actions ou autres droits et parts bénéficiaires, à l'exception des créances, ainsi que les revenus d'autres parts sociales soumises au même régime fiscal que les revenus d'actions par la législation de l'Etat dont la société distributrice est un résident / (...) ". Aux termes du paragraphe 4 du protocole fiscal franco-chinois du 26 novembre 2013, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " En ce qui concerne le paragraphe 3 de l'article 10, il est entendu que le terme " dividendes " inclut également, lorsque la société distributrice est résidente de France, les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale française ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 4 de l'accord fiscal conclu le 21 octobre 2010 entre la France et la Région administrative spéciale de Hong Kong, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Au sens du présent Accord, l'expression " résident d'une Partie contractante " désigne toute personne qui, en vertu de la législation en vigueur de cette Partie, est assujettie à l'impôt dans cette Partie, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue et s'applique aussi à cette Partie ainsi qu'à toutes ses collectivités territoriales et aux personnes morales de droit public de cette Partie ou de ses collectivités territoriales. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cette Partie que pour les revenus de sources situées dans cette Partie / (...) ". Aux termes de l'article 10 de cet accord, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'une Partie contractante à un résident de l'autre Partie contractante sont imposables dans cette autre Partie / 2. a) Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans la Partie contractante dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cette Partie, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l'autre Partie contractante, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 pour cent du montant brut des dividendes / b) Le présent paragraphe n'affecte pas l'imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes / 3. Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de la Partie contractante dont la société distributrice est un résident / (...) ".

7. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... B..., bénéficiaire des distributions réalisées par la société Boomkids, résidente de France, aurait sa résidence fiscale en Chine ou dans la Région administrative spéciale de Hong Kong au sens et pour l'application des stipulations citées aux points 5 et 6. Par suite, les stipulations précitées de l'article 10 de l'accord fiscal conclu le 21 octobre 2010 entre la France et la Région administrative spéciale de Hong Kong et de l'article 10 de l'accord fiscal franco-chinois du 26 novembre 2013 ne sont pas applicables à la distribution de 193 869,80 euros en litige.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Boomkids n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Boomkids demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Boomkids est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Boomkids et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU

Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02490
Date de la décision : 05/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : CABINET NATAF & PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-05;23pa02490 ?
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