Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Vivendi a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais d'assiette qui lui ont été assignés au titre de l'année 2011.
Par un jugement n° 2104204/1 du 16 mars 2023, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement le 25 mai 2023 et le 4 décembre 2023 la société Vivendi, représentée par Mes Austry et Bussac, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2104204/1 du 16 mars 2023 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais d'assiette qui lui ont été assignés au titre de l'année 2011 ainsi que des intérêts de retard correspondants ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les honoraires de la société Barclays Capital Inc. sont déductibles de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dès lors qu'elles constituent des services extérieurs au sens de la réglementation comptable et de l'article 1586 sexies du code général des impôts ;
- ces honoraires ne constituent pas des frais d'intermédiation inhérents à la cession des titres NBCU mais relèvent des prestations de conseil ;
- ces honoraires ne pouvaient être comptabilisés qu'en charges courantes ;
- elle est fondée à se prévaloir de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-6-E-1-10 du 3 juin 2010.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Vivendi ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Merchadier et Me Bussac pour la société Vivendi.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de la comptabilité de la société Vivendi, l'administration a, notamment, rehaussé par une proposition de rectification du 10 juillet 2015 la base imposable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) due par cette société au titre de l'année 2011, en excluant des déductions de la valeur ajoutée des honoraires, d'un montant de 7 175 515 euros, inscrits au débit d'un compte de charges d'honoraires. A la suite du rejet de sa réclamation la société Vivendi a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires. Elle relève appel du jugement par lequel le Tribunal a rejeté sa demande.
2. La société Vivendi a inscrit le 9 février 2011, au débit du compte de charges n° 6226400, un montant de 7 175 515 euros, qui correspond à un paiement à la banque Barclays Capital Inc. d'une facture relative à une prestation en lien avec l'opération de cession des titres NBC Universal (NBC-U) à la société General Electric, en septembre 2010 et janvier 2011. Elle a ensuite, dans sa déclaration relative à la CVAE de l'année 2011, inscrit ces frais dans la rubrique " autres services extérieurs ", venant en déduction dans le calcul de la valeur ajoutée. Pour mettre à la charge de la société Vivendi le supplément de CVAE en litige, l'administration fiscale a considéré que cette dépense constituait des frais inhérents à la cession de titres de participation et ne pouvait venir en déduction de la base imposable à la CVAE.
Sur l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 1586 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : 1. Le chiffre d'affaires est égal à la somme : -des ventes de produits fabriqués, prestations de services et marchandises ; (...) -des plus-values de cession d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : -des autres produits de gestion courante (...) ; b) Et, d'autre part : -les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ;(...) -les services extérieurs (...) -les autres charges de gestion courante, autres que les quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ; (...) -les moins-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante ". Si ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée, et s'il y a lieu, pour leur application, de se reporter aux normes comptables dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration puisse contrôler l'exactitude des montants déclarés en chiffre d'affaires, et ainsi remettre en cause, le cas échéant, le bien-fondé d'une écriture comptable et, par voie de conséquence, exclure du calcul de la valeur ajoutée de l'entreprise des sommes qui devraient être regardées comme des produits ou charges relatifs à des cessions d'immobilisations ne se rapportant pas à une activité normale et courante.
4. Il est constant que la somme 175 515 euros objet du litige a été comptabilisée par la société Vivendi dans un compte n° 62264 qui correspond aux " honoraires sur legs ou donations destinés à être cédés " et a été intitulée : honoraires de succès " success fees NBCU " sur la ligne comptable concernée, le plan comptable général applicable à la société prévoyant que le compte 622 est destiné aux " Rémunérations d'intermédiaires et honoraires ". Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la facture établie par la société Barclays Capital Inc., ainsi que des termes de la lettre d'engagement du 2 décembre 2009, qui définit les prestations ainsi facturées en prévoyant notamment le versement de " total success fees " ou " commissions de succès " et de " incentive fees " ou " commissions incitatives ", que lesdites sommes ont rémunéré des services de conseil financier en rapport direct et exclusif avec l'accord initial d'achat des actions NBC-U conclu entre Vivendi et General Electric en 2009, et avec l'aboutissement de la cession des titres restants de NBC-U.
5. Dans ces conditions, les frais inhérents à cette cession doivent être rattachés à cette opération exceptionnelle, tant par son montant que par sa nature eu égard notamment à l'activité de la société Vivendi, et ne peuvent donc être regardés comme des charges relevant des opérations courantes. Par suite, l'administration était fondée, en application des dispositions précitées de l'article 1586 sexies du code général des impôts, à exclure la déduction de ces honoraires dans le calcul de la base imposable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de la société requérante au titre de l'année 2011.
Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale par la doctrine administrative :
6. La société requérante se prévaut, sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 31 de la doctrine administrative publiée au BOI sous la référence 6E-1-10 à jour le 3 juin 2010, aux termes duquel : " Les services extérieurs s'entendent de l'ensemble des charges à comptabiliser dans les comptes 611 et 613 à 629 du PCG. Sont par conséquent déductibles les frais enregistrés aux comptes : (...) 622 Rémunérations d'intermédiaires et honoraires ".
7. Toutefois, ainsi qu'il est jugé au point 5, les honoraires en cause ne relèvent pas de la gestion courante de la société Vivendi, mais constituent des charges exceptionnelles qui, comme telles, devaient dès lors être inscrites non pas au compte 622 ainsi que le relève le ministre dans ses écritures, mais dans l'un des sous-comptes du compte 67, " charges exceptionnelles ", lequel ne figure pas au nombre de ceux qui sont limitativement énumérés au paragraphe 31 de la doctrine dont la société Vivendi revendique le bénéfice.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vivendi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Vivendi est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vivendi et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Laforêt, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02333