Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A..., née C..., a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 août 2021 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a classé le poste qu'elle occupe dans le groupe 2 de la cartographie du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel du corps des adjoints administratifs de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Par un jugement n° 2205776/5-3 du 22 février 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Montpellier, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 février 2023 ;
2°) d'ordonner à l'administration de communiquer son dossier administratif ;
3°) d'annuler la décision du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 30 août 2021 ;
4°) d'enjoindre à l'administration le reclassement de son poste dans le groupe 1 de la cartographie du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel de son corps ;
5°) d'enjoindre à l'administration de lui verser l'intégralité des sommes dues au titre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel pour la période du 1er novembre 2018 au 31 août 2021 ;
6°) d'enjoindre à l'administration de revaloriser de 6 % la base corrigée du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel au titre de l'année 2021 ;
7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
8°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Elle soutient que :
S'agissant du jugement attaqué :
- les premiers juges n'ont pas répondu à la fin de non-recevoir opposée par le ministre ;
- le tribunal n'a pas fait usage de ses pouvoirs d'instruction ;
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision attaquée n'est pas motivée ;
S'agissant de la décision attaquée :
- elle n'est pas motivée ;
- elle est illégale en ce qu'elle retire une décision créatrice de droits ;
- le principe d'égalité de traitement a été méconnu ;
- elle exerce au sein de son poste des fonctions relevant du groupe 1.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2024, la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- les conclusions de première instance présentées par la requérante sont irrecevables en raison de leur tardiveté ;
- le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision attaquée, soulevé pour la première fois en appel, est irrecevable ;
- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2006-1760 du 23 décembre 2006 ;
- le décret n° 2008-1386 du 19 décembre 2008 ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- l'arrêté du 20 mai 2014 pris pour l'application aux corps d'adjoints administratifs des administrations de l'Etat des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., adjointe administrative principale de 2ème classe du corps des adjoints administratifs de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche jusqu'au 31 août 2021, a été affectée à la direction générale des ressources humaines du ministère de l'enseignement supérieur pour occuper un poste de gestion des enseignants-chercheurs et de soutien aux instances relatives aux enseignants de l'enseignement supérieur à compter du 1er novembre 2018. Par une décision du 30 août 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a fixé à 6 100 euros le montant annuel de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) à compter du 1er janvier 2021 et a indiqué que le poste de Mme A... relevait du groupe 2 du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) de son corps. Mme A... fait appel du jugement du 22 février 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si Mme A... a entendu soutenir que le Tribunal administratif de Paris a omis de répondre expressément au moyen soulevé en défense par le ministre et tiré de ce que sa requête serait irrecevable en raison de sa tardiveté, les premiers juges, qui avaient rejeté sa demande en regardant comme fondée la décision attaquée, n'étaient pas tenus de répondre à la fin de non-recevoir opposée par le ministre. Par suite, ce moyen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, si la requérante reproche aux premiers juges de ne pas avoir demandé au ministre la communication de tout élément de nature à établir la nature des fonctions qu'elle a exercées au sein de son poste, il ne résulte d'aucune règle ou principe général du droit que le tribunal administratif, qui a répondu aux moyens tels qu'ils étaient argumentés par la requérante et au vu des pièces produites par les parties, était tenu de faire préalablement usage de ses pouvoirs d'instruction et d'ordonner au ministre de communiquer l'ensemble des pièces en sa possession. Par suite, ce moyen doit être écarté.
4. En dernier lieu, si la requérante a entendu soutenir que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision attaquée ne serait pas motivée, il ressort des pièces de la procédure de première instance que l'intéressée n'a pas soulevé un tel moyen devant le tribunal. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Sur le fond :
5. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un RIFSEEP dans la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 (...) peuvent bénéficier (...) d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (...) dans les conditions fixées par le présent décret / Des arrêtés du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé désignent (...) des corps et emplois bénéficiant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel / Le nombre de groupes de fonctions est fixé pour chaque corps ou statut d'emploi par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé / Ce même arrêté fixe les montants minimaux par grade et statut d'emplois, les montants maximaux afférents à chaque groupe de fonctions et les montants maximaux applicables aux agents logés par nécessité de service / (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 20 mai 2014 pris pour l'application aux corps d'adjoints administratifs des administrations de l'Etat des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 : " Les dispositions du présent arrêté s'appliquent [au corps des adjoints administratifs de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche] (...) ". En vertu de l'article 2 de cet arrêté, les fonctions occupées par les membres du corps des adjoints administratifs de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relèvent soit du groupe 1 soit du groupe 2 mentionnés à l'article 2 du décret du 20 mai 2014 précité. Par ailleurs, en vertu des articles 2 et 4 du même arrêté, le montant annuel de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) pouvant être attribué à un adjoint administratif principal de 2ème classe exerçant ses fonctions en administration centrale est compris entre 1 600 euros et, selon que ses fonctions relèvent du groupe 2 ou du groupe 1, 11 880 euros ou 12 150 euros.
7. Enfin, l'annexe 2 à la note ministérielle du 14 novembre 2016 relative à la mise en œuvre du RIFSEEP au bénéfice des personnels de l'administration centrale du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche prévoit, s'agissant des adjoints administratifs exerçant leurs fonctions en administration centrale, que, d'une part, les fonctions de chef d'équipe ou coordonnateur d'une équipe, de régisseur d'avance et de recette, d'assistant de direction auprès de l'encadrement supérieur ou les fonctions à compétences rares relèvent du groupe 1 et que, d'autre part, les fonctions d'assistant ou de secrétaire, de gestionnaire ou de gestion de l'accueil du public relèvent du groupe 2.
8. En premier lieu, Mme A... n'avait, en première instance, présenté que des moyens de légalité interne contre la décision attaquée. Ainsi, comme le soutient à bon droit la ministre, la requérante n'est pas recevable, en appel, à soutenir que cette décision serait entachée d'un défaut de motivation, ce moyen reposant sur une cause juridique différente de celle qui fondait ses moyens de première instance. Par suite, ce moyen doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut (...) retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative (...) que si elle est illégale et si (...) le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Aux termes de l'article L. 242-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : / 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie / (...) ".
10. Mme A... soutient que la décision attaquée est illégale en ce qu'elle retire une décision créatrice de droits. Toutefois, il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que celle-ci n'avait ni pour objet ni pour effet de retirer ou, comme le fait valoir la ministre, d'abroger les décisions des 16 décembre 2019 et 16 décembre 2020 par lesquelles il lui avait été indiqué que le poste qu'elle occupe relevait du groupe 1 au titre des années 2019 et 2020. Par ailleurs, si la décision attaquée peut être regardée comme ayant retiré la décision du 31 mai 2021 par laquelle il est indiqué que le montant annuel de l'IFSE est fixé à 5 620 euros à compter du 1er janvier 2021 et que le poste de Mme A... relève du groupe 1, il ressort des pièces du dossier que ce retrait est intervenu dans des conditions régulières dès lors que, d'une part, la décision du 31 mai 2021 est illégale en ce que, ainsi qu'il sera dit au point 12, les fonctions exercées par la requérante depuis son affectation du 1er novembre 2018 ne relèvent pas du groupe 1 et que, d'autre part, le retrait est intervenu dans le délai de quatre mois suivant l'édiction de la décision du 31 mai 2021. Enfin, à supposer que la décision attaquée visait, comme le fait valoir la ministre, à abroger la décision du 31 mai 2021, cette abrogation pouvait intervenir à tout moment, le maintien de cette décision n'étant pas légalement justifié compte tenu de ce qui sera dit au point 12. Par suite, ce moyen doit être, en tout état de cause, écarté.
11. En troisième lieu, il résulte des dispositions citées au point 5 que le bénéfice de l'IFSE est déterminé pour chaque corps de fonctionnaires par les dispositions réglementaires prises sur leur fondement. Dès lors, Mme A... ne peut utilement soutenir que le principe d'égalité de traitement, qui s'applique, s'agissant de cette indemnité, aux fonctionnaires appartenant à un même corps, aurait été méconnu au motif que son poste a été classé dans le groupe 3 lorsqu'il était occupé par sa prédécesseuse, membre du corps des secrétaires administratifs de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, et que, du fait de cette circonstance, son poste aurait dû être classé dans le groupe 1. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe d'égalité de traitement aurait été méconnu doit être écarté.
12. En dernier lieu, Mme A... soutient qu'elle exerce au sein de son poste des fonctions relevant du groupe 1. S'il ressort des pièces du dossier, et notamment des comptes rendus d'entretien professionnel établis au titre des années 2019, 2020 et 2021, que le supérieur hiérarchique direct de Mme A... a relevé une très grande implication professionnelle de celle-ci au fil des années et que la reconnaissance de sa contribution à l'activité du service, notamment grâce à son intérêt et à sa maîtrise de l'outil informatique, s'est traduite par une actualisation de sa fiche de poste faisant apparaître un sensible élargissement de ses missions, ces éléments ne révèlent toutefois pas que l'extension du champ des missions de Mme A... se serait traduit, avant l'intervention de la décision attaquée, par un changement de la nature même des fonctions exercées par l'intéressée, alors que, par ailleurs, la fiche de poste actualisée en 2021 indique, comme celle établie en 2018, que le poste en cause vise à exercer des fonctions de gestionnaire des ressources humaines, d'une part, et que les comptes rendus d'entretien professionnel précisent que la requérante n'a encadré aucun agent ni n'a assumé aucune fonction de conduite de projet, d'autre part. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait effectivement exercé des fonctions relevant du groupe 1 avant l'intervention de la décision attaquée.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la communication de son dossier administratif ni de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., née C..., et à la ministre de l'éducation nationale.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,
B. AUVRAY
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01889