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29/11/2024 | FRANCE | N°24PA01981

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 29 novembre 2024, 24PA01981


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision née du silence gardé par la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) sur sa demande d'autorisation d'exercice de la profession de chirurgien-dentiste en France, d'enjoindre à la ministre du travail, de la santé et des solidarités ou, subsidiairement, à la directrice générale du CNG, d

e procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision née du silence gardé par la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) sur sa demande d'autorisation d'exercice de la profession de chirurgien-dentiste en France, d'enjoindre à la ministre du travail, de la santé et des solidarités ou, subsidiairement, à la directrice générale du CNG, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat et, subsidiairement, du CNG, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2208512 du 8 mars 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 mai 2024 et 17 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Thomas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 mars 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de rejet par le ministre de la Santé de sa demande d'autorisation d'exercice de la profession de chirurgien-dentiste en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de la Santé de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat ou du CNG la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la substitution au motif tiré du défaut d'exercice pendant trois ans en Espagne du motif fondé sur l'absence d'équivalence des qualifications professionnelles opérée par le tribunal l'a privée de la garantie tenant à l'avis préalable de la commission d'autorisation d'exercice et cette substitution ne pouvait donc être régulièrement opérée ;

- le CNG s'étant cru lié par l'article L. 4111-2 II du code de la santé publique n'a pu procéder à l'examen comparatif auquel sont soumises les demandes d'autorisation d'exercice relevant de la libre circulation dans l'Union européenne ;

- elle n'a pas été mise à même de compléter son dossier comme il est possible de le faire devant la commission d'autorisation, ni de justifier des qualifications manquantes au moyen de mesures compensatoires ;

- la directrice du CNG n'a pu légalement refuser de lui délivrer l'autorisation d'exercice sollicitée sans lui prescrire de mesures de compensations comme le prévoit la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne, alors surtout qu'elle avait fait état de nouvelles qualifications acquises depuis le dépôt de sa demande d'autorisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2024, la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au

16 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Thomas, avocate de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante française, est titulaire d'un diplôme de chirurgien-dentiste délivré par l'université nationale autonome de Mexico au Mexique le 17 janvier 2013 avec une spécialité en orthodontie délivrée ultérieurement par l'université latinoaméricaine du Mexique le

23 août 2019. Par une décision du 27 juin 2019, les autorités espagnoles ont reconnu l'équivalence de son diplôme de chirurgien-dentiste avec le diplôme espagnol nécessaire à l'exercice de cette profession. L'intéressée a demandé l'autorisation d'exercer la profession de chirurgien-dentiste en France à la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG), par courrier notifié le 10 novembre 2021, demande qui a été implicitement rejetée. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Paris d'une requête tendant à l'annulation de la décision née le 10 janvier 2022 du silence gardé par la directrice générale du CNG sur sa demande. Le tribunal ayant rejeté cette requête par un jugement du 8 mars 2024, elle relève appel dudit jugement.

Sur la légalité de la décision attaquée :

2. Aux termes de l'article L. 4111-1 du code de la santé publique : " Nul ne peut exercer la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme s'il n'est : 1° Titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4131-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 4141-3 du même code : " Les titres de formation exigés en application du 1° de l'article L. 4111-1 sont pour l'exercice de la profession de chirurgien-dentiste : / 1° Soit le diplôme français d'Etat de docteur en chirurgie dentaire ; / 2° Soit le diplôme français d'Etat de chirurgien-dentiste ; / 3° Soit, si l'intéressé est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) / : a) Les titres de formation de praticien de l'art dentaire délivrés par l'un de ces Etats conformément aux obligations communautaires et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé (...) ". Aux termes du II de l'article

L. 4111-2 du code de la santé publique, pris pour la transposition de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, dans sa rédaction applicable : " L'autorité compétente peut également, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer la profession de médecin dans la spécialité concernée, de chirurgien-dentiste, le cas échéant dans la spécialité, ou de sage-femme les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, titulaires de titres de formation délivrés par un Etat tiers, et reconnus dans un Etat, membre ou partie, autre que la France, permettant d'y exercer légalement la profession. S'agissant des médecins et, le cas échéant, des chirurgiens-dentistes, la reconnaissance porte à la fois sur le titre de base et sur le titre de spécialité. L'intéressé justifie avoir exercé la profession, le cas échéant dans la spécialité, pendant trois ans à temps plein ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente dans cet Etat, membre ou partie. Dans le cas où l'examen des qualifications professionnelles attestées par l'ensemble des titres de formation initiale, de l'expérience professionnelle pertinente et de la formation tout au long de la vie ayant fait l'objet d'une validation par un organisme compétent fait apparaître des différences substantielles au regard des qualifications requises pour l'accès à la profession et son exercice en France, l'autorité compétente exige que l'intéressé se soumette à une mesure de compensation dans la spécialité ou le domaine concerné. Selon le niveau de qualification exigé en France et celui détenu par l'intéressé, l'autorité compétente peut soit proposer au demandeur de choisir entre un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, soit imposer un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, soit imposer un stage d'adaptation et une épreuve d'aptitude. La nature des mesures de compensation selon les niveaux de qualification en France et dans les autres Etats, membres ou parties, est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. ".

3. En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-31/00 du 22 janvier 2002, confirmée en dernier lieu par l'arrêt C-166/20 du 8 juillet 2021, il découle des articles 45 et 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, que, lorsque les autorités d'un Etat membre sont saisies par un ressortissant de l'Union d'une demande d'autorisation d'exercer une profession dont l'accès est, selon la législation nationale, subordonné à la possession d'un diplôme, d'une qualification professionnelle ou encore à des périodes d'expérience pratique, et que, faute pour le demandeur de disposer de l'expérience pratique exigée pour y exercer une profession réglementée, sa situation n'entre pas dans le champ d'application de la directive 2005/36 modifiée, elles sont tenues de prendre en considération l'ensemble des diplômes, certificats et autres titres, ainsi que l'expérience pertinente de l'intéressé, en rapport avec cette profession, acquis tant dans l'Etat membre d'origine que dans l'Etat membre d'accueil, en procédant à une comparaison entre d'une part les compétences attestées par ces titres et cette expérience et, d'autre part, les connaissances et qualifications exigées par la législation nationale.

4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des écritures en défense, que la directrice générale du CNG a rejeté la demande d'autorisation d'exercice présentée par Mme A..., qui avait acquis la nationalité française quelques mois avant le dépôt de sa demande d'autorisation d'exercer en France, au motif qu'elle ne satisfaisait pas à la condition posée par l'article L. 4111-2 II du code de la santé publique précité de justifier de trois ans d'exercice de son activité professionnelle en Espagne, c'est-à-dire dans l'Etat membre de l'Union ayant reconnu les diplômes qu'elle avait obtenus dans un Etat tiers, le Mexique. Toutefois, si cette circonstance n'est pas contestée par Mme A..., il appartenait à l'autorité compétente, en application des articles 45 et 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne dans sa jurisprudence rappelée au point précédent, pour statuer sur sa demande d'autorisation, de se livrer à une appréciation de l'ensemble des diplômes, certificats et autres titres, ainsi que de l'expérience pertinente de l'intéressée. Or, alors que le CNG, dans ses écritures en défense devant le tribunal, indiquait lui-même que dès lors que Mme A... ne justifiait pas des trois années de pratique professionnelle requises, il s'estimait en situation de compétence liée pour rejeter sa demande et qu'il n'était " pas plus tenu d'examiner sa demande d'autorisation d'exercice sur un autre fondement juridique ". ", il ne ressort pas des pièces du dossier que le CNG aurait procédé, comme il devait le faire, à une comparaison entre les compétences attestées par l'ensemble des diplômes, certificats et autres titres détenus par

Mme A... et son expérience pertinente avec les connaissances et qualifications exigées par la législation française avant de prendre la décision litigieuse. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que la décision implicite de refus née du silence gardé par la directrice du CNG sur sa demande présentée le 10 novembre 2021 est entachée d'une erreur de droit et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Le présent arrêt implique nécessairement que l'administration statue à nouveau sur la demande de l'intéressée. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre à la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer cette demande dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 8 mars 2024 du tribunal administratif de Paris et la décision implicite de rejet par la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière de la demande d'autorisation d'exercer en France présentée par Mme A..., sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière de procéder au réexamen de la demande de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.

Article 3 : Le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière et à la ministre de la santé et de l'accès aux soins.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Julliard, présidente,

- Mme Labetoulle, première conseillère,

- Mme Palis De Koninck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.

La rapporteure,

M-I. LABETOULLE La présidente,

M. JULLIARD

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01981
Date de la décision : 29/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : ACG

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-29;24pa01981 ?
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