Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Paprec Ile-de-France a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la commune de Villeneuve-le-Roi à lui verser la somme de 132 480 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, correspondant aux travaux de réfection de voirie qu'elle a réalisés.
Par un jugement n° 2008340 du 6 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a condamné la commune de Villeneuve-le-Roi à verser à la société Paprec Ile-de-France la somme de 110 400 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 décembre 2023, la commune de Villeneuve-le-Roi, représentée par la SELARL DRAI associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun et de rejeter la demande présentée par la société Paprec Ile-de-France devant le tribunal ;
2°) de mettre à la charge de la société Paprec Ile-de-France une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a omis de statuer sur deux moyens de défense tirés de ce que la société Paprec Ile-de-France lui aurait laissé croire que les travaux qu'elle entreprenait étaient intégralement assumés par elle et de ce que ces travaux ont été réalisés sans son assentiment ;
- la demande de la société Paprec Ile-de-France est irrecevable compte tenu du caractère subsidiaire de la voie de droit de l'enrichissement sans cause ;
- sa demande est mal dirigée dès lors que l'établissement public territorial
Grand Orly Seine Bièvre est compétent en matière d'aménagement et d'entretien des zones d'activité, ce qui, selon la doctrine et la jurisprudence, le rend compétent en matière d'entretien de voirie ;
- la société Paprec Ile-de-France s'est engagée à prendre en charge financièrement les travaux et son action relevait ainsi d'une offre de concours ;
- elle n'a pas donné son assentiment à l'ensemble des travaux ;
- les travaux réalisés par la société Paprec Ile-de-France excèdent ce qui était strictement nécessaire au rétablissement en urgence des conditions normales de circulation ;
- les dépenses engagées par la société ne lui sont pas utiles dans leur intégralité, puisqu'elle aurait pu réaliser les mêmes travaux dans des conditions plus avantageuses.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 août 2024, la société Paprec Ile-de-France, représentée par la SELARL ATMOS avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Villeneuve-le-Roi une somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la commune de Villeneuve-le-Roi ne sont pas fondés ;
- son assentiment n'était pas nécessaire.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'autorité absolue de chose jugée du jugement du tribunal administratif de Melun n°1808403 du 13 mars 2020 en ce qu'il a retenu, pour annuler le refus du maire de la commune de Villeneuve-le-Roi de procéder aux travaux d'entretien de l'avenue de la Pierre Fitte, que l'entretien de cette voie était une obligation de la commune.
La société Paprec Ile-de-France a présenté des observations sur ce moyen, enregistrées le 29 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Zerbib, substituant Me Margaroli, représentant la commune de Villeneuve-le-Roi, et de Me Braud, représentant la société Paprec Ile-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. La société Paprec Ile-de-France exploite une activité de tri et de recyclage de déchets de papier dans la zone d'activité économique de la Carelle à Villeneuve-le-Roi. Par un courrier du 25 janvier 2018, elle a demandé l'intervention rapide de la commune pour rétablir des conditions de circulation normale et non dangereuse dans les avenues de la Carelle et de la Pierre-Fitte, qui desservent son site, puis elle a saisi le tribunal administratif de Melun afin qu'il fasse droit à sa demande. Elle a toutefois décidé, dans l'attente de la décision du tribunal, de procéder à la réfection de 1 200 m² de la chaussée de l'avenue de la Pierre-Fitte et a adressé à la commune, le 26 février 2019, une facture de 110 400 euros HT (132 480 euros TTC) à ce titre. Par un courrier du 16 juin 2020, elle a demandé à la commune de l'indemniser à hauteur de cette somme. La commune de Villeneuve-le-Roi relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser la somme de 110 400 euros.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du dossier de première instance que la commune de Villeneuve-le-Roi opposait, devant le tribunal, un moyen de défense tiré de ce que la société Paprec Ile-de-France aurait réalisé les travaux en litige à la suite d'une offre de concours, par laquelle elle se serait engagée à les prendre en charge financièrement. Le tribunal n'a toutefois par répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, la commune de Villeneuve-le-Roi est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité, ce jugement doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Paprec Ile-de-France devant le tribunal.
Sur la demande de la société Paprec Ile-de-France :
En ce qui concerne la demande de paiement des travaux :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5219-2 du code général des collectivités territoriales : " Dans le périmètre de la métropole du Grand Paris, sont créés, au 1er janvier 2016, des établissements publics de coopération intercommunale dénommés " établissements publics territoriaux " (...) ". Aux termes de l'article L. 5219-5 du même code : " IV. - L'établissement public territorial exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences prévues au II de l'article L. 5219-1 du présent code, soumises à la définition d'un intérêt métropolitain mais non reconnues comme telles (...). / V. - Sans préjudice du même II, l'établissement public territorial exerce, sur l'ensemble de son périmètre, les compétences qui étaient, au 31 décembre 2015, transférées par les communes membres aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existants. Toutefois : (...) / 2° Lorsque l'exercice des compétences obligatoires et optionnelles des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existant au 31 décembre 2015 était subordonné à la reconnaissance d'un intérêt communautaire, un intérêt territorial est déterminé par délibération du conseil de territoire, à la majorité des deux tiers de ses membres (...). Les compétences soumises à la définition d'un intérêt communautaire et non reconnues d'intérêt communautaire continuent d'être exercées par les communes dans les mêmes conditions (...) ". Aux termes de l'article L. 5219-1 de ce même code : " II. - La métropole du Grand Paris est soumise au chapitre VII du présent titre Ier, sous réserve des dispositions du présent chapitre. Elle exerce de plein droit, en lieu et place de ses communes membres, les compétences suivantes (...) : / 4° En matière de développement et d'aménagement économique, social et culturel : / a) Création, aménagement et gestion des zones d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire d'intérêt métropolitain (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 2321-2 de ce même code : " Les dépenses obligatoires comprennent notamment : (...) / 20° Les dépenses d'entretien des voies communales (...) ".
5. Il résulte de l'instruction que par une délibération du 8 décembre 2017, la métropole du Grand Paris n'a pas reconnu d'intérêt métropolitain les zones d'activité existantes. En application des dispositions précitées de l'article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales, l'établissement public territorial Grand Orly Seine-Bièvre, dont la commune de Villeneuve-le-Roi est membre, exerce ainsi la compétence en matière d'aménagement et de gestion de ces zones, qui incluent la zone d'activité économique de la Carelle. Il résulte également de l'instruction que l'établissement public territorial Grand Orly Seine-Bièvre n'a pas reconnu d'intérêt territorial l'exercice de la compétence " voirie " sur les voies de la commune de Villeneuve-le-Roi, qu'elles soient situées ou non au sein de zones d'activité économique existantes. D'une part, il ne résulte d'aucune disposition que l'exercice, par un établissement public de coopération intercommunale, de la compétence en matière de zones d'activités économiques existantes le rendrait, par principe, responsable de l'entretien des voies communales existantes situées au sein de cette zone. D'autre part, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la commune de Villeneuve-le-Roi et l'établissement public territorial
Grand Orly Seine-Bièvre auraient décidé que les dépenses d'entretien des voies communales situées au sein de la zone d'activité de La Carelle devaient être supportées par ce dernier, la commune de Villeneuve-le-Roi n'ayant d'ailleurs jamais, avant la présente procédure d'appel, contesté sa propre responsabilité en la matière. Dans ces conditions, la commune de
Villeneuve-le-Roi n'est pas fondée à soutenir que la demande de la société Paprec Ile-de-France serait mal dirigée en ce que l'entretien de l'avenue de la Pierre-Fitte incomberait à l'établissement public territorial Grand Orly Seine-Bièvre.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté par la commune de Villeneuve-le-Roi que l'avenue de la Pierre-Fitte présentait des déformations, de larges trous, des affaissements et des nids-de-poule, entraînant des risques importants pour les usagers de la voie sur laquelle circulaient de manière fréquente des camions contenant des produits dangereux. Au regard de l'inertie de la commune et compte tenu de l'urgence, la société Paprec Ile-de-France a pu légitimement entreprendre les travaux de réfection nécessaires, sans attendre l'intervention du jugement enjoignant à la commune de réaliser ces travaux ni entreprendre d'autres procédures qui n'étaient pas de nature à lui garantir la réalisation rapide des travaux. Par ailleurs, la circonstance que la société Paprec Ile-de-France pourrait rechercher la responsabilité pour faute de la commune de Villeneuve-le-Roi ne fait pas obstacle à ce qu'elle recherche sa responsabilité au titre de son enrichissement sans cause, ces deux voies de droit n'étant pas équivalentes.
7. En troisième lieu, ni la mention, par le constat de l'huissier auquel la société Paprec Ile-de-France a eu recours, de sa décision de faire réaliser à ses frais les travaux de réfection de la voirie en raison de la dangerosité de la situation, ni l'indication, par l'arrêté n° 023 du
29 janvier 2019 du maire de Villeneuve-le-Roi visant à réglementer la circulation pendant les travaux, de la réalisation des travaux pour le compte de la société, ne sont de nature à révéler l'existence d'une offre de concours de la société Paprec Ile-de-France par laquelle elle se serait engagée auprès de la commune de Villeneuve-le-Roi à prendre en charge financièrement les travaux de réfection en litige sans en demander le remboursement.
8. En quatrième lieu, la seule circonstance que la commune de Villeneuve-le-Roi n'aurait pas donné son assentiment à l'intégralité des travaux pris en charge par la société
Paprec Ile-de-France est sans incidence dès lors qu'ils présentent un caractère utile et compte tenu de l'urgence. Si la commune requérante soutient qu'il n'est pas établi que l'intégralité des travaux dont l'indemnisation est demandée aurait été exécutée sur le domaine public communal, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations alors qu'il résulte de l'instruction que le devis relatif à la réalisation des travaux a pour objet la " remise en état de la rue de la
Pierre-Fitte ". Elle n'apporte pas davantage d'éléments au soutien de ses allégations selon lesquelles les travaux en cause auraient excédé ce qui était nécessaire pour rétablir en urgence des conditions normales de circulation.
9. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le choix d'une couverture béton, retenu pour les travaux réalisés par la société Paprec Ile-de-France, serait plus onéreux que celui d'une couverture classique et ne serait pas utile, la seule différence de 32 % du prix au mètre linéaire des travaux réalisés pour la société Paprec Ile-de-France sur l'avenue de la Pierre-Fitte sur 90 mètres linéaires par rapport à ceux réalisés par la commune de Villeneuve-le-roi sur l'avenue de la Carelle sur 762 mètres linéaires n'étant pas de nature à l'établir compte tenu, notamment, des économies d'échelle induites par la différence de linéaire et de ce que les voies concernées ne présentent pas nécessairement les mêmes caractéristiques.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Paprec Ile-de-France est fondée à demander à être indemnisée à hauteur de 110 400 euros HT au titre des travaux de réfection de l'avenue de la Pierre-Fitte.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
11. Il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas même allégué par la société
Paprec Ile-de-France qu'elle n'aurait pas été en mesure de déduire ou de se faire rembourser la taxe sur la valeur ajoutée incluse dans le montant des travaux. Par suite, elle n'est pas fondée à en demander l'indemnisation.
En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :
12. La date de réception de la demande préalable de la société Paprec Ile-de-France n'étant pas connue, elle peut prétendre au versement des intérêts au taux légal sur la somme de 110 400 euros à compter du 16 octobre 2020, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal, et de la capitalisation des intérêts le 2 décembre 2022, date de sa première demande et à laquelle un an d'intérêts était dû, ainsi qu'à chaque échéance annuelle.
Sur les frais du litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Paprec Ile-de-France, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Villeneuve-le-Roi demande sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-le-Roi la somme de 2 500 euros à verser à la société Paprec Ile-de-France au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens, tant devant le tribunal que devant la Cour.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2008340 du 6 octobre 2023 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La commune de Villeneuve-le-Roi est condamnée à verser à la société
Paprec Ile-de-France une somme de 110 400 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2020 et de la capitalisation des intérêts le 2 décembre 2022 et à chaque échéance annuelle.
Article 3 : La commune de Villeneuve-le-Roi versera la somme de 2 500 euros à la société Paprec Ile-de-France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Paprec Ile-de-France et à la commune de Villeneuve-le-Roi.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA05045