Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire sans délai, en fixant le pays de renvoi et lui a interdit d'y retourner pendant deux années. Par un jugement n° 2308917 du 16 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 novembre et 21 décembre 2023, M. A... C..., représenté par Me Gryner, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2308917 du 16 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 20 juillet 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux dépens. Il soutient que : - l'arrêté est insuffisamment motivé et entaché d'un défaut d'examen ; - il méconnaît les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux et de l'Union européenne ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle et professionnelle ; - il méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision portant interdiction de retour méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est insuffisamment motivée. La requête a été transmise à la préfète du Val-de-Marne qui n'a produit aucune observation. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - et les observations de Me Gryner pour M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... C..., ressortissant tunisien, demande l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire sans délai, en fixant le pays de destination, et lui a interdit d'y retourner pendant deux années. Par un jugement n° 2308917 du 16 octobre 2023 dont il interjette régulièrement appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité. Sur les moyens communs aux décisions attaquées : 2. L'arrêté attaqué portant, notamment, obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français, comporte les considérations de droit et de fait qui fondent ces trois décisions, et est, par suite, suffisamment motivé, alors même qu'il ne mentionne pas l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle, professionnelle et familiale de M. A... C.... Par ailleurs, s'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, cette motivation révèle la prise en compte par l'autorité préfectorale, qui n'était pas tenu de préciser expressément que la présence de l'intéressé ne représentait pas une menace pour l'ordre public et qu'il n'avait pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, des critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit être écarté. Doit être également écarté le moyen tiré d'un défaut d'examen préalable à la prise des décisions attaquées, compte tenu de ce qui vient d'être dit. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire : 3. En premier lieu, en vertu de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il découle de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, et se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit implique ainsi que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie. 4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition de M. A... C... par les services de police en date du 20 juillet 2023, que l'intéressé a été entendu sur sa situation administrative et familiale et a été mis en mesure de présenter des observations. Il ressort de ce procès-verbal que l'intéressé a été informé des conséquences d'un maintien sur le territoire en situation irrégulière, et notamment d'une mesure d'éloignement envisagée. En outre, l'intéressé a déclaré refuser de le quitter en cas de mesure d'éloignement. Dès lors, M. A... C... ne pouvait sérieusement ignorer qu'il s'exposait à une décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 6. M. A... C... se prévaut de sa présence en France depuis mars 2017, de ce qu'il y exerce un emploi depuis mai 2021, de ce qu'il n'a jamais représenté une menace à l'ordre public, de ce qu'il est hébergé chez sa tante, de nationalité française, qu'il aide dans les actes de la vie quotidienne et de ce qu'il a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour le 22 novembre 2022, pour laquelle il n'a pas reçu de réponse. A supposer même sa date d'entrée en France et la continuité de son séjour depuis lors établies, il ressort toutefois des pièces du dossier, d'une part, qu'en dépit de sa durée de présence sur le territoire national, son insertion professionnelle est récente, d'autre part, que l'intéressé est célibataire et sans enfant et ne justifie enfin pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusque l'âge de 31 ans au moins. Par ailleurs, le certificat médical et l'attestation versés au dossier, s'ils confirment que le requérant aide sa tante âgée pour les actes de la vie quotidienne, ne permettent pas d'établir que sa présence serait indispensable auprès de cette personne. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant serait le seul à pouvoir donner à sa tante l'assistance dont elle a besoin en dépit du fait que cette dernière soit veuve et sans enfant. Si le requérant fait état de la présence en France d'un oncle, de nationalité française, ancien " haut militaire " de l'armée française, il ne justifie d'aucune relation particulière avec l'intéressé. Enfin, si le requérant déclare avoir déposé une demande de titre de séjour, il ne l'établit pas. Dans ces circonstances, eu égard notamment aux conditions de l'entrée et du séjour en France de M. A... C..., la mesure d'éloignement contestée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant refus d'un délai de départ volontaire : 7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ". 8. En premier lieu, M. A... C... ne justifie pas d'une entrée régulière en France. En outre, il a, lors de son audition par les services de police le 20 juillet 2023, en réponse à l'énoncé de l'hypothèse de la prise d'une mesure d'éloignement, expressément déclaré ne pas vouloir repartir. En outre, il n'a pas produit de passeport et a indiqué être hébergé chez sa tante. Dans les circonstances de l'espèce, le risque que le requérant se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français doit être regardé comme étant établi. La seule circonstance qu'il dispose d'un emploi en contrat à durée indéterminée, ne constitue pas, en soi, une circonstance particulière faisant obstacle à la privation d'un délai de départ volontaire. Par suite, aucune erreur de droit ne peut être imputée au préfet lorsqu'il a refusé d'accorder un délai de départ volontaire à M. A... C.... 9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation doivent être également écartés. En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans : 10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision d'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". 11. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. 12. Pour prendre à l'encontre de M. A... C... la décision d'interdiction de retour contestée, la préfète du Val de Marne, qui a mentionné les quatre critères énoncés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et exposé les considérations de fait qu'elle a prises en compte au regard de ces critères, s'est fondée sur le fait que l'intéressé, qui ne relève pas de circonstances humanitaires, n'est pas entré régulièrement sur le territoire et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne, stable et intense en France, et ne démontre pas être démuni de liens personnels et familiaux dans son pays d'origine et avoir un titre de séjour en cours de validité. Ce faisant, la préfète du Val de Marne, qui a procédé à un examen complet de sa situation personnelle, a suffisamment motivé sa décision et a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français dont la durée est limitée à six mois. 13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à soutenir que la préfète l'a entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle. 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
D E C I D E :Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre de l'intérieur.Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024 à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Soyez, président assesseur,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 29 novembre 2024.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERELa greffière,E. LUCELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 23PA04719 2