Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 janvier 2022 par lequel la maire de Paris a prononcé son licenciement à compter du
1er février 2022 et la lettre du 17 décembre 2021 de l'établissement public Paris Musées le plaçant en congés annuels.
Par un jugement n° 2202162 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 18 octobre et 12 décembre 2023 et
12 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Malili, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler le courrier du 17 décembre 2021 du directeur des ressources humaines et des relations sociales de l'établissement public Paris Musées et l'arrêté du 7 janvier 2022 de la maire de Paris ;
3°) d'enjoindre à la maire de Paris de le réintégrer dans ses fonctions et de réexaminer son droit à titularisation ;
4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 750 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 3 000 euros à verser à Me Malili sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est entaché d'une omission à statuer et est insuffisamment motivé ;
- il est irrégulier en ce qu'il ne prend pas en compte les éléments nouveaux de son mémoire du 9 juin 2022 et en ce que ce mémoire n'a pas été communiqué ;
- le tribunal a rejeté à tort comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le courrier du 17 décembre 2021 au motif qu'il serait dépourvu de caractère décisoire ;
- la décision du 17 décembre 2021 a été prise par une autorité incompétente ;
- l'arrêté du 7 janvier 2022 aurait dû être précédé d'une procédure contradictoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 juin 2024, la Ville de Paris, représentée par la SELARL Bazin et associés avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre le courrier du 17 décembre 2021 en tant qu'il demande à M. B... de prendre ses congés et de restituer son matériel en ce qu'il s'agit d'une mesure d'ordre intérieur.
Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2024, M. B... soutient que ce moyen n'est pas fondé.
Par une décision du 21 août 2023, la présidente de la Cour a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 %.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Saint-Macary,
- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,
- et les observations de Me Malili représentant M. B... et de Me de Soto représentant la Ville de Paris.
Une note en délibéré a été produite pour M. B... le 12 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été admis le 13 mars 2020 au concours externe pour l'accès au corps des secrétaires administratifs d'administrations parisiennes. Il a été nommé secrétaire administratif de classe normale d'administrations parisiennes stagiaire à compter du
1er septembre 2020 pour une durée d'un an au sein de l'établissement public Paris Musées, pour y exercer les fonctions de chargé des relations sociales et de la veille " ressources humaines ". Sa date de fin de stage a été fixée le 28 novembre 2021 en raison de son placement pendant
124 jours en congé de maladie ordinaire pendant sa période normale de stage. Par une lettre du 17 décembre 2021, le directeur des ressources humaines et des relations sociales de l'établissement public Paris Musées l'a informé de son placement en congés annuels jusqu'à l'entrée en vigueur de la décision de licenciement qui lui serait notifiée. Par un arrêté du 7 janvier 2022, la maire de Paris l'a licencié à compter du 1er février 2022 en raison de sa non-titularisation à l'issue de son stage. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de ces deux actes.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, par la lettre du 17 décembre 2021, le directeur des ressources humaines et des relations sociales de l'établissement public Paris Musées a informé
M. B... de l'avis favorable rendu par la commission administrative paritaire sur son absence de titularisation à l'issue de son stage, de son placement en congés jusqu'à la date effective de sa radiation et de ce que cette dernière décision ferait l'objet d'une notification officielle, et lui a demandé de restituer ses cartes d'accès et professionnelle ainsi que le matériel qui lui aurait été remis. Si ce courrier, qui se borne à informer M. B... de l'intervention future d'une décision en ce sens, n'a pas eu pour effet de le licencier, il a eu pour effet de le placer en congés annuels d'office et de lui demander de restituer son matériel, et présente, à ce titre, un caractère décisoire. Par suite, le tribunal a entaché d'irrégularité son jugement en rejetant comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation de cette décision au motif qu'elle ne ferait pas grief.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En retenant, au point 4 du jugement attaqué, que la décision de ne pas titulariser un stagiaire en fin de stage n'est pas, sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire, au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, le tribunal a répondu de manière suffisamment motivée à l'argumentation de M. B... qui ne soutenait pas avoir fait l'objet d'une sanction mais qui soutenait que dès lors que les motifs de son licenciement auraient pu motiver une sanction disciplinaire, il devait être mis à même de présenter ses observations.
4. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". M. B... ne précise pas les moyens ou éléments nouveaux qu'il aurait invoqués dans les mémoires produits le 9 juin 2022 devant le tribunal auxquels celui-ci n'aurait pas répondu et qui auraient justifié la communication de ces mémoires à la partie adverse. Au demeurant, il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que le tribunal n'aurait pas répondu aux moyens développés par M. B... dans ces mémoires.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité ayant la même portée que celui retenu au point 2, qu'il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement, par voie d'évocation, sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 17 décembre 2021 plaçant M. B... en congés d'office et lui demandant de restituer son matériel, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions.
Sur les conclusions aux fins d'annulation du courrier du 17 décembre 2021 :
6. Aux termes de l'article 7 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire territorial stagiaire a droit aux congés (...) prévus au premier alinéa du 1°, aux 2°, 3°, 4°, 5° et 9° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 (...) ". Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / 1° A un congé annuel avec traitement dont la durée est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) ".
7. L'exercice effectif de son droit au congé annuel par un agent est subordonné à une demande de sa part, aucune disposition n'autorisant une autorité hiérarchique à placer d'office un agent en congé annuel. Il ressort des pièces du dossier que par la décision du
17 décembre 2021, l'établissement public Paris Musées ne s'est pas limité à inviter
M. B... à prendre ses congés annuels mais l'y a placé d'office. Si, en l'espèce, eu égard à son licenciement, l'absence de placement de M. B... en congés annuels lui en aurait fait perdre le bénéfice, il résulte en tout état de cause de ce qui a été dit au point 2 que la décision de son licenciement est intervenue postérieurement à la décision le plaçant d'office en congés annuels. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision du 17 décembre 2021 est illégale en tant qu'elle le place d'office en congés annuels et, par voie de conséquence, lui demande de restituer son matériel.
Sur le bien-fondé du surplus du jugement :
8. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire, se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait été alors mis à même de faire valoir ses observations.
9. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la note du 9 septembre 2021 adressée par le directeur des ressources humaines et des relations sociales à la directrice générale de l'établissement public Paris Musées, que vise l'arrêté du 7 janvier 2022, bien qu'il mentionne une date erronée, que la non-titularisation de M. B... est fondée sur son insuffisance professionnelle, l'intéressé ne réalisant pas les tâches qui lui sont demandées, signant, sans être compétent, des actes relatifs à l'attribution de droits syndicaux, ayant demandé une prime d'installation assortie d'une attestation sur l'honneur de ne jamais avoir perçue cette prime alors qu'il l'avait déjà perçue, et ayant un comportement inadapté vis-à-vis de sa hiérarchie. Ces motifs caractérisent une insuffisance professionnelle mais également des faits susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires. Dès lors, la décision de non-titularisation de
M. B..., bien qu'elle ne présente pas le caractère d'une sanction, ne pouvait intervenir sans que l'intéressé ait été préalablement mis à même de présenter ses observations.
10. Il ressort toutefois des pièces du dossier que par un courrier du 15 septembre 2021, l'établissement Paris Musées a communiqué à M. B... son évaluation à neuf mois en lui demandant ses observations dans un délai de dix jours, et l'a informé qu'à ce stade, il n'était pas envisagé d'apporter un avis favorable à sa titularisation. Il ressort également des pièces du dossier que les évaluations à six et neuf mois de M. B..., dont il a été destinataire, comportaient l'essentiel des griefs motivant son licenciement pour insuffisance professionnelle. Dans ces conditions, et au regard du délai suffisant qui s'est écoulé entre le courrier du
15 septembre 2021 et la décision de licencier M. B..., celui-ci a été mis à même de faire valoir ses observations et de prendre connaissance de son dossier. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 7 janvier 2022 serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du
7 janvier 2022. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.
Sur les frais du litige :
12. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1990 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la Ville de Paris, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et son avocat demandent sur ces fondements. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la Ville de Paris au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La décision du 17 décembre 2021 de l'établissement public Paris Musées est annulée.
Article 2 : Le jugement n° 2202162 du 16 février 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la Ville de Paris présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Malili, à la Ville de Paris et à l'établissement public Paris Musées.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Doumergue, présidente de chambre,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
M. DOUMERGUE
La greffière,
E. FERNANDO
La République mande et ordonne au préfet d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04375