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29/11/2024 | FRANCE | N°23PA01292

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 29 novembre 2024, 23PA01292


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre au recteur de l'académie de Paris de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sans délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 2108145 du 3 février 2023 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure deva

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Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et d'enjoindre au recteur de l'académie de Paris de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sans délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par un jugement n° 2108145 du 3 février 2023 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 mars 2023 et 14 février 2024, M. B..., représenté par Me Janura, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108145 du 3 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ; 2°) d'annuler cette décision et d'enjoindre au recteur de l'académie de Paris de lui accorder la protection fonctionnelle ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé en ce que les premiers juges ont omis de se prononcer sur l'ensemble des moyens invoqués par l'intéressé et plus particulièrement sur les agissements constitutifs de harcèlement moral de la part des co-présidentes de l'association de parents d'élèves ASICS ; - les premiers juges ont méconnu le champ d'application des dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 désormais codifié à l'article L. 434-5 du code général de la fonction publique ; - le jugement est entaché d'une dénaturation des faits et pièces du dossier ainsi que d'une erreur d'appréciation ; - les premiers juges n'ont pas fait usage de leur pouvoir d'instruction ; - la décision implicite lui refusant l'octroi de la protection fonctionnelle est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2023, le rectorat de l'académie de Paris conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code pénal, - le code des relations entre le public et l'administration, - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit : 1. M. B..., professeur agrégé d'histoire-géographie, a été affecté à compter de septembre 2019 au collège-lycée Camille Sée à Paris (15ème arrondissement). Il a pris en charge des classes relevant de la section internationale en anglais. Le 20 mai 2020, il a été convoqué par le proviseur de cet établissement et s'est vu remettre en mains propres un rapport sur sa manière de servir, qui était par ailleurs transmis au directeur de l'académie de Paris. Ce rapport synthétisait de nombreuses alertes transmises par les co-présidentes de l'association des parents d'élèves de la section internationale (ASICS) relativement au comportement et à la nature des enseignements du requérant et comportait également la relation de certains faits dont le proviseur avait été directement témoin. Par un courrier du 15 février 2021, M. B... a demandé au recteur de l'académie de Paris de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et, par suite, de prendre en charge ses frais d'avocat dans le cadre des procédures pénales qu'il envisageait alors d'engager. Sa demande a été implicitement rejetée. Par un jugement n° 2108145 en date du 3 février 2023 dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de protection fonctionnelle. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, M. B... soutient que les juges de première instance ont omis de se prononcer sur les agissements constitutifs de harcèlement moral qu'il estime avoir subis de la part des co-présidentes de l'association des parents d'élèves de la section internationale du collège-lycée Camille Sée (ASICS) et qu'ils se seraient uniquement prononcés sur lebien-fondé de la plainte pour dénonciation calomnieuse à l'encontre des deux co-présidentes de l'association. 3. Selon l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le juge doit ainsi se prononcer, par une motivation suffisante au regard de la teneur de l'argumentation qui lui est soumise, sur tous les moyens expressément soulevés par les parties, à l'exception de ceux qui, quel que soit leur bien-fondé, seraient insusceptibles de conduire à l'adoption d'une solution différente de celle qu'il retient. 4. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement de la demande de protection fonctionnelle en litige, objet d'un courrier en date du 15 février 2021, que M. B... a sollicité le bénéfice de cette protection à raison, d'une part, de dénonciation calomnieuse de la part du chef d'établissement et des co-présidentes de l'association ASICS et, d'autre part, du harcèlement moral subi de la part du chef d'établissement. 5. Dans le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a répondu aux points 8 à 11 au moyen soulevé par M. B... tiré de ce que la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard du harcèlement moral dont il aurait été victime de la part de son chef d'établissement au cours de l'année scolaire 2019-2020 mais également au moyen tiré du harcèlement qu'auraient commis des membres de l'association ASICS, en indiquant au point 8 que s' " il fait valoir qu'il aurait l'objet de la part de l'association ASICS d'une surveillance tatillonne quant au contenu de ses enseignements. Toutefois, de tels agissements, à les supposer établis, ne sont pas le fait du proviseur du collège-lycée Camille Sée ". Dès lors, en répondant de manière certes succincte au moyen soulevé, alors au demeurant que l'intéressé n'avait pas formé de demande de protection fonctionnelle au regard du harcèlement moral dont il aurait été victime de la part des deux co-présidentes de l'ASICS, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'omission de réponse. 6. En deuxième lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. B... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur d'appréciation des faits, ni de la méconnaissance du champ d'application de la loi, ni d'une dénaturation des pièces du dossier qu'auraient commises les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué. 7. En dernier lieu, l'administration ayant communiqué devant le tribunal administratif un grand nombre de pièces tenant à la situation administrative et professionnelle de M. B.... Dans ces conditions, les premiers juges disposaient de suffisamment d'informations pour statuer sur la demande de M. B..., sans qu'ils aient eu besoin, par mesure d'instruction, de demander au rectorat de Paris de produire d'autres pièces. Par suite, le moyen d'irrégularité tiré de ce que les premiers juges n'ont pas demandé la communication de pièces supplémentaires doit être écarté. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne le harcèlement moral : 8. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 dont les dispositions ont été reprises depuis à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". L'article 11 de cette loi prévoyait que : " I. - A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. (...) ". 9. D'une part, l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique établit à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances. 10. D'autre part, il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. S'agissant du chef d'établissement : 11. A l'appui de sa demande d'annulation de la décision refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle sollicitée à raison notamment du harcèlement moral dont il soutient avoir été victime de la part du proviseur du lycée Camille Sée, M. B... invoque d'abord la dégradation de ses conditions de travail au regard des agissements répétés du chef d'établissement pour lui nuire, se traduisant par une multiplication de reproches quant à son activité d'enseignement avec une remise en cause systématique des projets pédagogiques mais aussi par un manque de considération à son égard amenant à une altération de sa santé physique et mentale. 12. M. B... considère ainsi, en premier lieu, que le proviseur du lycée Camille Sée a systématiquement pris fait et cause pour les représentants de l'association ASICS qui l'ont alerté à plusieurs reprises sur son attitude pendant ses cours ou lors du temps périscolaire ou extra-scolaire sans jamais chercher à connaître sa version des faits face aux intrusions incessantes des représentants de l'ASICS. 13. Il ressort du rapport établi le 20 mai 2020 par le chef d'établissement à l'attention du recteur de l'académie de Paris que ce dernier a été contacté à plusieurs reprises soit directement par des parents d'élèves, soit par l'intermédiaire des représentants de l'ASICS, notamment à l'occasion d'un courrier adressé le 4 mars 2020, pour lui faire part de difficultés rencontrées, depuis l'arrivée de M. B... au sein du lycée Camille Sée, lors des cours dispensés par ce professeur, par leurs enfants. Tout d'abord, plusieurs parents d'élèves se sont plaints de manière récurrente de difficultés liées à l'usage de la langue anglaise et ont également signalé plusieurs incompréhensions d'ordre culturel ou relationnel. Les familles se sont notamment inquiétées de l'usage d'un vocabulaire raciste en classe d'histoire sans contextualisation et de nombreuses fautes de langue. Elles ont également relevé que les fiches distribuées en cours n'étaient pas toujours claires ou pertinentes et que certains des travaux réalisés en cours, pour certains publiés sur le site internet de l'établissement, présentaient des maladresses ou approximations lors de l'étude de thèmes comme la laïcité ou la discrimination. De même, il a été reproché à M. B... de ne pas respecter la neutralité politique ou syndicale inhérente à ses fonctions pendant ses cours, lors d'échanges sur la messagerie pédagogique Pronote ou lors du blocus de l'établissement au mois de février 2020. Enfin, les parents d'élèves ont également observé une théâtralisation excessive de ses cours et un comportement parfois agressif avec les élèves. Suite aux différentes critiques formulées par les parents d'élèves, le chef d'établissement a pris attache avec M. B... pour obtenir des éléments complémentaires d'information avant une hypothétique saisine de la hiérarchie afin que des mesures soient éventuellement prises. A cette occasion, le proviseur n'a pas hésité à faire part à M. B... de désaccords éventuels sur le contenu pédagogique ou la méthodologie des cours d'histoire prodigués. 14. Si M. B... estime les observations ou reproches formulés par le proviseur ou les parents d'élèves sont infondés, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le contrôle de l'activité de l'intéressé aurait pour autant excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. La circonstance que le chef d'établissement a, compte tenu de la situation conflictuelle existante entre le requérant et plusieurs parents d'élèves, suite aux signalements mentionnés au point 13 précédent, alerté sa hiérarchie en rédigeant un rapport sur les faits qui lui ont été rapportés, n'est pas étrangère à la mission d'un chef d'établissement qui se doit de lui signaler tout événement de nature à remettre en cause le bon fonctionnement de l'établissement. Une telle attitude, qui ne saurait être regardée comme une manœuvre pour discréditer l'intéressé, caractérise l'exercice du pouvoir hiérarchique normal de contrôle du fonctionnement de l'établissement placé sous son autorité. Par ailleurs, lors de cette transmission, le proviseur s'est contenté de transmettre, soit des signalements relatifs à l'attitude du requérant qu'il a lui-même constatés, soit d'autres signalements qu'ils lui avaient été transmis par des parents d'élèves, qu'il a relatés sans les travestir ni les reprendre à son compte et en employant parfois le conditionnel pour les décrire ainsi que pour exposer les déclarations des parents d'élèves, faute d'avoir pu déterminer l'exactitude matérielle desdits griefs. En outre, ni le ton, ni la teneur du rapport établi, formulé sur un ton neutre, ne sont de nature à faire présumer d'éléments constitutifs d'un harcèlement, tels que des menaces ou des intimidations. De même, la circonstance que le chef d'établissement a posé à M. B... des questions sur son comportement lors de sa participation le 5 février 2020 au blocage du lycée afin d'empêcher que les épreuves communes de contrôle continu (E3C) puissent se dérouler, suite à l'alerte donnée par un parent d'élève, et avant toute saisine de la hiérarchie, n'est pas étrangère aux prérogatives d'un chef d'établissement et n'excède pas les limites normales du pouvoir hiérarchique. Aucun des autres éléments mis en avant par M. B... en rapport avec cette action sociale, tenant à des prises de photographies par les équipes mobiles académiques de sécurité lors de cette action de grève, au signalement à l'inspection d'académie du port par M. B... d'une représentation caricaturée du ministre de l'Education nationale accompagné de slogans polémiques, ne permet d'établir que le proviseur aurait fait preuve d'une quelconque animosité personnelle, ou d'une attitude de mépris ou de défiance à son égard. 15. De même, aucun des éléments mis en avant par M. B..., consistant à refuser de tenir, en la présence du proviseur, une réunion entre l'association ASICS et l'intéressé au mois d'octobre 2019, à rappeler M. B... à la vigilance après un signalement de l'association ASICS concernant le contenu estimé polémique de diaporamas diffusés en classe en décembre 2019, à mettre fin à des discussions polémiques entre M. B... et des représentants de parents d'élèves lors des conseils de classe des 21 janvier et 26 mars 2020, et à relayer auprès des enseignants une demande des parents d'élèves tendant à ce que ces derniers gardent le contact avec les élèves malgré la pratique d'enseignements à distance, ne traduit, de la part du proviseur, une volonté de s'associer aux critiques formulées à son endroit par les membre de l'association ASICS ou de dévaloriser M. B....

16. Par ailleurs, si M. B... dénonce également le comportement du proviseur à son égard, qui aurait porté atteinte à sa liberté pédagogique en refusant une proposition d'épreuve en vue du brevet blanc, et en supprimant du site internet de l'établissement des travaux pédagogiques réalisés pendant ses cours ainsi qu'un article rédigé par lui lors de la commémoration de la journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l'humanité, motif pris de la mention d'un lien internet proposant le visionnage de contenus non adaptés à un jeune public, l'attitude du proviseur à ces occasions procède non d'une volonté de lui nuire ou de l'intimider, mais relève de l'exercice normal de ses prérogatives en matière de sélection des sujets d'épreuve et de gestion de la communication externe de l'établissement. 17. En outre, si M. B... soutient que le chef d'établissement a adopté à son égard un comportement intimidant lorsqu'il lui a fait part de son souhait d'exercer son droit de retrait lors de la pandémie de Covid 19 en le convoquant et en l'obligeant à dévoiler des éléments personnels de sa vie privée, il apparaît que le chef d'établissement a réagi aux critiques formulées par M. B... quant à la tenue du registre de santé de l'établissement dans le contexte de cette pandémie et a souhaité en conséquence l'interroger sur ses motivations, incluant des éléments d'ordre privé, sans pour autant manifester une quelconque opposition à l'exercice de son droit de retrait. Enfin, s'il est soutenu que le proviseur a refusé de satisfaire la demande de M. B..., formulée le 30 avril 2020, de communiquer le document unique relatif aux risques professionnels de l'établissement, il ressort des pièces du dossier qu'à cette occasion, le proviseur a pris l'engagement de transmettre à sa hiérarchie ceux des éléments signalés par M. B... qui ne relevaient pas de sa compétence, et a mentionné une convocation du comité local d'hygiène et de sécurité pour aborder les autres points soulevés. S'agissant des membres de l'association ASICS : 18. M. B... soutient également qu'il a dû faire face à une ingérence persistante, inapproprié et menaçante de la part des représentants de l'association de parents d'élèves ASICS dès son arrivée au sein de l'établissement dans la manière dont il entendait dispenser ses enseignements, constitutive de harcèlement moral. Il ressort des pièces du dossier que la contestation des présidentes de l'association ASICS ou de parents membres de cette association a porté sur ses méthodes d'enseignement et ses choix pédagogiques, et s'est, notamment, manifestée par l'envoi le 4 mars 2020 d'un courrier au proviseur du lycée, pour lui faire part de difficultés rencontrées depuis l'arrivée de M. B... au sein l'établissement. Toutefois, d'une part, si les critiques portées par l'association ASICS ou ses représentants ont eu trait à l'exercice de ses fonctions d'enseignant, il ressort des pièces du dossier, éclairées par les observations présentées à la barre par le requérant, qu'hormis une rencontre en début d'année scolaire entre les représentants de l'association et l'intéressé, au cours de laquelle ce dernier a pu exposer son point de vue, ces critiques n'ont pas été formulées de manière répétée ou systématique directement à son endroit, mais qu'elles ont été portées à la connaissance de son proviseur, notamment en réaction aux événements mentionnés aux points 13 à 16, sans que l'intéressé en ait eu connaissance immédiatement, et que ce n'est qu'à l'occasion de sa convocation par le chef d'établissement après réception du courrier du 4 mars 2020 mentionné qu'il en a pris connaissance. En outre, quelque intrusifs soient les commentaires ou critiques formulées par l'association ASICS ou ses représentants, ils ne peuvent être regardés comme contenant des menaces ou des pressions en vue d'obtenir le déplacement ou le remplacement de M. B... dans ses fonctions, ou une sanction disciplinaire. Le requérant n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune procédure de cette nature. Par suite, les atteintes dont le requérant se dit victime ne peuvent être regardées comme constitutives de harcèlement moral, en ce qu'elles constituent en réalité une contestation de ses méthodes de travail. Si, ainsi que le fait valoir M. B..., il aurait souhaité être informé de ces plaintes, et mis à en mesure de faire valoir son point de vue avant la notification du rapport établi par le chef d'établissement le 20 mai 2010, il apparaît cependant que le chef d'établissement, sans remettre en cause la volonté de M. B... d'offrir à ses élèves une formation exigeante et de qualité, ou la qualité de son service, l'avait alerté sur le décalage pouvant exister entre ses attentes et la perception par les élèves ou leurs familles du contenu de ses cours, en raison notamment de différences culturelles. 19. Il résulte de ce qui précède que si les griefs et éléments invoqués par M. B... révèlent des difficultés relationnelles rencontrées avec certains parents d'élèves ou avec le proviseur, à l'origine d'une souffrance au travail, ces éléments ne permettent pas pour autant, pris individuellement ou dans leur ensemble, de présumer qu'il aurait été victime, de leur part, de faits de harcèlement moral de nature à lui ouvrir droit au bénéfice de la protection fonctionnelle sollicitée, nonobstant la circonstance que son syndrome anxio-dépressif a été reconnu imputable au service et, que, par la suite, il a quitté l'Education nationale. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions combinées des articles 6 quinques et 11 de la loi du 13 juillet 1983 doit être écarté. En ce qui concerne les dénonciations calomnieuses : 20. Selon les dispositions de l'article 226-10 du code pénal : " La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. / La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée ". 21. Les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 mentionnées au point 9 sont applicables notamment lorsqu'un agent, mis en cause par un tiers à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, engage une procédure de dénonciation calomnieuse sur le fondement de l'article 226-10 du code pénal. Lorsqu'elle est saisie d'une demande de protection fonctionnelle de la part d'un agent qui estime avoir été victime de dénonciation calomnieuse, il appartient à l'autorité administrative de rechercher si les faits qui lui sont soumis sont avérés et, si tel est le cas, s'ils sont susceptibles de recevoir une telle qualification ou de faire présumer l'existence de dénonciation calomnieuse, d'autre part de rechercher si l'agent a commis une faute personnelle détachable du service. 22. M. B... dénonce des faits constitutifs de dénonciation calomnieuse au sens de l'article 226-10 du code pénal en raison de la fausseté des dénonciations effectuées par certains parents d'élèves et le proviseur de l'établissement Camille Sée sur son comportement professionnel.

23. Tout d'abord, le requérant soutient que les représentantes de l'association ASICS et les parents d'élèves n'ont pas hésité à rapporter au chef d'établissement des éléments qu'ils avaient mal contextualisés ou qu'ils savaient pertinemment faux, comme les difficultés qu'il aurait rencontrées dans l'usage de la langue anglaise ainsi que ses errements pédagogiques. Il observe également que la lettre du 4 mars 2020 qui a été adressée au chef d'établissement et qui répertorie de manière anonyme les agissements reprochés ne permet pas de démontrer leur véracité et constate enfin que le rectorat n'a pas donné suite au rapport adressé le 20 mai 2020, ce qui confirme selon lui que les allégations étaient fausses. Toutefois, M. B..., qui ne conteste pas réellement la matérialité des faits énoncés (déjeuner avec les élèves, fiche de cours contenant des fautes de langue, irritabilité pendant les cours, théâtralisation des enseignements ou politisation de certains éléments de cours), n'a pas donné d'explication circonstanciée aux faits ainsi signalés mais se contente de les recontextualiser et de les justifier au nom de sa liberté pédagogique. De même, le fait que plusieurs familles anglophones ont pu être offusquées par plusieurs diaporamas réalisés par des élèves de M. B... en décembre 2019 et publiés sur le site internet de l'établissement, rabaissant le président américain sans élément de contextualisation, par l'emploi du terme " negro " dans des supports de cours alors qu'il est l'objet d'un rejet dans les pays anglo-saxons, ou par une utilisation prêtant à confusion des termes " arabe " et " musulman " dans des textes étudiés en classe, et ont signalé ces éléments au proviseur, ne saurait être considéré comme traduisant une dénonciation de faits sciemment connus comme faux, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les parents ou représentants de l'association ASICS, à l'occasion de leur signalement, auraient pu avoir conscience que les faits rapportés par les élèves étaient inexacts, nonobstant la circonstance que M. B... produit une attestation et un courriel émanant d'élèves et de parents d'élèves louant ses qualités pédagogiques. 24. Par ailleurs, M. B... fait valoir que les agissements dénoncés par le chef d'établissement dans son rapport en date du 20 mai 2020 sont calomnieux. Ainsi qu'il a été énoncé au point 13 précédent, il ressort dudit rapport que le proviseur du lycée-collège Camille Sée s'est limité à relater les difficultés qui lui ont été rapportées par différents parents d'élèves en employant notamment la forme conditionnelle pour les faits qu'il n'a pu constater par lui-même. S'agissant des agissements dont il a été témoin, la circonstance que l'appelant et le chef d'établissement ont pu avoir une interprétation divergente du déroulement de certains événements, tel le récit de la participation de M. B... à l'action sociale du 5 février 2020 mentionnée au point 14 précédent, ne saurait suffire à considérer que le proviseur aurait rapporté des faits matériellement inexacts en ajoutant des circonstances propres à les dénaturer, et à considérer ainsi que celui-ci ne pouvait ignorer la fausseté des faits. De même, si le requérant fait valoir que le message adressé aux élèves et parents d'élèves le 14 janvier 2020 sur la messagerie Pronote est intervenu en réponse à une demande expresse du proviseur de prévenir les élèves et familles en cas de participation à la grève, il n'en demeure pas moins que le message adressé par M. B... comportait une dimension politique et syndicale que le proviseur a pu mentionner dans son rapport sans travestir la matérialité des faits. Enfin, si le requérant estime que le chef d'établissement l'a accusé à tort d'avoir donné accès aux élèves via le site de l'établissement à un documentaire sur la solution finale (Shoah) trop violent et comportant des liens vers un site internet négationniste, il n'en demeure pas moins que l'intéressé a reconnu ne pas avoir été suffisamment vigilant dans le choix du lien internet mis à disposition des élèves et que le chef d'établissement s'est contenté de narrer le plus fidèlement possible les faits sans les travestir. 25. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'agissements constitutifs de dénonciation calomnieuse ou de harcèlement moral, le recteur de l'académie de Paris, en refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, n'a entaché sa décision d'aucune illégalité. 26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E :Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale.Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris.Délibéré après l'audience du 8 novembre 2024, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Soyez, président assesseur,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 29 novembre 2024. La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERELa greffière,E. LUCELa République mande et ordonne au ministre de l'Education nationale en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.2N° 23PA01292


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01292
Date de la décision : 29/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : JANURA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-29;23pa01292 ?
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