Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... Zitane a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 20 août 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination.
Par une ordonnance n° 2114291 du 25 mars 2022, le président de la 11e chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. Zitane.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 avril 2022, M. Zitane, représenté par Me Mine, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 25 mars 2022 du président de la 11e chambre du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 20 aout 2021 portant refus de renouvèlement son titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " entrepreneur/profession libérale " ou " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la mise à disposition de la décision à intervenir, sous astreinte de
100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros, à verser à son conseil, par application combinée des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
- sa demande de première instance n'était pas tardive.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 aout 2021 :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure non contradictoire ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des articles L. 313-8 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, repris aux articles L. 422-8 et suivants et L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la viabilité économique de son entreprise ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de son droit à la vie privée et familiale.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La procédure a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a produit aucune écriture.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 6 mai 2022, M. Zitane n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme C... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... Zitane, ressortissant marocain né le 27 février 1992, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité " d'étudiant " ou mention " entrepreneur/ profession libérale ". Par un arrêté du 20 août 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. Zitane relève appel de l'ordonnance du 25 mars 2022 par laquelle le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête comme tardive.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. ". Il incombe à l'administration de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire de sa décision. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
3. Il ressort des pièces du dossier, que M. Zitane a sollicité le 16 novembre 2020 le renouvellement de sa carte de séjour. Par arrêté du 20 août 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande et a, en outre, obligé M. Zitane à quitter le territoire français.
M. Zitane soutient ne jamais avoir été destinataire de cet arrêté. Il ressort des termes de l'ordonnance contestée que pour rejeter les conclusions présentées par M. Zitane, le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur la " copie écran " de l'historique d'acheminement postal produit par le préfet en défense. Toutefois, en l'absence d'une preuve de notification à laquelle est rattachée un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis, la notification de la décision attaquée ne peut être regardée comme régulière. Dans ces conditions, c'est à tort que le président de la 11ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a estimé que les conclusions présentées par M. Zitane étaient tardives.
4. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance n° 2114291 du 25 mars 2022 du président de la 11e chambre du tribunal administratif de Montreuil doit être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. Zitane devant le tribunal administratif de Montreuil ainsi que sur le surplus de ses conclusions d'appel.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 août 2021 :
5. M. Zitane soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle dans la mesure où il a retenu qu'il était célibataire. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a effectivement informé les services préfectoraux de son mariage avec une ressortissante française par courriel du 11 mars 2021. Dans ce courriel,
M. Zitane les interrogeait sur le délai de vie commune au terme duquel il pouvait solliciter un changement de statut " vie privée et familiale ", question à laquelle il a été apporté une réponse le lendemain. M. Zitane a, en outre, obtenu un rendez-vous le 28 mai 2021 au " pôle vie privée et familiale " de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. A la date de la décision attaquée, le préfet était donc informé de la situation familiale de M. Zitane. Or, après avoir examiné la possibilité pour l'intéressé d'obtenir un titre de séjour en qualité d'étudiant ou d'entrepreneur, le préfet a considéré que ce dernier, " célibataire et sans charge de famille, ne justifiait pas d'une situation personnelle et familiale à laquelle la décision porte une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ". Dans ces conditions, le préfet ayant connaissance de la situation familiale de
M. Zitane, ne peut être regardé comme ayant procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par M. Zitane, que celui-ci est fondé à solliciter l'annulation de l'arrêté du
20 août 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".
8. L'exécution du présent arrêt, eu égard au motif d'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-Saint-Denis, et en l'absence d'autre moyen propre à justifier en l'état du dossier la délivrance d'un titre de séjour à M. Zitane, n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un tel titre. Il implique, en revanche, qu'une nouvelle décision statuant sur la demande d'admission au séjour présentée par l'intéressé soit prise après une nouvelle instruction. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. Zitane et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2114291 du 25 mars 2022 du président de la 11eme chambre du tribunal administratif de Montreuil est annulée.
Article 2 : L'arrêté du 20 août 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la situation de M. Zitane dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. Zitane une somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Zitane, au ministre de l'intérieur et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2024.
La rapporteure,
M. C...La présidente,
M. B...
La greffière,
N DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01771 2