Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 février 2024 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de sa reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement no 2403124 du 9 avril 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 mai 2024, M. B... A..., représenté par Me Vannier, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris no 2403124 du 9 avril 2024 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 2 février 2024 ;
4°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour et de procéder, sans délai, à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, en raison d'une insuffisante motivation ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée de défaut de motivation et d'examen particulier de sa situation ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 7 de la directive 2008/115/CE et des articles L. 612-1 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et entachée de défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;
- cette décision est insuffisamment motivée et entachée de défaut d'examen de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen est insuffisamment motivée et entachée de défaut d'examen ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle et à l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 2 février 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. A..., ressortissant ghanéen né le 14 février 1983, à quitter le territoire français sans lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de sa reconduite et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 24 mois. Par un jugement no 2403124 du 9 avril 2024 dont le requérant relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté la requête présentée par M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président (...) ". M. A..., déjà représenté par un avocat, ne justifie pas du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle et n'a pas joint à sa requête une telle demande. Aucune urgence ne justifie que soit prononcée, en application des dispositions précitées, son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur la régularité du jugement :
3. M. A... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors, d'une part, qu'il n'indique pas les motifs du rejet de sa demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire et, d'autre part, qu'il ne s'est pas prononcé sur la durée de son séjour en France et sur sa demande présentée pour raisons médicales. Toutefois, le requérant ne peut utilement soulever le moyen tiré du refus d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, cette décision n'étant pas susceptible de recours, selon les dispositions de l'article 62 du décret du 28 décembre 2020. En outre, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision d'obligation de quitter le territoire français, tel qu'il est formulé, en ce qu'il met en cause l'insuffisante prise en considération par le tribunal des éléments relatifs notamment à la vie privée et familiale du requérant et à sa situation sur le plan pénal, relève du bien-fondé du jugement et est, par suite, sans incidence sur sa régularité. En tout état de cause, le jugement attaqué qui n'était pas tenu de faire mention de l'ensemble des éléments versés au dossier et des arguments de l'intéressé est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, M. A... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'absence de motivation de la décision litigieuse et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 4 et 5 du jugement contesté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. A... soutient qu'il est entré en France le 2 février 2005, à l'âge de 22 ans, qu'il y réside sans discontinuer depuis lors, qu'il vit depuis 2018 avec une ressortissante camerounaise titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugiée, qu'il est père d'une enfant née en France le 19 janvier 2014 et qu'il y est bien intégré socialement et professionnellement. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant ne justifie pas d'une communauté de vie avec la ressortissante camerounaise titulaire d'une carte de résident et n'établit pas entretenir des liens avec sa fille, dont il ne produit pas, au demeurant, l'acte de naissance. En outre, il ne ressort pas du dossier que le requérant serait dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision attaquée ne portant pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...). ".
8. Si M. A... soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît le 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que cette décision a été prise notamment au motif que le requérant ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
9. En premier lieu, la décision litigieuse énonçant les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré du défaut de motivation de ladite décision doit être écarté.
10. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation de M. A....
11. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que le moyen tiré de ce que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. En dernier lieu, M. A... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et des articles L. 612-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 8 du jugement contesté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
13. En premier lieu, la décision attaquée par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis fixe le pays de destination énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
14. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché la décision attaquée d'un défaut d'examen de la situation de M. A... en relevant que celui-ci " n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ". Par suite, le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation du requérant doit être écarté.
15. En troisième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
16. En dernier lieu, M. A... ne peut utilement soulever le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
18. En premier lieu, la décision attaquée vise l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique, notamment, que le requérant ne justifie pas de l'ancienneté de liens personnels et familiaux en France et constitue une menace pour l'ordre public. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
19. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. A... avant de prendre la décision attaquée.
20. En troisième lieu, le requérant n'établissant pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de 24 mois doit être écartée.
21. En dernier lieu, M. A..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, n'a justifié d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Pour fixer à 24 mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. A..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur le fait que le requérant ne justifie pas de l'ancienneté de liens personnels et familiaux en France et constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à 24 mois la durée de cette interdiction.
En ce qui concerne le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :
22. Aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006. / Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. ".
23. Il résulte des dispositions citées au point précédent que le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen constitue une information à l'étranger auquel est notifiée une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, les moyens soulevés par M. A... à l'encontre de ce signalement sont inopérants et doivent être écartés.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024.
La rapporteure,
I. C...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02024