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28/11/2024 | FRANCE | N°24PA00393

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 28 novembre 2024, 24PA00393


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 janvier 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé son transfèrement de l'Unité hospitalière sécurisée interrégionale du centre pénitentiaire de Rennes - Vezin vers le quartier d'isolement du centre pénitentiaire de Valence.



Par un jugement n° 2204289 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

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Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 26 janvier 2024, et un mémoire e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 20 janvier 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé son transfèrement de l'Unité hospitalière sécurisée interrégionale du centre pénitentiaire de Rennes - Vezin vers le quartier d'isolement du centre pénitentiaire de Valence.

Par un jugement n° 2204289 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2024, et un mémoire en réplique enregistré le

5 novembre 2024, M. A... B..., représenté par Me David, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à Me David, sur le fondement de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas été signé, en méconnaissance de l'article L. 741-7 du code de justice administrative ;

- la décision en litige porte atteinte à ses droits et libertés fondamentales, à savoir à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision contestée est susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

- elle est entachée d'incompétence, d'irrégularité, d'insuffisance de motivation, de méconnaissance de l'intérêt supérieur de ses enfants en méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et d'erreur d'appréciation quant à son comportement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiqué au secrétariat général du Gouvernement qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 30 novembre 2023 le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ivan Luben,

- les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., condamné à la réclusion criminelle, était détenu depuis le 14 janvier 2022 à l'Unité hospitalière sécurisée interrégionale du centre pénitentiaire de Rennes - Vezin, à la suite d'une grève de la faim entamée alors qu'il était affecté au quartier d'isolement du centre pénitentiaire d'Alençon - Condé-sur-Sarthe. Par une décision du 20 janvier 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, a ordonné son transfèrement au quartier d'isolement du centre pénitentiaire de Valence. M. B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué du 19 octobre 2023 a été signée par le rapporteur de l'affaire, le président de la chambre et la greffière d'audience. Ce jugement n'est donc pas entaché d'irrégularité.

3. En second lieu, les décisions de changement d'affectation entre établissements de même nature ne constituent pas des actes administratifs susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus. Doivent être regardées comme mettant en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus les décisions qui portent à ces droits et libertés une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à leur détention.

4. En l'espèce, M. B... fait l'objet d'une décision de changement d'affectation entre deux centres pénitentiaires. Il invoque son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en faisant valoir que son transfèrement vers le centre pénitentiaire de Valence l'éloigne de ses proches résident en région parisienne et notamment de ses enfants mineurs pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, dès lors que cet établissement est situé à 600 km, soit six heures de trajet, et que le coût de ces trajets, de plus de cent euros, rend impossible les visites des membres de sa famille. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le tribunal pour enfants de C... a, par une ordonnance du 29 juin 2021, suspendu les droits de visite de M. B... à ses cinq enfants mineurs. Par ailleurs, M. B... n'apporte aucun élément précis sur le domicile et les moyens financiers des personnes qui lui rendent effectivement visite. Dans ces conditions, alors que M. B... était précédemment affecté au centre pénitentiaire d'Alençon - Condé-sur-Sarthe puis de Rennes - Vezin, situés respectivement à plus de 200 et 350 kilomètres de Paris, il n'établit pas que son transfèrement impliquerait un éloignement tel que ses proches ne pourraient que très difficilement lui rendre visite. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet d'une nouvelle affectation au centre pénitentiaire Sud-Francilien à compter du 26 avril 2022. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de transfèrement de M. B... vers le centre pénitentiaire de Valence serait susceptible de porter à son droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte qui excèderait les contraintes inhérentes à sa détention. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la nouvelle affectation de M. B... en quartier d'isolement s'accompagnerait d'une modification de son régime de détention, ni a fortiori qu'elle entraînerait une aggravation de ses conditions de détention. Par suite, la décision en litige constitue une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024.

Le président-rapporteur,

I. LUBENL'assesseur le plus ancien,

S. DIÉMERT

La greffière,

C. POVSE La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA00393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00393
Date de la décision : 28/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-28;24pa00393 ?
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