Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les sociétés SMAC et la société VIQR LUX 1 FUBD SCA ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 29 juillet 2021 par laquelle le directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France a exercé son droit de préemption sur le bien cadastré section DF n° 193 au 20 rue Charles Heller sur le territoire de la commune de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne).
Par un jugement n° 2108590 du 3 octobre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 décembre 2023 et 19 juin 2024, la société SMAC et la société VIQR LUX 1 FUBD SCA, représentées par Me Jorion, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2108590 du 3 octobre 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France du 29 juillet 2021 ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France de proposer d'acquérir le bien à la venderesse, puis à l'acquéreur évincé, au prix auquel il aurait été acquis par l'acquéreur évincé dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement public foncier d'Île-de-France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la décision de préemption est entachée d'un vice de procédure en ce que l'adoption d'une décision de préemption nécessitait la consultation préalable de la direction de l'immobilier de l'Etat ; il n'est pas certain que l'avis au dossier, qui mentionne une adresse erronée et une valeur vénale de seulement 3 990 000 euros, porte sur le bien en cause ; seule la première page de l'avis est produite ;
- elle est entachée d'un défaut de base légale, l'établissement public foncier d'Île-de-France n'établissant pas que le droit de préemption urbain a été régulièrement institué en application de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme ; les publications dont se prévaut l'établissement public en défense sont incomplètes ;
- le maire de la commune a approuvé le projet qui lui a été présenté le 12 février 2021 ;
- les autres moyens qu'elles ont développés devant le tribunal sont fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2024, l'établissement public foncier d'Île-de-France, représenté par Me Moghrani, conclut au rejet de la requête et à ce que les sociétés SMAC et VIQR LUX 1 FUBD SCA lui versent la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Claudine Briançon, présidente honoraire, pour exercer les fonctions de rapporteure au sein de la 1ème chambre en application de l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,
- les conclusions de M.Gobeill, rapporteur public,
- et les observations de Me Jorion, représentant les sociétés SMAC et VIQR LUX 1 FUBD SCA , et de Me Reis, substituant Me Moghrani, représentant l'établissement public foncier d'Île-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 29 juillet 2021, l'Etablissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF) a exercé son droit de préemption sur le bien cadastré section DF n° 193 au 20 rue Charles Heller sur le territoire de la commune de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) appartenant à la société SMAC. Cette société et la société VIQR LUX 1 FUBD SCA, acquéreur évincé, relèvent appel du jugement du 3 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges aux points 2 à 6 et 20 à 23 de leur jugement, les moyens repris en appel par les sociétés requérantes, qui se bornent à renvoyer à leurs écritures de première instance, tirés de l'incompétence de l'EPFIF et de son directeur général, d'une insuffisance de motivation et de l'absence de réalité du projet invoqué par l'administration pour justifier sa décision de préemption au regard des dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. (...) ". Les obligations prévues à cet article constituent des formalités nécessaires à l'entrée en vigueur des actes instituant le droit de préemption urbain.
4. Il ressort des pièces du dossier que la délibération n° 2017-04-15-580 du 15 avril 2017 par laquelle l'établissement public territorial du Grand-Orly Seine Bièvre a instauré le droit de préemption urbain renforcé dans le secteur " Ardoines Sud " et l'a délégué à l'EPFIF, a été transmis aux services de l'Etat en charge du contrôle de légalité le 20 avril 2017, a fait l'objet d'une insertion dans deux journaux diffusés dans le département, à savoir Le Parisien et Les Echos du 4 mai 2017, comme que le prévoit l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, ainsi que d'un affichage au siège de l'établissement public territorial à compter du 24 avril 2017 et pour une durée de deux mois comme en atteste le certificat d'affichage établi le 26 juin 2017 par l'adjoint au maire de la commune de Vitry-sur-Seine. En outre, il ressort des pièces du dossier que les publications du 4 mai 2017, qui mentionnaient la délibération en cause et son objet, étaient suffisantes, alors même que le nom de la commune concernée au sein de l'établissement public territorial du Grand-Orly Seine Bièvre n'était pas précisé. Par conséquent, la délibération n° 2017-04-15-580 du 15 avril 2017 instituant le droit de préemption a fait l'objet des publications requises, elle présentait donc un caractère exécutoire lorsqu'a été adoptée la décision en litige, de sorte que doit être écarté le moyen tiré du défaut de base légale de cette décision.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'édiction de la décision contestée du 29 juillet 2021, la direction nationale d'interventions domaniales a, le 21 juillet 2021, rendu un avis sur la valeur vénale du bien en cause. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet avis comportait plus d'une page. En outre, alors que cet avis est antérieur de plusieurs jours et a été visé par la décision litigieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait parvenu tardivement au titulaire du droit de préemption. Enfin, si cet avis comporte une erreur quant à l'adresse du bien évalué en indiquant le n° 32 au lieu du n° 20 de la rue Charles Heller à Vitry-sur-Seine, il ressort des mentions de cet avis, qui précise notamment les références cadastrales, le nom du propriétaire et la nature des locaux et comporte deux photographies, qu'il ne s'agit que d'une erreur de plume et que l'évaluation a bien porté sur le bâtiment visé par la déclaration d'intention d'aliéner. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. (...) Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste des documents susceptibles d'être demandés est fixée limitativement par décret en Conseil d'Etat. (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. / Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret ".
8. Il résulte des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois, éventuellement prorogé dans les conditions mentionnées ci-dessus, imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise.
9. D'une part, le délai laissé au titulaire du droit de préemption pour exercer ce droit, lorsque qu'il a été régulièrement suspendu par la réception par le propriétaire de la demande de visite du bien ou de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, reprend son cours, selon le cas, soit à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, soit du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption, soit du plus tardif de ces événements en cas de demande à la fois de visite et de communication de documents.
10. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration d'intention d'aliéner le bien immobilier sis 20 rue Charles Heller, établie par Me Alfonsi, notaire chargée de la vente, a été reçue en mairie de Vitry-sur-Seine le 25 mai 2021. Par un courrier du 23 juin 2021, réceptionné le 29 juin 2021, soit dans le délai de deux mois prévu à l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, le directeur général de l'établissement public foncier d'Île-de-France a sollicité la communication de pièces complémentaires, lesquelles ont été réceptionnées le 1er juillet 2021, et une visite des lieux s'est déroulée le 13 juillet 2021. Ainsi, le délai imparti à l'EPFIF pour exercer le droit de préemption a recommencé à courir à compter de la plus tardive de ces formalités et pour un délai d'un mois, soit jusqu'au 13 août 2021.
11. D'autre part, dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption. Il n'en est cependant pas de même de la publication et de la notification de la décision de préemption à l'acquéreur évincé qui ont pour objet et pour effet de faire courir le délai de recours à l'encontre de la décision de préemption mais ne sont pas des conditions de sa légalité.
12. Il ressort des pièces du dossier que la décision de préemption a été prise le 29 juillet 2021, réceptionnée par les services en charge du contrôle de légalité de la préfecture du Val-de-Marne le 2 août 2021 et signifiée à la société SMAC le 5 août 2021, soit dans le délai d'un mois qui a recommencé à courir à compter de la visite des lieux du 13 juillet 2021.
13. Par suite, alors que les sociétés requérantes ne peuvent pas utilement faire valoir que la décision de préemption n'a pas été publiée et n'a pas été notifiée à l'acquéreur évincé mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner, elles ne sont pas fondées à soutenir que la décision de préemption du 29 juillet 2021 est intervenue tardivement.
14. En dernier lieu, la circonstance que le maire de la commune de Vitry-sur-Seine ait approuvé le projet présenté par la société le 12 février 2021 en relevant qu'il " répondait aux attentes de la Mairie et du Territoire " est sans incidence sur la réalité du projet mentionné dans la décision de préemption en litige par l'EPFIF auquel le droit de préemption avait été régulièrement délégué.
15. Il résulte de ce qui précède que les sociétés SMAC et VIQR LUX 1 FUBD SCA ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 29 juillet 2021.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EPFIF, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les sociétés SMAC et VIQR LUX 1 FUBD SCA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge des sociétés requérantes une somme de 2 000 euros à verser à l'EPFIF sur le fondement des mêmes dispositions
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des sociétés SMAC et VIQR LUX 1 FUBD SCA est rejetée.
Article 2 : Les sociétés SMAC et VIQR LUX 1 FUBD SCA verseront chacune respectivement la somme de 1 000 euros à l'Etablissement public foncier d'Île-de-France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés SMAC et VIQR LUX 1 FUBD SCA et à l'Etablissement public foncier d'Île-de-France.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- Mme Claudine Briançon, présidente honoraire désignée en application de l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.
La rapporteure, Le président,
C.BRIANÇON I. LUBEN
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA05002