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28/11/2024 | FRANCE | N°23PA03497

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 28 novembre 2024, 23PA03497


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société HBE Distribution a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2021 par lequel le maire de la commune d'Aubervilliers a accordé à la société civile de construction-vente Rol Tanguy Aubervilliers un permis de démolir n° PD 093001 20 A0014 pour la démolition totale des biens situés sur un terrain sis

121-127 avenue Victor Hugo.



Par un jugement n° 2204326 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de

Montreuil a annulé l'arrêté litigieux.





Procédure devant la Cour :



I. Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société HBE Distribution a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 8 janvier 2021 par lequel le maire de la commune d'Aubervilliers a accordé à la société civile de construction-vente Rol Tanguy Aubervilliers un permis de démolir n° PD 093001 20 A0014 pour la démolition totale des biens situés sur un terrain sis

121-127 avenue Victor Hugo.

Par un jugement n° 2204326 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté litigieux.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 31 juillet 2023 sous le n° 23PA03466 et des mémoires enregistrés le 4 décembre 2023 et le 12 janvier 2024, la société civile de construction-vente Rol Tanguy Aubervilliers représentée par Me Leparoux (AARPI Graphène Avocats), demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2204326 du 15 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil

2°) de rejeter la demande présentée par la société HBE Distribution devant le tribunal administratif de Montreuil ;

3°) de mettre à la charge de la société HBE Distribution le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les premiers juges n'ont pas tenu compte de ce que l'arrêté portant délégation de fonctions à l'adjoint au maire signataire de l'arrêté litigieux a été régulièrement affiché du 23 juillet au 25 septembre 2020.

La requête a été communiquée à la commune d'Aubervilliers, qui n'a pas présenté d'observations dans cette instance

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2023, la société HBE Distribution, représenté par Me Destarac (SELAS Cloix Mendès Gil) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge de la société requérante en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête enregistrée le 1er août 2023 sous le n° 23PA03497 et un mémoire enregistré le 11 janvier 2024, la commune d'Aubervilliers représentée par Me Henochsberg (AARPI Loiré Henochsberg et Associé), demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2204326 du 15 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société HBE Distribution devant le tribunal administratif de Montreuil ;

3°) de mettre à la charge de la société HBE Distribution le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier comme insuffisamment motivé, faute d'avoir répondu à la fin de non-recevoir tirée de l'absence de signature de la demande ;

- le jugement attaqué est mal fondé, dès lors qu'il est établi que l'arrêté de délégation de fonctions à l'adjoint au maire signataire de l'arrêté litigieux a été régulièrement affiché du 23 juillet au 25 septembre 2020 ;

- les autres moyens présentés devant les premiers juges ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la société civile de construction-vente Rol Tanguy Aubervilliers représentée qui n'a pas présenté d'observations en défense dans cette instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2023, la société HBE Distribution représenté par Me Destarac (SELAS Cloix Mendès Gil) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Diémert,

- les conclusions de M. Jean-François Gobeill, rapporteur public,

- et les observations de Me Barreau, substituant Me Destarac, avocat de la société HBE Distribution, et Me Barroux, substituant Me Henochsberg, avocat de la commune d'Aubervilliers.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 8 janvier 2021, la commune d'Aubervilliers a autorisé la société civile de construction-vente Rol Tanguy Aubervilliers à démolir un bâtiment de 1 600 m² situé sur les parcelles cadastrées O n°02, 03 et 43 au 121-127 avenue Victor Hugo, sur le territoire de la commune d'Aubervilliers. Par la présente requête, la société HBE Distribution, qui dispose d'un bail sur une partie des locaux devant être démolis, demande l'annulation de l'arrêté portant permis de démolir du 8 janvier 2021.

2. Les requêtes n° 23PA03466 et n° 23PA03497 sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. La commune d'Aubervilliers soutient que le jugement attaqué est irrégulier comme insuffisamment motivé, faute d'avoir répondu à la fin de non-recevoir tirée de l'absence de signature de la demande.

4. Aux termes de l'article R. 414-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, (...), la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. (...) " Aux termes de l'article R. 414-3 du même code : " Les caractéristiques techniques de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 et du téléservice mentionné à l'article R. 414-2 garantissent la fiabilité de l'identification des parties ou de leur mandataire, (...) ". Enfin, l'article R. 414-4 de ce code dispose que : " L'identification de l'auteur de la requête, selon les modalités prévues par l'arrêté mentionné à l'article R. 414-3, vaut signature pour l'application des dispositions du présent code. ".

5. Il est constant que la demande de première instance, présentée par ministère d'avocat, a été adressée au tribunal administratif de Montreuil par le truchement de l'application informatique dédiée prévue par les textes précités et que l'identification de son auteur par cette voie vaut ainsi signature. Le moyen tiré de ce que cette demande n'était pas signée est donc inopérant, et les premiers juges n'étaient pas tenus d'y répondre. Le moyen doit donc être écarté comme non fondé.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. L'arrêté litigieux portant permis de démolir a été signé par M. A..., troisième adjoint au maire et signataire de l'arrêté attaqué, lequel avait reçu délégation de fonctions du maire d'Aubervilliers, à l'effet de signer tous les arrêtés se rattachant notamment à l'urbanisme, par un arrêté du 22 juillet 2020 transmis au contrôle de légalité le 23 juillet 2020. Toutefois, les premiers juges ont prononcé l'annulation de l'arrêté en litige au motif, exposé au point 8 du jugement attaqué, qu' " en se bornant à certifier avoir procédé à l'affichage d'une décision portant délégation de fonctions à M. A..., " adoptée en conseil municipal en date du

20 juillet 2020 ", alors comme il a été dit que l'arrêté de délégation est daté du 22 juillet 2020 et a été édicté par la maire de la commune d'Aubervilliers, cette dernière ne peut être regardée comme justifiant suffisamment de la réalisation des formalités de publicité nécessaires pour rendre exécutoire l'arrêté du 22 juillet 2020. ".

7. Devant la Cour, les requérants produisent un certificat non daté du maire d'Aubervilliers duquel il résulte que l'arrêté susmentionné du 22 juillet 2020 a fait effectivement l'objet d'un affichage à l'hôtel de ville et en cinq autres points réservés à l'affichage communal, pour la période du 23 juillet au 25 septembre 2020.

8. D'une part, l'absence de mention de la date de signature, sur un acte administratif ne présentant pas de caractère décisoire, tel qu'un certificat, mais qui comporte en tout état de cause les mentions permettant d'identifier son auteur, ne suffit pas par elle-même à lui dénier toute force probante. D'autre part, il résulte des dispositions des articles L. 2131-1 et R. 2122-7 du code général des collectivités territoriales que la mention, apposée sous la responsabilité du maire, certifiant qu'un acte communal a été publié, fait foi jusqu'à preuve du contraire. Par suite, la seule circonstance que la réalité de la publication d'un acte comportant une telle mention soit contestée devant le juge ne suffit pas à faire regarder cet acte comme n'ayant pas été effectivement publié. Enfin, un tel certificat peut valablement n'être établi que dans le cadre de l'instance contentieuse et à tout moment de la procédure.

9. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 7 et 8 que, la réalité de l'affichage de l'arrêté portant délégation de la signature du maire à l'adjoint signataire de l'arrêté litigieux étant désormais établie, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement attaqué, prononcé l'annulation de ce dernier arrêté pour le motif rappelé au point 6. Il y a donc lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens articulés par le demandeur de première instance à l'encontre dudit arrêté.

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

10. En premier lieu, la société HBE Distribution soutenait devant les premiers juges que les dispositions de l'article R. 451-1 du code de l'urbanisme ont été méconnues, dès lors que le dossier de demande de permis de démolir ne précise pas la mention de la date approximative de construction des bâtiments dont la démolition est envisagée exigée par le c) de cet article, et ne précise pas que la démolition porte sur une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumis à autorisation environnementale, contrairement au e) dudit article.

11. Aux termes de l'article R. 451-1 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de démolir précise : / (...) / c) La date approximative à laquelle le ou les bâtiments dont la démolition est envisagée ont été construits ; / (...) ; / e) S'il y a lieu, que la démolition porte sur une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumis à autorisation environnementale en application de l'article L. 181-1 du code de l'environnement, si les travaux portent atteinte aux intérêts mentionnés au I de l'article L. 181-3 ; / (...). ". La circonstance que le dossier de demande de permis de démolir ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

12. D'une part, le dossier de demande de permis de démolir comporte un plan de situation du terrain, un plan de masse des bâtiments à démolir, ainsi que cinq photographies de ces derniers, qui ne font l'objet d'aucune protection particulière et dont l'aspect est de nature à révéler à tout esprit normalement éclairé, dès la première vue, le manque d'intérêt architectural. Dès lors, l'absence de mention au dossier de leur date approximative de construction n'a pas été de nature, en l'espèce, à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

13. D'autre part, et contrairement à ce qui est soutenu en défense, il ressort des pièces du dossier que les bâtiments à démolir ne relèvent pas du champ d'application des dispositions précitées du e) de l'article R. 451-1 du code de l'urbanisme, dès lors que ce régime n'est en réalité applicable qu'à un immeuble immédiatement voisin, lequel n'est pas concerné par le permis litigieux.

14. Le moyen doit donc être écarté dans ses deux branches.

15. En second lieu, la société HBE Distribution soutenait devant les premiers juges que l'arrêté litigieux méconnaît l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme dès lors que la démolition envisagée vise à construire un immeuble de bureaux d'un gabarit très supérieur à celui du bâti avoisinant.

16. Aux termes du second alinéa de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti, du patrimoine archéologique, des quartiers, des monuments et des sites. ". Ces dispositions, destinées à la protection du " patrimoine bâti " et des " sites ", n'ont pas pour objet de prohiber la démolition d'un immeuble manifestement dépourvu du moindre intérêt architectural au seul motif de son implantation dans un environnement qui en est tout autant dépourvu.

17. D'une part, le permis litigieux n'autorisant par lui-même aucune construction, la critique portée sur le projet destiné à remplacer les bâtiments à démolir est inopérante.

18. D'autre part, il est constant que les bâtiments à démolir ne relèvent d'aucun régime de protection et qu'ils sont dépourvus de tout intérêt architectural, comme d'ailleurs les autres bâtiments de leur environnement immédiat. Dès lors, c'est sans commettre d'appréciation au regard d'une éventuelle compromission de la protection ou de la mise en valeur du patrimoine bâti concerné que le maire d'Aubervilliers a pu légalement délivrer le permis litigieux. Le moyen doit donc être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, annulé l'arrêté en date du 8 janvier 2021 par lequel le maire d'Aubervilliers a accordé à la société civile de construction-vente Rol Tanguy Aubervilliers un permis de démolir n° PD 093001 20 A0014 pour la démolition totale des biens situés sur un terrain sis 121-127 avenue Victor Hugo. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande d'annulation de cet arrêté présentée devant le tribunal administratif de Montreuil par la société HBE Distribution.

Sur les frais du litige :

20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser chacune des parties supporter ses propres frais, et de rejeter en conséquence l'ensemble de leurs conclusions d'appel fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2204326 du 15 juin 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société HBE Distribution devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel des parties fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile de construction-vente Rol Tanguy, à la commune d'Aubervilliers et à la société HBE Distribution.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis et, conformément à l'article R. 751-11 du code de justice administrative, au Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- M. Emmanuel Laforêt, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 novembre 2024.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

I. LUBEN La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 23PA03466, 23PA03497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03497
Date de la décision : 28/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : AARPI GRAPHENE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-28;23pa03497 ?
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