La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2024 | FRANCE | N°24PA03828

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 26 novembre 2024, 24PA03828


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le comité social et économique de l'unité économique et sociale (UES) Mutualité française a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er février 2024 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire partiel et son avenant et homologué le document unilatéral complémentaire portant plan de sauvegarde de l'emploi au sein de l

a Fédération nationale Mutualité française.



Par un jugement n° 2407398/3-1 du 27...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique de l'unité économique et sociale (UES) Mutualité française a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er février 2024 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire partiel et son avenant et homologué le document unilatéral complémentaire portant plan de sauvegarde de l'emploi au sein de la Fédération nationale Mutualité française.

Par un jugement n° 2407398/3-1 du 27 juin 2024, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrées les 27 août et 18 octobre 2024, le comité social et économique de l'UES Mutualité française, représenté par la SELARL Dellien Associés, agissant par Me Mangou, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 1er février 2024 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire partiel et son avenant et homologué le document unilatéral complémentaire portant plan de sauvegarde de l'emploi au sein de la Fédération nationale Mutualité française.

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 9 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'autorité administrative a entaché d'erreur de droit et d'appréciation sa décision d'homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, alors que les informations transmises par l'employeur étaient insuffisantes pour justifier les catégories professionnelles retenues, et que celles-ci ont été irrégulièrement déterminées ;

- l'autorité administrative n'a pas suffisamment contrôlé le respect par l'employeur de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs dès lors que, d'une part, l'information transmise par l'employeur aux institutions représentatives du personnel sur l'identification et l'évaluation des conséquences de la réorganisation sur la santé et la sécurité des travailleurs et les mesures projetées pour les prévenir était lacunaire, en particulier sur l'analyse de la charge de travail, sur l'évaluation des risques professionnels et sur l'identification des risques liés au réaménagement du siège, et que, d'autre part, les mesures de prévention des risques, arrêtées par l'employeur, ne sont pas suffisantes, ni précises, ni complètes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 octobre 2024, la ministre du travail et de l'emploi conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le comité social et économique de l'UES Mutualité française ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2024, la Fédération nationale Mutualité française conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 5 000 euros soit mis à la charge du comité social et économique de l'UES Mutualité française.

Elle soutient que les moyens soulevés par le comité social et économique de l'UES Mutualité française ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Mangou pour le comité social et économique de l'UES Mutualité française, et de Me Van Detm pour la Fédération nationale Mutualité française.

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération nationale Mutualité française (FNMF) est une fédération professionnelle, régie par le code de la mutualité, qui appartient à l'Unité économique et sociale (UES) du groupe Mutualité française. Elle regroupe des mutuelles, des unions territoriales et régionales dont elle défend les intérêts collectifs, moraux et matériels, assure la représentation et facilite les activités. Elle a entrepris une réorganisation de son fonctionnement et de ses activités, pour s'adapter à la transformation du secteur de la mutualité, et a initié en février 2023 une procédure de consultation et d'information du comité social et économique sur un projet de licenciement collectif de salariés de la fédération dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. La fédération a conclu avec les organisations syndicales représentatives un accord collectif partiel le 8 novembre 2023, complété par un avenant du 18 janvier 2024. Cet accord prévoit soixante-quinze suppressions de postes, dont quinze étaient déjà vacants ou à pourvoir, quinze modifications de contrats de travail et vingt-deux créations de postes, sur un effectif de deux cent trente-huit salariés au 30 septembre 2023. Il porte également sur le périmètre d'application des critères d'ordre de licenciement, les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, le calendrier de mise en œuvre des départs et les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement interne et externe. La fédération et les syndicats n'étant pas parvenus à un accord sur les catégories professionnelles, celles-ci ont été déterminées dans un document unilatéral établi par l'employeur le 15 décembre 2023. Par une décision du 1er février 2024, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire partiel et son avenant et a homologué le document unilatéral complémentaire portant plan de sauvegarde de l'emploi au sein de la Fédération nationale mutualité française. Le comité social et économique de l'UES Mutualité française relève appel du jugement du 27 juin 2024 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de la décision attaquée en tant qu'elle est relative au contrôle de la définition des catégories professionnelles :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " En l'absence d'accord collectif (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié (...) la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique (...) ", lequel est, lorsque le plan de sauvegarde de l'emploi est conclu au niveau d'une UES regroupant au moins onze salariés, reconnue par accord collectif ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, le comité social et économique de l'UES mentionné à l'article L. 2313-8 du code du travail.

3. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article L. 1233-28 du code du travail que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter le comité social et économique. A ce titre, le I de l'article L. 1233-30 du même code dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que : " (...) l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-31 du même code : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées ; / 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ".

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que, lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause.

5. Par ailleurs, l'article L. 1233-57-3 du code du travail prévoit qu'en l'absence d'accord collectif, ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ", le 4° de cet article étant relatif au nombre des suppressions d'emploi et aux catégories professionnelles concernées.

6. En vertu de ces dispositions, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec le comité social et économique au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet de réorganisation prévoyait 75 suppressions de postes dont 15 vacants, 15 modifications de contrat de travail et 22 créations de postes, pouvant conduire à un maximum de 75 licenciements pour motif économique et/ou départs volontaires. Les catégories professionnelles, telles qu'elles ont été déterminées par le document unilatéral, sont au nombre de 76, dont 28 ne comprennent qu'un seul poste, 13 ne comprennent que deux postes et 9 ne comprennent que 3 postes. Sur les 28 catégories unipersonnelles, 9 concernent un poste qui sera supprimé (Cadre professionnel édition, Cadre professionnel gestion de trésorerie, Journaliste C1, Management gestion budgétaire, Management journaliste C2, Management opérationnel entretien et logistique, Médecin santé publique, Technicien entretien et logistique C1, Technicien entretien et logistique C2). Sur les 13 catégories qui ne comprennent que deux postes, 5 comportent uniquement des postes qui seront supprimés (Cadre professionnel gestion administrative, Employé entretien et logistique E2, Journaliste C1, Spécialiste santé et prévention C1, Technicien communication digitale). Enfin, une des 9 catégories qui comportent 3 postes comporte uniquement des postes qui seront supprimés (Employé entretien et logistique E4). Pour expliquer le nombre très important de catégories professionnelles, la FNMF se prévaut, d'une part, de son organisation, avec " des fonctions et des métiers très différents " et, d'autre part, de ce qu'elle a pris en compte les observations de la DRIEETS selon lesquelles doivent être réunies dans une même catégories des emplois ne nécessitant pas, en cas d'application des critères d'ordre, de modification du contrat de travail, ce qui a conduit à la prise en compte de la classification conventionnelle de ces emplois au sein de la fédération. Cette prise en compte ressort effectivement du point 3 du document unilatéral, intitulé " Méthodologie d'élaboration des catégories professionnelles ", dans lequel il est indiqué que " la convention collective de la Mutualité impose qu'un changement de classification induit une modification du contrat de travail liée notamment à la modification de la structure de la rémunération. La convention collective de la mutualité est conçue selon une logique différente de celle de Parodi imposant une pesée de chaque fonction selon des critères précis. Ainsi les classifications (T1 ; T2 ; E2 ; E4 ; C1 ; C2 ; C3 ; C4 ; D) ont complétement été séparées, sur les conseils de la DRIEETS, afin d'éviter les modifications de contrat (...). Ainsi, alors que la catégorisation du Livre 1 proposée au 29 mai 2023 avait été construite indépendamment de la logique managériale, les collaborateurs de la Mutualité sont désormais divisés en différentes strates managériales avec des cadres professionnels, des spécialistes, des managers et des directeurs. Cette classification permet de mieux rendre compte de la réalité des métiers au sein de la Fédération. " Il en résulte, d'une part, que le critère de la classification a été central dans la détermination des catégories et, d'autre part, que cette classification repose sur le niveau hiérarchique et la différence de rémunération en résultant.

8. Le ministre fait valoir en défense que " si aucun texte ni aucune jurisprudence n'impose l'utilisation des classifications professionnelles, aucun élément n'interdit d'en faire référence pour toute ou partie des catégories sous réserve qu'elles contribuent " à la détermination de catégories professionnelles sur la base des critères rappelés au point 6, ce qui serait, selon lui, le cas en l'espèce. Le CSE soutient au contraire que la répartition des postes en fonction de leur classification a conduit, dans certains cas, à classer dans des catégories professionnelles différentes des emplois classifiés différemment mais présentant des similitudes en termes de fonctions et pour lesquelles des diplômes de même nature et de même niveau sont requis ou, à l'inverse, à classer dans une même catégorie des postes ayant la même classification alors que les fonctions et les formations requises seraient différentes. Il soutient également que les catégories ont été construites en fonction des intitulés de postes, alors même que dans certains cas, cela ne correspond pas à la réalité des fonctions réellement exercées, et souligne l'absence de fiches de postes décrivant précisément, pour chacun d'entre eux, l'intitulé du poste, la présentation générale de la situation de travail et des conditions d'exercice, la description des missions et activités afférentes au poste, et les compétences et ressources requises pour l'exercice des missions et activités, en relevant que " les mécanismes conventionnels et contradictoires permettant aux salariés de se prononcer sur le contenu de leur fiche de poste et sur la classification de leur fonction ne sont plus mise en œuvre depuis plus de dix ans à la FNMF ". Le CSE indique enfin dans son avis, sans être contesté, que " si les premières répartitions de postes entre les catégories professionnelles donnaient l'impression que certains postes ainsi que leurs titulaires étaient ciblés en vue d'une suppression, la dernière répartition laisse, à l'inverse, le sentiment que les catégories ont été modelées afin de protéger certains postes et leurs titulaires. Lorsque l'on reprend les différentes mises à jour du livre 1, les catégories unipersonnelles avec suppression de poste sont en augmentation et l'on y retrouve les postes de salariés dont la direction souhaite "se débarrasser" ", et relève que " 61 % des postes occupés par un élu sont supprimés ou modifiés. Par ailleurs, les suppressions des postes des élus du personnel représentent 22 % de l'ensemble des suppressions de poste, alors qu'ils ne représentent que 10 % des postes dans l'entreprise. ".

9. Plus précisément, le CSE soutient notamment que sont réunies dans la catégorie " Management opérationnel mouvement et influence " les postes de responsables des services Offre de santé, statistiques et Veille stratégique, de même classification mais qui correspondent à des métiers différents, et qu'en " réunissant de manière artificielle [les postes de responsable des service statistiques et veille stratégique] au sein d'une même catégorie, l'employeur s'est assuré que les deux salariés concernés ne seraient pas visés par une mesure de licenciement car une seule suppression de poste était envisagée sur un poste vacant [celui de responsable du service offre de santé] ". En défense, la FNMF se contente d'indiquer que " si les formations initiales ne sont pas identiques, les compétences déployées dans le cadre des fonctions le sont notamment sur le plan managérial ", sans démontrer, eu égard à la technicité et aux spécificités des services concernés, et alors qu'elle reconnaît que les formations initiales ne sont pas identiques, qu'une simple formation d'adaptation serait suffisante pour assurer la " permutabilité " des emplois concernés. De la même façon, le CSE soutient que la catégorie " Spécialiste mouvement et influence " regroupe des postes qui ne sont pas " permutables " eu égard à la grande technicité des fonctions. Si le ministre et la FNMF font tous deux valoir que cette " permutabilité " pourra être assurée par une formation d'adaptation, ils ne donnent aucune précision à cet égard.

10. S'agissant des catégories " Spécialistes communications C1 " et " Spécialistes communication C2 ", pour lesquels les diplômes requis sont identiques, la FNMF indique que " la contrainte de non-modification de contrat en cas de repositionnement a justifié la séparation entre les classifications C1 et C2 pour les postes relevant de la communication ", sans contester les allégations du CSE selon lesquelles, comme indiqué dans le tableau qui figure au titre 2 du document unilatéral, les diplômes requis sont identiques. Par ailleurs, le CSE soutient, pour la première de ces deux catégories, que " le poste de chargé de mission communication (actuellement chargé du reporting de l'activité presse) n'est permutable ni avec le poste de projet communication (spécialisé communication événementielle) ni avec celui de chef de projet éditorial (chargé de conduire et mettre en œuvre des projets éditoriaux, notamment vidéo) ". Ni la fédération, ni le ministre, n'allèguent en défense qu'en dépit des compétences spécifiques requises pour chacun de ces postes, la permutabilité pouvait être assurée par une simple formation d'adaptation.

11. En outre, s'agissant de la catégorie professionnelle " Technicien communication digitale ", composée de deux postes qui sont tous deux supprimés, à savoir " Chargé de communication " et " Webmaster graphique ", la FNMF soutient que " les attendus en termes de diplôme (" Bac +3-4 Communication, média, Marketing digital, graphisme'") impliquent un niveau de compétences initiales permettant des changements d'activités sans pour autant créer des modifications de contrat de travail, conformément aux souhaits des élus et de la DRIEETS ". Toutefois, compte tenu de la définition très large de ces " attendus ", et de la technicité des fonctions en cause, il n'est pas établi ni même allégué que la " permutabilité " de ces deux postes aurait été possible suite à une simple formation d'adaptation.

12. Par ailleurs, la FNMF n'explique pas pourquoi les postes de " chargé de mission assistante " et de " chargé de prévention (offre de prévention), qui forment la catégorie professionnelle " Cadre professionnel gestion administrative " et vont tous deux êtres supprimés, et dont elle indique en défense qu'ils " relèvent tous les deux de l'assistanat de direction " et reposent sur " une formation professionnelle et des compétences communes (techniques, outils et méthode de reporting, assistance rédactionnelle, capacité d'analyse, techniques, outils et méthodes d'organisation et de planification etc.) ", n'ont pas été classés dans la catégorie " Gestionnaire de support administratif T2 " qui réunit les postes " assistant de direction ", " assistant chargé des relations mutuelles " et " référent fonctionnel ", ces derniers correspondant, selon l'analyse qui en est faite dans le rapport du cabinet Ethix, à des " assistantes venant en appui d'un métier " dont les compétences ont été élargies.

13. Enfin, alors que les missions et la formation de base sont identiques, que, contrairement à ce que soutient le ministre, les " journalistes pigistes " ne sont pas nécessairement titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée, et que la seule circonstance, invoquée par la FNMF, qu'ils sont rémunérés à la tâche ne permet pas d'établir qu'ils ne seraient pas salariés de la fédération ni qu'ils n'exerceraient pas les mêmes fonctions que les deux " journalistes rédacteurs " dont les deux postes qui vont être supprimés forment la catégorie professionnelle " Journaliste - C1 ", la distinction qui a été faite entre ces deux catégories n'apparaît pas non plus justifiée.

14. Il résulte de ce qui précède que, eu égard à la nature des distinctions ainsi opérées, le plus souvent - mais pas systématiquement - en fonction de la classification conventionnelle, aux critiques argumentées formulées par les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation, à l'absence de fiches de postes permettant de vérifier que les regroupements effectués répondent bien principalement à une logique de compétences, et aux justifications fournies par l'employeur, ce dernier doit, alors même que certaines de ces catégories professionnelles correspondent effectivement à des fonctions supposant des formations professionnelles particulières, être regardé comme s'étant en partie fondé, pour définir les catégories professionnelles visées par les licenciements, sur des considérations qui ne sont pas propres à regrouper les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Par suite, en estimant, dans l'un des motifs de la décision contestée, que " les catégories professionnelles déterminées par l'employeur regroupent les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ; qu'ainsi, la méthodologie utilisée qui renvoie à une logique de compétences professionnelles est conforme à la définition jurisprudentielle ", le DRIEETS d'Ile-de-France a méconnu les dispositions mentionnées au point 5.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de la décision attaquée en tant qu'elle porte sur le contrôle du respect par l'employeur de ses obligations en matière d'évaluation et de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés :

15. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". En vertu de l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement de principes généraux de prévention, au nombre desquels figurent, entre autres, l'évaluation des risques qui ne peuvent pas être évités, la planification de la prévention en y intégrant, notamment, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales, et la prise de mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.

16. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi et /ou d'une demande de validation d'un accord collectif majoritaire conclu en application de l'article L. 1233-24-1 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A ce titre, il lui revient notamment de contrôler les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, ce contrôle n'étant pas séparable du contrôle auquel elle est tenue en application de l'article L. 1233-57-3 du même code, dans les conditions exposées aux points 2 à 4. La juridiction administrative est seule compétente pour connaître de la contestation de la décision prise par l'autorité administrative, le juge judiciaire étant pour sa part compétent pour assurer le respect par l'employeur de son obligation de sécurité lorsque la situation à l'origine du litige est liée à la mise en œuvre du document ou de l'opération de réorganisation.

17. S'agissant du contrôle du respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, il en découle qu'il incombe à l'administration, en premier lieu, dans le cadre de son contrôle global de la régularité de la procédure d'information et de consultation, de vérifier que l'employeur a adressé au CSE, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité ou à des observations ou des injonctions formulées par l'administration, parmi tous les éléments utiles qu'il doit lui transmettre pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, des éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, ainsi que, en présence de telles conséquences, les actions projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs, de façon à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale.

18. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la FNMF a transmis au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion du 6 mars 2023, une note concernant les conséquences sur les conditions de travail, la santé et la sécurité des salariés ainsi que sur les mesures de prévention et d'accompagnement associées. Cette note comprenait une analyse, au sein de chaque direction de la FNMF, des évolutions envisagées du périmètre d'activité, des impacts attendus sur le contenu du travail ainsi que sur les conditions matérielles et physiques de travail des salariés et une présentation des mesures de prévention et d'accompagnement envisagées, avec un calendrier indicatif du déroulement du projet et l'identification des points de vigilance et zones de risques. Elle a été révisée à plusieurs reprises par la FNMF, avec l'aide d'un cabinet spécialisé, pour élaborer une analyse des risques construite sur la base des recommandations de l'Institut national de recherche et de sécurité, et prendre en compte les remarques du comité social et économique et les observations de la DRIEETS d'Ile-de-France. La note, qui constitue le livre IV du document d'information-consultation du comité social et économique, a été ainsi complétée de trois annexes portant respectivement sur l'analyse complémentaire de la charge de travail, sur la liste des projets et activités reportés en 2024 et sur l'analyse complémentaire des risques professionnels par unité de travail. De plus, la FNMF a mis à jour le document unique d'évaluation des risques professionnels au cours de la procédure d'information et consultation, et répondu aux questions du comité social et économique, aux observations de la DRIEETS d'Ile-de-France et au rapport de l'expert, sur les risques du projet de réorganisation pour la santé et la sécurité des travailleurs. Dès lors, alors même qu'ainsi qu'il le soutient, les risques liés à la charge de travail et au réaménagement des locaux du siège de la fédération auraient été sous-évalués, le CSE, qui s'est prononcé sur l'identification et l'évaluation des risques par l'employeur et les mesures prévues pour les prévenir, n'est pas fondé à soutenir que la FNMF ne lui a pas adressé tous les éléments utiles pour formuler son avis en connaissance de cause.

19. En second lieu, il appartient à l'administration, dans le cadre du contrôle du contenu du document unilatéral lui étant soumis en vue de son homologation, de vérifier, au vu de ces éléments d'identification et d'évaluation des risques, des débats qui se sont déroulés au sein du comité d'entreprise ou désormais du comité social et économique, des échanges d'informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi conformément à ce qui est dit au point 6, dès lors qu'ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l'employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs.

20. Dans la version définitive du 17 novembre 2023 de la note, mentionnée au point 18, qui a été soumise à l'avis du comité social et économique, la FNMF fait la liste, par classe de danger et par risques associés, des dispositifs d'accompagnement prévus pour tous les salariés, pour ceux dont le contrat est susceptible d'être rompu pour motif économique et pour ceux exerçant un rôle de management de proximité, pendant les trois phases de l'élaboration et la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi (phase 1, avant la mise en œuvre du projet et notamment au moment de l'annonce ; phase 2, période transitoire de la procédure de consultation aux premiers départs ; phase 3, mise en œuvre de la nouvelle organisation, à partir des premiers départs). Ces mesures consistent, notamment, pendant la phase 1, en la mise en place par le service des ressources humaines d'une cellule de proximité et d'une foire aux questions et la diffusion régulière d'informations par la direction, pendant la phase 2, en l'instauration de créneaux de portes ouvertes et en l'organisation de deux cycles d'échanges entre la directrice générale et chaque collectif de travail, l'installation d'un point d'information conseil, le maintien d'une ligne téléphonique avec des psychologues du travail sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, l'intervention d'une cellule d'écoute psychologique, et pendant la phase 3, en l'accompagnement, par la formation, des salariés dont les conditions d'exercice du travail ont été modifiées. La FNMF a également prévu des mesures pour remédier au risque spécifique d'accroissement de la charge de travail, telles que, pour tous les salariés pendant la phase 2, un dispositif de suivi régulier de la charge de travail à l'occasion des réunions hebdomadaires d'équipe, des arbitrages au sein du conseil de direction (codir) sur les priorités (projets / activités à reporter) et la communication des informations concernant les arbitrages réalisés, et pendant la phase 3, une organisation des transferts de connaissances entre collègues et de réallocation des charges, et pour les salariés ayant des fonctions de management de proximité, pendant la phase 2, des temps d'échanges informels une à deux fois par mois entre managers animés par le service des ressources humaines et la remontée au conseil de direction des besoins d'arbitrage sur les priorités et pendant la phase 3, la participation aux ateliers de discussion sur le travail et l'arbitrage sur les propositions d'évolution et d'amélioration des procédures. Ces mesures sont précises et concrètes et, prises dans leur ensemble, propres à prévenir les risques pour la santé ou la sécurité et à en protéger les salariés. Le CSE ne peut pas utilement invoquer, pour soutenir qu'elles sont insuffisantes, la circonstance qu'elles n'auraient pas été mises en œuvre par l'employeur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'employeur de son obligation de santé et de sécurité doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et dès lors que la décision par laquelle l'autorité administrative statue sur la demande d'homologation du document unilatéral qui fixe ceux des éléments qui n'ont pas été déterminés par l'accord collectif partiel est divisible de la décision par laquelle l'autorité administrative statue sur la demande de validation de cet accord, que le CSE de l'UES Mutualité française est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er février 2024 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France, en tant qu'elle porte homologation du document unilatéral complétant l'accord collectif partiel.

Sur les frais de l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CSE de l'UES Mutualité française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la FNMF demande au titre des frais de l'instance.

23. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser au CSE de l'UES Mutualité française sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2407398/3-1 du 27 juin 2024 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 1er février 2024 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France portant homologation du document unilatéral complétant l'accord collectif partiel et la décision du 1erfévrier 2024, en tant qu'elle porte homologation du document unilatéral complétant l'accord collectif partiel portant plan de sauvegarde de l'emploi au sein de la Fédération nationale Mutualité française, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera au comité social et économique de l'UES Mutualité française une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la FNMF tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au comité social et économique de l'UES Mutualité française, à la ministre du travail et de l'emploi et à la Fédération nationale mutualité française.

Copie en sera adressée pour information au directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA03828


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03828
Date de la décision : 26/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : VAUGHAN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-26;24pa03828 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award