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22/11/2024 | FRANCE | N°24PA01785

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 22 novembre 2024, 24PA01785


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société en nom collectif OCS a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 octobre 2022 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a répondu à sa demande de rescrit, présentée sur le fondement du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, en lui indiquant que les offres qu'elle commercialise comprenant des abonnements à des services de télévision et l'accès à des ser

vices de médias audiovisuels à la demande devaient être soumis au taux normal de 20 % de tax...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif OCS a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 28 octobre 2022 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a répondu à sa demande de rescrit, présentée sur le fondement du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, en lui indiquant que les offres qu'elle commercialise comprenant des abonnements à des services de télévision et l'accès à des services de médias audiovisuels à la demande devaient être soumis au taux normal de 20 % de taxe sur la valeur ajoutée et d'enjoindre sous astreinte au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder au réexamen de cette demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2226752 du 26 mars 2024, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 octobre 2022 et enjoint au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de procéder au réexamen de la demande de la société OCS dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 avril 2024 et le

18 octobre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris et de rejeter la demande de la société OCS tendant à l'annulation de la décision du 28 octobre 2022.

Il soutient que les prestations autres que la télévision linéaire proposées par la société OCS dans les abonnements ne présentent pas un caractère accessoire par rapport à la télévision linéaire dès lors que ces autres prestations, notamment la télévision de rattrapage étendu, ont une finalité propre, distincte de celle de la télévision linéaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2024, la société par actions simplifiée Canal + Thématiques venant aux droits de la société OCS, représentée par le cabinet d'avocats CMS Francis Lefebvre, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ashworth et de Me Merchadier pour la société Canal + Thématiques venant aux droits de la société OCS.

Considérant ce qui suit :

1. La société OCS a pour activité l'édition et l'exploitation de chaînes de télévision. Estimant que la commercialisation du bouquet OCS constitue une opération unique consistant principalement en la fourniture d'un service de télévision " linéaire ", elle considère que l'ensemble de l'abonnement qu'elle propose, y compris les services de télévision de rattrapage et de rattrapage élargie qui permettent de regarder des programmes en décalage, ainsi que l'offre de vidéo à la demande, doit bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 10 % prévu au b octies de l'article 279 du code général des impôts. Elle a adressé une demande de rescrit en ce sens à l'administration par courrier du 22 juillet 2021. Par une décision du 21 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a retenu que la prestation de service ainsi fournie aux abonnés devait être traitée comme une opération unique relevant d'un taux de taxe sur la valeur ajoutée unique et que l'offre dans son ensemble devait être soumise au taux de 20% de taxe sur la valeur ajoutée de l'article 278 du code général des impôts applicable à la fourniture de services électroniques. Par décision du 28 octobre 2022, le collège national de second examen des rescrits, saisi par la société requérante en application de l'article L. 80 CB du livre des procédures fiscales, a confirmé la position de l'administration en précisant que seules les offres contenant des services de télévision et des services " de rattrapage " simple, qui permettent à l'abonné de voir le contenu déjà diffusé de façon linéaire sur une période de courte durée et cohérente avec la grille de programme, peuvent s'analyser comme l'accessoire de la prestation principale de télévision et bénéficier ainsi du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux services de télévision, prévu par le b octies de l'article 279 du code général des impôts.

2. Par un jugement du 26 mars 2024, le tribunal administratif de Paris a estimé que, dès lors que l'accès au service de vidéo à la demande ne représentait qu'une part minime de l'horaire de visionnage et que l'accès à la télévision de rattrapage étendu n'était pas prépondérant par rapport au service de télévision de rattrapage normal, ces deux services n'avaient pas de finalité propre pour les abonnés et étaient indissociables de l'abonnement au service de télévision et qu'ainsi, le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 10 % était applicable à l'ensemble des abonnements que la société OCS commercialise. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique fait appel de ce jugement.

3. D'une part, aux termes de l'article 279 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % en ce qui concerne : / (...) / b octies. Les abonnements souscrits par les clients afin de recevoir les services de télévision mentionnés à l'article 2 de la loi

n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (...) ". L'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dispose que : " Est considéré comme service de télévision tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l'ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composé d'une suite ordonnée d'émissions comportant des images et des sons. (...) Est considéré comme service de médias audiovisuels à la demande tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur sa demande, à partir d'un catalogue de programmes dont la sélection et l'organisation sont contrôlées par l'éditeur de ce service (...) ". En application des dispositions précitées, la télévision linéaire peut bénéficier du taux réduit. Les services de rattrapage et de rattrapage élargi ne font pas, en eux-mêmes, l'objet d'un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée.

4. D'autre part, il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que, lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou d'une livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distinctes et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de taxe sur la valeur ajoutée.

5. Ainsi que l'a précisé la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt C-581/19, Frenetikexito du 24 mars 2021 afin de déterminer si l'assujetti effectue plusieurs prestations principales distinctes ou une prestation unique, il convient, premièrement, d'identifier les éléments caractéristiques de l'opération en cause, en se plaçant du point de vue du consommateur moyen. Le faisceau d'indices auquel il est recouru dans ce but comprend différents éléments, les premiers, d'ordre intellectuel et d'importance décisive, visant à établir le caractère indissociable ou non des éléments de l'opération en cause et sa finalité économique, unique ou non, les seconds, d'ordre matériel et n'ayant pas une importance décisive, venant, le cas échéant, au soutien de l'analyse des premiers éléments, tels que l'accès séparé ou conjoints aux prestations en cause ou l'existence d'une facturation unique ou distincte.

6. Il résulte par ailleurs de cette jurisprudence qu'une opération économique constitue une prestation unique lorsqu'un ou plusieurs éléments doivent être considérés comme constituant la prestation principale, alors que d'autres doivent être regardés comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale. A cet égard, un premier critère à prendre en considération est l'absence de finalité autonome de la prestation du point de vue du consommateur moyen. Ainsi, une prestation doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu'elle constitue pour la clientèle non pas une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire. Un second critère, qui constitue en réalité un indice du premier, tient à la prise en compte de la valeur respective de chacune des prestations composant l'opération économique, l'une s'avérant minime, voire marginale, par rapport à l'autre.

7. Aux termes de l'article 257 ter du code général des impôts, pris pour la transposition de ces principes : " I. Chaque opération imposable à la taxe sur la valeur ajoutée est considérée comme étant distincte et indépendante et suit son régime propre déterminé en fonction de son élément principal ou de ses éléments autres qu'accessoires. / L'étendue d'une opération est déterminée, conformément au II, à l'issue d'une appréciation d'ensemble réalisée du point de vue du consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, tenant compte de l'importance qualitative et quantitative des différents éléments en cause ainsi que de l'ensemble des circonstances dans lesquelles l'opération se déroule. / II. Relèvent d'une seule et même opération les éléments qui sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel. / Lorsqu'un élément est accessoire à un ou plusieurs autres éléments, il relève de la même opération que ces derniers (...) ".

8. Aux termes de l'article 278-0 du code général des impôts : " Lorsqu'une opération comprend des éléments autres qu'accessoires relevant de taux différents, le taux applicable à cette opération est le taux le plus élevé parmi les taux applicables à ces différents éléments ".

9. Il ressort des pièces du dossier que les clients de la société OCS peuvent souscrire différents types d'abonnement donnant chacun accès à l'ensemble des services : télévision linéaire, télévision de rattrapage, télévision de rattrapage étendu, vidéo à la demande, les formules proposées et leur prix variant uniquement en fonction du nombre de visionnages simultanés permis et du nombre de supports de diffusion. Ces abonnements proposent ainsi, uniquement et dans toutes les composantes de l'offre, des contenus audiovisuels qui sont regardés, ainsi que le montre l'enquête de consommation produite par la société, presque exclusivement sur des écrans de télévision. Il résulte de ce qui précède que les abonnements proposés constituent une seule opération comportant plusieurs éléments indissociables, ce qui n'est d'ailleurs pas débattu par les parties.

10. En application des dispositions précitées, il y a lieu, pour déterminer le caractère accessoire d'un élément au sens de l'article 278-0 du code général des impôts, de rechercher si cet élément n'a aucune finalité propre, distincte de celles des autres prestations. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du Conseil supérieur de l'audiovisuel cité par le ministre, que les services de télévision de rattrapage élargi tels que ceux proposés par la société OCS permettent au consommateur de visionner des contenus audiovisuels plusieurs mois voire plusieurs années après leur diffusion par le service de télévision linéaire et, même, incluent des contenus non diffusés précédemment à l'antenne, en particulier les anciennes saisons de séries. En outre, les analyses de la consommation des abonnés produites par la société OCS montrent que 51 % du temps de visionnage correspond à la télévision linéaire et que 49 % correspond donc aux trois autres services de télévision de rattrapage, de télévision de rattrapage élargie et de vidéo à la demande. La durée limitée ou, à l'inverse, très étendue de la rediffusion décalée est, du point de vue du consommateur moyen, un critère qui permet de faire le départ entre un service qui constitue l'accessoire d'un service linéaire et un service qui a une finalité propre et qui est donc autre qu'accessoire. Or, la société OCS ne produit aucun élément permettant de déterminer la part du service de télévision de rattrapage " normal " et celle du service de télévision de rattrapage élargi. Dès lors, le service de télévision de rattrapage étendu ne peut être considéré comme une prestation accessoire au service de télévision linéaire proposé dans les abonnements de la société OCS. En application de l'article 278-0 précité, le taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 %, applicable au service de la télévision de rattrapage étendu et qui est le taux le plus élevé des différents éléments constitutifs de l'opération, est applicable à l'ensemble de l'abonnement.

11. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le motif précédemment mentionné au point 2 pour annuler la décision du 28 octobre 2022. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société OCS devant le tribunal administratif et devant la cour.

12. La société Canal + Thématiques venant aux droits de la société OCS et cette dernière ne soulevant ni devant le tribunal administratif ni devant la cour d'autre moyen que celui retenu par le tribunal administratif de Paris, il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 28 octobre 2022.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Canal + Thématiques venant aux droits de la société OCS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 26 mars 2024 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société OCS devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Canal + Thématiques venant aux droits de la société OCS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société par actions simplifiée Canal + Thématiques venant aux droits de la société en nom collectif OCS.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Delage, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.

Le président-rapporteur,

A. BARTHEZL'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

Ph. DELAGE

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01785 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01785
Date de la décision : 22/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme DE PHILY
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-22;24pa01785 ?
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