Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement n° 2324453 du 20 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2024, M. A..., représenté par Me Levy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, un titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et entaché d'une dénaturation des faits ;
- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant à tort en situation de compétence liée ; elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que les signatures des trois médecins ont été apposées sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et que cet avis est insuffisamment motivé ; la décision contestée méconnaît les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ; il justifie devoir bénéficier de plein droit d'un titre de séjour ; le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; cette décision méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît également l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à son principe et à sa durée.
Par une ordonnance du 12 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 septembre suivant.
Un mémoire en défense, présenté par le préfet de police, a été enregistré le 21 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;
- et les observations de Me Sauvadet, substituant Me Levy, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né en 1994, relève appel du jugement du 20 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par M. A..., ont suffisamment motivé leur jugement, en particulier leur réponse au moyen tiré de l'absence d'accès à un traitement approprié dans le pays d'origine.
3. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le requérant ne peut donc utilement se prévaloir de la dénaturation des faits du dossier qui entacherait le jugement attaqué du tribunal administratif pour en demander l'annulation pour irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, les moyens tirés, d'une part, de l'insuffisance de motivation et, d'autre part, du vice de procédure concernant l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges respectivement au point 3 et aux points 5 et 6 du jugement attaqué.
5. En deuxième lieu, il ne ressort ni des motifs de l'arrêté contesté ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police se serait estimé à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention franco-algérienne du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
7. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de police s'est fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 25 mai 2023, lequel relève que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une paraparésie spastique d'origine génétique avec une spasticité diffuse des membres inférieurs, responsable d'un handicap moteur avec un syndrome parkinsonien et un état de dépendance. Son état nécessite un traitement dopaminergique, des injections de toxine botulique ainsi que des soins de rééducation. M. A... produit plusieurs certificats médicaux établis par des praticiens hospitaliers spécialistes de la pathologie dont il souffre, indiquant que " le protocole de soin, les médicaments prescrits et le suivi nécessaire de sa pathologie répond d'un suivi hospitalo-universitaire en milieu spécialisé et centre de référence, ce qui n'est pas possible dans son pays d'origine ". Toutefois, alors même que les soins offerts dans le pays d'origine de l'intéressé ne seraient pas équivalents à ceux offerts en France, une telle circonstance n'est pas de nature à établir l'absence de disponibilité de traitements appropriés dans des conditions permettant d'y avoir accès. Aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir que, contrairement à ce qu'a considéré le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, les traitements médicamenteux suivis par M. A... ne seraient pas disponibles en Algérie. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les caractéristiques du système de santé algérien feraient obstacle à un accès effectif aux traitements appropriés disponibles dans ce pays. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à invoquer la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., lourdement handicapé, est entré en France le 26 mars 2015 et a bénéficié, en sa qualité d'étranger malade, d'un titre de séjour valable du 2 juin 2020 au 1er mars 2021. Il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 30 septembre 2016, puis d'une deuxième le 16 septembre 2021, lesquelles n'ont pas été exécutées. M. A... est célibataire et sans charge de famille. Il n'invoque aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que sa mère, en situation irrégulière sur le territoire national, continue de l'assister au quotidien en cas de retour dans son pays d'origine, pays dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie et où il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales. Dans ces conditions, malgré la présence régulière en France du frère de M. A... lui apportant un soutien supplémentaire, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels la décision portant refus de séjour a été prise.
11. En cinquième lieu, eu égard à l'ensemble des circonstances exposées aux points 8 et 10, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé aux points 4 à 11 que M. A..., qui ne justifie pas remplir les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour de plein droit, n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
13. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée ni des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A..., alors même que cette décision ne ferait pas mention de l'ensemble des circonstances invoquées par l'intéressé.
14. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 10, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :
15. Le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas à M. A... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 19 et 20 du jugement attaqué.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes des stipulations de cet article 3 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
17. Conformément aux motifs exposés au point 8, il n'est pas établi que M. A... ne serait pas en mesure de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il n'est par suite pas fondé à invoquer, pour ce motif, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans :
18. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
19. Il résulte de ce qui a été précédemment exposé, notamment aux points 8 et 10 du présent arrêt, que d'une part M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne serait pas en mesure de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et d'autre part il ne démontre avoir établi en France le centre de sa vie privée et familiale, alors même que l'un de ses frères y résiderait régulièrement. Par ailleurs, bien qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il s'est déjà soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet de police aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 612-10 ou aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle. Ces deux moyens doivent être écartés.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté de sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00303 2