Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 2105202 du 9 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mars et 29 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Tailfer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 à hauteur de la déduction des charges relatives à l'activité professionnelle ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- conformément aux dispositions de l'article 93 A du code général des impôts, le bénéfice non commercial à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession engagées au cours de l'année d'imposition, soit un montant de charges s'élevant à 22 151,44 euros ;
- à titre subsidiaire, le montant de ces charges déductibles s'élève à 18 361,44 euros en application des dispositions de l'article 93 du même code ;
- dès lors qu'il doit être qualifié de travailleur indépendant au sens du droit de la sécurité sociale, l'indemnité d'immobilisation en litige relève du champ d'application de l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale et ne pouvait être assujettie aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine, seule l'URSSAF étant alors compétente pour procéder au recouvrement des prélèvements sociaux sur les revenus d'activité et de remplacement.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par des mémoires distincts, enregistrés le 22 mars et le 5 mai 2023, M. B..., représenté par Me Tailfer, demande à la cour de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions de l'article 92 du code général des impôts au principe d'égalité devant l'impôt et au principe d'égalité devant les charges publiques garantis par la Constitution.
Par un mémoire enregistré le 3 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut à ce que la cour ne transmette pas au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....
Par une ordonnance n° 23PA00980 du 8 septembre 2023, la présidente de la 5ème chambre a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lellig, rapporteure ;
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Tailfer, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a signé le 11 décembre 2012 une promesse de vente d'un bien immobilier au profit de la société civile immobilière " Les Montagnes d'Auvergne " pour un montant de 4 050 000 euros, assorti d'une indemnité forfaitaire d'immobilisation de 405 000 euros acquise au promettant en cas de non-réalisation de la vente. Le 15 mai 2013, la vente ne s'étant pas réalisée à l'échéance de la promesse de vente, M. B... a perçu la somme de 405 000 euros, correspondant à l'indemnité forfaitaire d'immobilisation. Par une proposition de rectification en date du 24 mai 2016, l'administration fiscale l'a informé de son intention d'imposer cette indemnité à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de l'année 2013, au titre des bénéfices non commerciaux non professionnels. M. B... relève appel du jugement du 9 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions en litige.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 93 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ". L'article 93 A du même code dispose que : " I. A compter du 1er janvier 1996 et par dérogation aux dispositions de la première phrase du 1 de l'article 93, le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt peut, sur demande des contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée, être constitué de l'excédent des créances acquises sur les dépenses mentionnées au 1 de l'article 93 et engagées au cours de l'année d'imposition. L'option doit être exercée avant le 1er février de l'année au titre de laquelle l'impôt sur le revenu est établi ; elle s'applique tant qu'elle n'a pas été dénoncée dans les mêmes conditions (...) ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice non commercial à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est normalement constitué par l'excédent des recettes totales encaissées au cours de l'année d'imposition sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession et effectivement acquittées au cours de cette même année. Toutefois, le bénéfice imposable peut, en vertu de l'article 93 A, être déterminé, à la demande des intéressés, en tenant compte des créances acquises et des dépenses engagées au cours de l'année d'imposition.
3. D'autre part, l'indemnité d'immobilisation litigieuse est imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux dès lors qu'elle rémunère un service rendu à la société bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente, consistant pour le propriétaire du bien à réserver à cette société la possibilité d'acheter et à s'interdire de vendre à un tiers, assorti d'une contrepartie financière.
4. M. B... entend déduire de l'indemnité d'immobilisation qui a fait l'objet de l'imposition litigieuse des charges qu'il expose avoir engagées pour l'acquisition de ce revenu, pour un montant total de 22 151,44 euros. Il fait tout d'abord valoir des dépenses de diagnostics immobiliers et de frais de notaire, lesquelles ne sont toutefois pas liées à l'abstention de vendre le bien à un tiers, prestation objet de la rémunération, mais la conséquence de la remise en vente du bien en l'absence de réalisation de la cession. Il en va de même s'agissant des dépenses liées à la conservation de la propriété du bien postérieurement à l'absence de cession, au titre de charges de copropriété et de taxe d'habitation de l'année 2013 invoquées par M. B..., de telles dépenses n'ayant pas conditionné la perception de l'indemnité litigieuse, laquelle supposait seulement de s'abstenir de vendre le bien du 11 décembre 2012 au 15 mai 2013.
5. Par ailleurs, les honoraires d'avocat exposés afin d'engager les procédures nécessaires à l'encaissement de l'indemnité d'immobilisation peuvent effectivement être considérées comme déductibles du bénéfice imposable dès lors qu'elles ont été nécessaires à la perception effective de cette indemnité. La facture de 2 990 euros datée du 23 mai 2013 correspondant aux honoraires d'avocat relatifs à la promesse de vente du 11 décembre 2012 doit être regardée, malgré son imprécision, comme effectivement en lien avec la perception de l'indemnité d'immobilisation eu égard notamment aux échanges concomitants entre M. B... et son conseil éclairant le contexte de la consultation facturée et du rendez-vous du 12 avril 2013. En revanche, les autres factures d'honoraires versées au dossier sont insuffisamment précises pour établir la nature des prestations réalisées et donc les sommes réellement exposées en vue de l'acquisition de l'indemnité d'immobilisation en litige. Dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le bénéfice des dispositions de l'article 93 A précitées, M. B... est seulement fondé à demander la diminution de son bénéfice imposable à hauteur de 2 990 euros.
6. En second lieu, aux termes du I de l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, alors en vigueur : " Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article L. 245-14 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à un prélèvement sur les revenus et les sommes mentionnés aux I et II de l'article L. 136-6. (...) Les dispositions du III de l'article L. 136-6 sont applicables à ce prélèvement ". Aux termes du I de l'article L. 136-6 du même code : " Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : (...) f) De tous revenus qui entrent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles au sens du code général des impôts, à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5 (...) ".
7. Il résulte des dispositions précitées que les revenus tirés d'une activité non salariée sont assujettis à la contribution sociale sur les revenus d'activité dès lors que cette activité est exercée à titre professionnel, que ce soit de manière accessoire ou non.
8. Il résulte de l'instruction que M. B..., expert-comptable, a bénéficié de l'indemnité d'immobilisation en litige dans le cadre de la tentative de cession de sa résidence principale. Alors même qu'il aurait conduit lui-même les négociations, cette opération de cession, ponctuelle et réalisée à titre personnel, ne revêt pas de caractère professionnel. Les revenus produits résultent dès lors d'une activité non salariée qui n'est pas exercée à titre professionnel, et ont donc été, à bon droit, assujettis à la contribution sur les revenus du patrimoine, en application de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la déduction du bénéfice imposable de la somme de 2 990 euros.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque sur leur fondement.
DECIDE :
Article 1er : La base de l'impôt sur le revenu assigné à M. B... au titre de l'année 2013 est réduite d'un montant de 2 990 euros.
Article 2 : M. B... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2013 correspondant à cette réduction des bases d'imposition.
Article 3 : Le jugement n° 2105202 du 9 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- Mme Lellig, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.
La rapporteure,
W. LELLIGLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
A. MAIGNANLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA00980 2