Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Wallix a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012, 2013 et 2014.
Par jugement n°1920549 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 février 2023, et un mémoire, enregistré le 11 mai 2023, la société Wallix, représentée par Me Farhat du cabinet Lamy Lexel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'expertise réalisée par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation n'a pas donné lieu à un débat oral et contradictoire ;
- la proposition de rectification du 29 juin 2016 est insuffisamment motivée ;
- les dépenses de veille technologique sont éligibles au crédit d'impôt recherche ;
- les sous-projets du projet " WAB " (Wallix Admin Bastion) et le projet " Logbox " sont éligibles au crédit d'impôt recherche.
Par des mémoires enregistrés le 13 avril 2023 et le 16 avril 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Wallix ne sont pas fondés.
Par ordonnance en date du 26 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 avril 2024.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 24 octobre 2024 :
- le rapport de M. Delage,
- les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique,
- et les observations de Me Blum substituant Me Fahrat, représentant la société Wallix.
Considérant ce qui suit :
1. La société Wallix, qui exerce une activité d'édition de logiciels informatiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012, 2013 et 2014 à l'issue de laquelle, par des propositions de rectification du 11 décembre 2015 et du 29 juin 2016, l'administration fiscale a remis en cause, pour des montants respectifs de 18 000 euros, 344 455 euros, 18 000 euros et 189 158 euros, les crédits d'impôt recherche déclarés par la société. Cette dernière a contesté devant le tribunal administratif de Paris les impositions supplémentaires ayant résulté de ces rectifications en matière d'impôt sur les sociétés. Elle relève appel du jugement du 7 décembre 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, la société requérante reprend en appel le moyen soulevé en première instance, tiré de ce que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité en raison de l'absence de débat oral et contradictoire portant sur le rapport de l'expert du ministère chargé de la recherche. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Paris au point 3 de son jugement.
3. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Pour être régulière au regard des dispositions précitées, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
4. La proposition de rectification du 29 juin 2016 désigne les impôts concernés, mentionne les textes applicables et les périodes d'imposition et décrit de façon suffisamment précise les motifs qui fondent les rectifications envisagées. En outre, il ne ressort pas des termes de ce document que le vérificateur se serait estimé lié par le rapport de l'expert du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 4 mai 2016. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification du 29 juin 2016 doit donc être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts, applicable au présent litige : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. (...) II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ".
6. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.
7. En premier lieu, la société Wallix soutient que les dépenses de veille technologique qu'elle a exposées sont éligibles au crédit d'impôt recherche. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société requérante, qui est seule en mesure de produire les pièces permettant de justifier de la réalité et de la nature des prestations de veille technologique invoquées et de leur lien avec son activité de recherche, se borne, comme en première instance, à produire un tableau mentionnant le nom et le prénom du membre du personnel impliqué, le projet de recherche concerné, le nombre d'heures de veille, le coût horaire et donc le coût total de cette veille. A lui seul, ce tableau ne justifie pas de la réalité des moyens consacrés à la veille technologique ni de leur rattachement aux projets de recherche de la société permettant de regarder les dépenses en litige comme étant éligibles au crédit impôt recherche. La société ne justifie pas davantage que des salariés participeraient à des conférences et des congrès scientifiques et techniques en se bornant à soutenir que la participation à de tels événements est désormais possible de manière dématérialisée.
8. En deuxième lieu, la société requérante soutient, comme en première instance, que les dépenses exposées au titre des sous-projets " Sécurisation des communications Web ", " Reconnaissance automatique de l'application active ", " Augmentation des performances du WAB ", " Amélioration de la sécurité et de la robustesse du WAB " qui composent le projet " WAB " sont éligibles au crédit d'impôt recherche. Elle n'apporte toutefois aucun élément de fait ou de droit nouveau à l'appui de ce moyen qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 9 de son jugement.
9. En troisième lieu, la société Wallix soutient que le projet " Logbox ", qui porte sur le développement d'un système de collecte par le réseau, d'indexation et de stockage centralisé, de marquage et de routage des lignes de " logs " produites par les différents éléments d'un système d'information, est éligible au crédit d'impôt recherche. Dans son rapport établi le 4 mai 2016, que l'administration fiscale s'est appropriée, l'expert du ministère chargé de la recherche a considéré que l'état de l'art était parcellaire et se focalisait sur une orientation donnée, et qu'il aurait dû être élargi aux multiples techniques de collecte et de traitements de " logs " proposées dans la littérature, ce qui aurait pu mettre en évidence d'autres voies de recherche et de comparer celle suivie avec les approches alternatives. S'agissant des verrous scientifiques, techniques et technologiques et des aléas et incertitudes, l'expert a qualifié l'énoncé des points durs d'embryonnaire et peu motivé, se limitant à des aspects très abstraits qui ne sont pas ensuite affinés en problèmes techniques à résoudre. Pour l'expert, après analyse des contributions, beaucoup d'éléments ont trait au développement, tandis que d'autres aspects traitent de questions d'intégration et d'expérimentation pilote. A l'appui de ses conclusions, la société Wallix soutient que le projet Logbox ne doit pas être apprécié individuellement mais dans sa globalité, et en particulier en tant qu'il fait suite à un projet dénommé " TULIPP " qui s'est déroulé entre 2008 et 2010, à l'issue duquel plusieurs perspectives de recherches étaient ouvertes et ont conduit les travaux du projet Logbox à se focaliser sur deux verrous technologiques tenant au passage à l'échelle de la capacité d'analyse et au passage à l'échelle de la capacité de sauvegarde des " logs ". Toutefois, les considérations qu'elle développe devant la Cour ne sont pas suffisamment circonstanciées pour remettre en cause l'évaluation portée par l'expert du ministère chargé de la recherche, confirmé par le comité consultatif du crédit d'impôt pour dépense de recherche dans sa séance du 28 mars 2017. Il en est de même, en raison de leur caractère insuffisamment précis, des mentions de l'expertise du 31 janvier 2017 réalisée à la demande de la société.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Wallix est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Wallix et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques de la direction régionale du contrôle fiscal d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour, le 22 novembre 2024.
Le rapporteur,
Ph. DELAGELe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00545