Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée SRP1 Développement Immobilier a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017.
Par un jugement n° 2105800 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 19 juillet 2022 et le 2 mai 2023, la société SRP1 Développement Immobilier, représentée par Me Dejumné, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la restitution de l'impôt sur les sociétés et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle s'est acquittée au titre de l'exercice clos en 2017 pour des montants respectifs de 122 973 euros et 12 668 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit a vocation à s'appliquer précisément parce que les erreurs non volontaires qu'elle a commises l'ont été moins de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit ;
- les erreurs commises n'étaient pas délibérées.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les conclusions ne sont pas recevables en ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises afférente à l'année 2017, le délai de réclamation expirant au 31 décembre 2019, et que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dubois ;
- et les conclusions de Mme de Phily, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée AR France Invest, devenue la société SRP1 Développement Immobilier, qui exerce une activité d'achat et de revente de biens immobiliers, a, par réclamation du 13 décembre 2019, sollicité auprès de l'administration fiscale la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017, au motif qu'elle avait comptabilisé à tort les frais de commercialisation afférents à la vente de biens immobiliers en l'état futur d'achèvement dans un compte de charges constatées d'avance, alors que ces charges auraient dû être rattachées aux exercices clos en 2014, 2015, 2016 et 2017 au cours desquels elles ont été engagées. Par une décision du 11 juin 2020, l'administration fiscale a partiellement fait droit à la réclamation de la société en déduisant de son résultat pour l'exercice clos en 2017 les charges constatées au titre de cet exercice, mais a refusé la déduction des charges des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, en vertu du principe de rattachement des charges à l'exercice de leur engagement. Une seconde réclamation a été déposée le 6 août 2020 sollicitant un dégrèvement additionnel d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à hauteur respectivement de 122 973 et 12 688 euros. En l'absence de réponse de l'administration fiscale, la société a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande de restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2017. Elle relève appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur l'impôt sur les sociétés :
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé. / Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. Toutefois, elles ne sont prises en compte ni pour le calcul des amortissements ou des provisions, ni pour la détermination du résultat de cession (...) ".
3. En vertu des dispositions du 4 bis de cet article, une erreur ou omission affectant l'évaluation d'un élément quelconque de l'actif ou du passif du bilan d'un des exercices non prescrits peut, si elle a été commise au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture du premier des exercices non prescrits, être corrigée de manière symétrique dans les bilans de clôture et d'ouverture des exercices non prescrits, y compris dans le bilan d'ouverture du premier d'entre eux.
4. Il résulte de l'instruction que la société AR France Invest devenue la société SRP1 Développement Immobilier a procédé à tort à la comptabilisation dans un compte de charges constatées d'avance, d'une part, des commissions de commercialisation afférentes à la vente de biens immobiliers en état futur d'achèvement pour un montant global de 1 163 000 euros facturées par la société Socom et, d'autre part, des frais de publicité du programme immobilier facturés pour un montant de 187 791 euros par la société Achak. De tels frais ne constituant pas, en vertu de la réglementation comptable qui leur est applicable, des charges constatées d'avance à inscrire à l'actif du bilan en vertu de l'article 211-8 du plan comptable général, mais des charges déductibles du résultat de l'exercice de réalisation de la contrepartie, la société a sollicité la prise en compte de la correction des erreurs comptables ainsi commises qui ont eu pour effet d'entrainer une surestimation de l'actif net comptable des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 pour des montants respectifs de 25 000 euros, 350 000 euros et 488 000 euros. Dès lors que les erreurs comptables ainsi commises, reconduites dans les bilans d'ouverture et de clôture de chacun de ces exercices successifs, sont intervenues pendant le délai de sept ans mentionné par les dispositions précitées du deuxième alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, elle est fondée à se prévaloir de l'intangibilité du bilan d'ouverture de l'exercice 2017, premier exercice non prescrit et, en conséquence, à constater à la seule clôture de cet exercice la diminution de son actif net d'un montant de 863 000 euros.
5. L'administration fiscale fait néanmoins valoir que le caractère délibéré des erreurs comptables commises par la société requérante ferait obstacle à ce que celle-ci puisse procéder à la correction du bilan de l'exercice 2017. Toutefois, elle ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, du caractère délibéré de telles erreurs en se bornant à soutenir que la société requérante ne pouvait ignorer le changement de réglementation comptable intervenu en 2011 s'opposant à la comptabilisation en charges constatées d'avance des frais de commercialisation et de publicité des biens immobiliers en l'état futur d'achèvement.
6. En conséquence, la société est fondée à demander que son actif net afférent à l'exercice 2017 soit réduit d'une somme de 863 000 euros et, par suite, à solliciter la restitution des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée à tort dans cette mesure pour un montant de 122 973 euros.
Sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale :
7. D'une part, aux termes de l'article 1447-0 du code général des impôts : " Il est institué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ". Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts, applicable au présent litige : " I. - Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 € sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (...) / II. (...) 3. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à la cotisation foncière des entreprises ". Aux termes de l'article 1476 du même code : " I. - La cotisation foncière des entreprises est établie au nom des personnes qui exercent l'activité imposable, dans les conditions prévues en matière de contributions directes, sous les mêmes sanctions ou recours (...) ". L'article 1679 septies de ce code, applicable au présent litige, dispose que : " Les entreprises dont la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de l'année précédant celle de l'imposition est supérieure à 3 000 € doivent verser : au plus tard le 15 juin de l'année d'imposition, un premier acompte égal à 50 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; / au plus tard le 15 septembre de l'année d'imposition, un second acompte égal à 50 % de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (...) / L'année suivant celle de l'imposition, le redevable doit procéder à la liquidation définitive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sur une déclaration à souscrire au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai (...) ". En application des dispositions précitées, la cotisation foncière des entreprises est mise en recouvrement par voie de rôle, tandis que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises doit être spontanément acquittée par le contribuable.
8. D'autre part, aux termes de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) / e) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ".
9. En application des dispositions précitées de l'article 1679 septies du code général des impôts, la société requérante devait s'acquitter du solde de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises afférente à l'année 2017 au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai 2018. En conséquence, le délai dont elle disposait pour introduire une réclamation au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de l'année 2017 expirait au 31 décembre 2019 ainsi que le fait valoir l'administration en défense. En conséquence, la réclamation contentieuse de la société SRP1 Développement Immobilier présentée le 13 décembre 2019 pour un montant de 17 941 euros a été déposée dans le délai de réclamation prévu au e) de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales. L'administration fiscale ayant procédé à un dégrèvement à concurrence de 6 818 euros, la société requérante était recevable à saisir le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la restitution de la différence, soit la somme de 11 123 euros. La société ayant, dans son mémoire en réplique présenté en cause d'appel, porté le montant de sa demande de restitution à la somme de 12 668 euros, il s'ensuit que sa demande est irrecevable pour un montant de 1 545 euros.
En ce qui concerne la restitution de l'excédent de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises versée au titre de l'année 2017 :
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 6 du présent arrêt, que la société SRP1 Développement Immobilier est fondée à se prévaloir, en conséquence de la correction des erreurs comptables affectant le bilan de clôture de l'exercice 2017, de la diminution de son actif net d'un montant de 863 000 euros. Elle est par suite fondée à demander la restitution de la somme de 11 123 euros correspondant à l'excédent de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie sur la base d'un actif net surestimé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société SRP1 Développement Immobilier est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris ne lui a pas accordé la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés acquittée au titre de l'exercice clos en 2017 pour un montant de 122 973 euros et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises acquittée au titre de l'année 2017 pour un montant de 11 153 euros.
Sur les frais liés au litige :
12. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société SRP1 Développement Immobilier et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2105800 du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la société SRP1 Développement Immobilier la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés acquittée au titre de l'exercice clos en 2017 à concurrence de la somme de 122 973 euros et la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises acquittée au titre de l'année 2017 à concurrence de la somme de
11 153 euros.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société SRP1 Développement Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société SRP1 Développement Immobilier est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société par actions simplifiée SRP1 Développement Immobilier.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Barthez, président de chambre,
- M. Delage président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 novembre 2024.
Le rapporteur,
J. DUBOISLe président,
A. BARTHEZ
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA03314 2